[Independence Day] The Flying Games

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Dans la série Independence Day qui se veut être une présentation non exhaustive des éditeurs francophones, nous avons le plaisir de recevoir David Perez de The Flying Games. Il vient nous parler de la genèse, de l’évolution et de l’actualité ludique de cette maison d’édition : avec notamment la gamme 2 joueurs et sa nouvelle édition : Monki, le prochain Run Run Run de Bruno Cathala (encore lui ! ) et d’Anthony Perone.

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Mais qui « est » The Flying Games? De quand datent les débuts de cette maison d’édition?

The Flying Games existe depuis 2013 avec la sortie de Egomaster, un jeu auto-édité et même auto-distribué pendant les premiers mois. 

Peux-tu me parler de la genèse des The Flying Games ? Quelles sont les raisons, motivations ou opportunités de création d’un éditeur comme The Flying Games ?

Après avoir fait pas mal de choses dans ma vie professionnelle (études de droit, journaliste sportif, assistant d’édition), je me suis retrouvé à une sorte de tournant.

Je me suis dit que si je voulais créer ma boite ; c’était le bon moment. Il ne me restait plus qu’à trouver le domaine d’activité. J’avais envie de trouver quelque chose dont le cœur de métier ne dépendait pas d’une compétence intouchable pour moi (comme de la programmation informatique par exemple). 

Je ne sais pas du tout comment l’idée du jeu de société m’est venue ni comment j’ai pu croire que j’en étais capable mais à l’époque, j’ai trouvé que c’était une idée formidable. Pour bien comprendre la dinguerie de la démarche, il faut que je précise que je n’étais pas joueur de jeux de société.

En 2013, je jouais beaucoup au Backgammon et au poker en ligne. Ces deux jeux m’ont passionné au point de les étudier en profondeur. J’aimais aussi la culture générale, surtout les trucs qui ne servent à rien. Je me suis dit qu’un mix de poker et de questions pourrait faire un bon cocktail.

Voilà comment sont nés Egomaster et ma société d’édition. 

Qui compose son équipe ? Quel est le rôle de chacun d’eux et peux-tu nous dire en quoi ces rôles consistent ?

Au sein même de la société, je suis toujours tout seul mais autour de moi en revanche, je travaille en étroite collaboration avec des personnes talentueuses : les auteurs que j’essaie d’impliquer au maximum à toutes les étapes de la conception d’un jeu (coucou Benoit Turpin et Alex Emerit qui appelleront peut être harcèlement ce que j’appelle “collaboration”).

Mais aussi, l’illustratrice (Camille Chaussy pour l’essentiel) avec qui on continue d’échanger tout au long du processus créatif.

Je travaille également avec un ou une maquettiste et des amis qui testent mes jeux et m’aident à trouver des titres de jeux, titres que je ne choisis jamais au final.

Enfin, si on élargit un peu le cercle, je considère que certaines personnes chez Blackrock, mon distributeur font, en quelque sorte, partie de mon équipe. Deux ou trois fois dans l’année, ils me donnent un avis (souvent sans concession) sur les protos que je leur présente.

C’est très utile parce que ça permet à son ego de rester dans sa coquille. Plus sérieusement, cela permet surtout de vérifier si on va dans la bonne direction, si le public auquel on pense correspond à ce que je leur montre d’un jeu.    


Où travaille l’équipe ?

Je travaille en région parisienne. Je ne dis pas Paris pour ne pas porter cette lourde étiquette mais en vrai je suis un vrai parisien. 

Comment a été choisi le nom de ta maison d’édition ?

Au départ, lorsque j’ai créé Egomaster, je ne savais pas s’il y aurait un deuxième jeu. Lorsque j’ai eu l’idée de la gamme à deux avec Little Big Fish, je me suis dit qu’il fallait trouver un nom moins “autocentré” et plus joli.

Comme j’ai horreur de l’avion, j’ai tout de suite pensé que The Flying Games collerait parfaitement !

Quelles sont ou ont été les principales difficultés rencontrées à la création ?

J’ai eu la chance de pouvoir créer la société sans aucune pression dans la mesure où j’avais un boulot à côté qui me permettait de créer une entreprise sans obligation de résultat. La seule chose que je savais dès le départ, c’est que je souhaitais faire les choses de la manière la plus pro. 

Les difficultés sont arrivées lorsqu’il a fallu confronter mon jeu auto édité et auto distribué à la réalité du marché. Il fallait un peu d’inconscience pour aller voir les boutiques, leur montrer ce “machin” noir de 30cmx30cm et vendu à 45€. Mais il faut dire que j’ai été très bien accueilli dans le milieu. Certaines boutiques ne me prenaient qu’un jeu ou deux au départ mais elles étaient bienveillantes et souvent de très bons conseils. 

Quelle est la ligne éditoriale choisie par The Flying Games ?


The Flying Games, ce sont des jeux familiaux au sens large. J’essaie de proposer des univers colorés et jamais trash. Comme me l’a fait remarquer Frédéric Guérard, l’auteur, entre autres, de GrandBois et de It’s a Wonderful World, cela ne m’empêche pas d’avoir dans la quasi totalité de mes jeux des personnages qui mangent ou qui se mangent 😉 

Run Run Run sera le 5ème jeu de Bruno Cathala, c’est un auteur qui semble bien correspondre à votre ligne éditoriale. Est-ce un choix délibéré de signer beaucoup de jeux avec Bruno ou est-ce un hasard ?

Je pense que ce n’est ni l’un, ni l’autre. Comme Jurassic Snack s’est très bien passé, Bruno m’a proposé Ice Team et j’ai immédiatement accepté malgré la défaite sans appel subie lors de notre partie test.

Je conçois l’édition comme des aventures humaines. Quand tout se passe bien, il n’y a pas de raison de ne pas continuer à collaborer ensemble, à partir du moment où les projets collent parfaitement à nos envies conjointes. 

Comment se font les choix des jeux, des auteurs et illustrateurs ?

A la base de tout, il y a une étincelle, un énorme coup de cœur soit pour un jeu soit pour un auteur. Ensuite, il y a beaucoup de tests à faire et souvent d’aller-retour entre éditeur et auteur.

A un moment donné, je commence à avoir une vision assez précise de ce que j’imagine comme jeu final. C’est à ce moment-là que je pense au choix de l’illustrateur.  

Quels sont les choix de fabrication, les impératifs, les impondérables, les contraintes de fabrication à respecter ?

Vaste question. La fabrication d’un jeu demande énormément de vérification à chaque étape et on n’est jamais à l’abri de passer à côté d’une énorme erreur. Même quand on a lu et relu les “eproofs”, sortes de bons à tirer numériques, il arrive qu’à l’impression de l’exemplaire de préprod n°1, on ait encore des surprises. Il m’est par exemple arrivé de laisser quelques mots d’anglais dans une règle française à cause d’un mauvais copier-coller. 

Comment The Flying Games s’intègre-t-il à la démarche d’éco-responsabilité ? Est-ce que cela répond à une valeur partagée dans l’entreprise ?

Sur cette question essentielle, je ne me sens pas très légitime d’en parler. Je travaille avec une usine chinoise et je fais fabriquer des figurines, jolies certes mais en plastique. L’éco-responsabilité, c’est une question qui devient centrale. Je me tiens régulièrement informé de ce qui se passe concernant le Made in France et je commence à demander des devis pour des jeux qui contiennent essentiellement des cartes et du carton. 

Comment The Flying Games se fait-il le mieux connaître ?

J’essaie tant que je peux d’aller à la rencontre des joueurs sur des salons, quelles que soient leurs tailles. C’est d’ailleurs sur les plus petits événements que se créent les plus jolies relations. On prend le temps de discuter et on a plaisir à se retrouver chaque année.

Je suis également assez présent sur Facebook sur la page The Flying Games, une page que j’anime et dont la communauté grandit régulièrement. J’ai l’impression que lorsqu’on parle vraiment aux gens, sans se contenter de partager des liens, il y a une vraie réceptivité. 

Quels circuits de distribution ont été choisis ou privilégiés ?

Depuis Little Big Fish, c’est Blackrock qui distribue mes jeux en France. 

Quelle relation The Flying Games a-t-il avec les auteurs et illustrateurs ?

Être un “petit” éditeur a des avantages et des inconvénients. D’un côté, on n’a pas la structure pour gérer plus de 3 ou 4 projets en même temps donc, cela peut être un peu frustrant pour les auteurs et les illustrateurs.

Mais de l’autre, cela permet d’entretenir une belle relation. Lorsque l’on travaille sur un jeu, nous formons une vraie équipe et tout le monde est impliqué à toutes les étapes. Même si cela exige plus d’investissement personnel, je crois que cela convient à tout le monde car à la sortie du jeu, il y a une appropriation naturelle du jeu par l’ensemble du groupe. 

Camille Chaussy illustre la plupart, sinon tous les jeux de The Flying Games, pourquoi cette quasi exclusivité, et comment s’est elle construite ?

Camille et moi avons commencé à peu près en même temps dans le métier. En plus de l’admiration que j’ai pour son travail, une amitié s’est nouée assez rapidement.

En regardant ses artworks et en discutant, il est très vite apparu une adéquation entre ses créations et ce que j’avais en tête pour les jeux Flying Games. Il nous est donc paru naturel de lier l’utile à l’agréable en enchaînant les projets.

Bien entendu, il se peut qu’à l’avenir, je fasse appel à d’autres talents. D’abord parce que Camille est de plus en plus sollicitée mais aussi parce que j’ai envie de me plonger dans des univers un peu différent, qui ne colleront pas forcément avec ce que fait Camille.  

Comment l’éditeur s’intègre-t-il dans la conception des jeux qu’il édite ? A quelle étape joue-t-il un rôle essentiel ?

Il n’y a pas vraiment de règle. Certains jeux arrivent sur mon bureau plus aboutis que d’autres. Lorsque c’est le cas, mon rôle va être d’imaginer le thème et l’univers graphique qui collera le mieux avec le proto de l’auteur. Mon rôle va principalement se faire dans les choix matériels (figurines ou pas figurines, plateaux 3D ou non etc). 

Il arrive aussi que l’on me propose un proto pour lequel je sens qu’il y a quelque chose de fort (un ressenti, une émotion) mais qui ne va pas complètement dans la direction que j’imagine. On va alors passer beaucoup de temps à faire des tests entre auteur et éditeur jusqu’à aboutir à une version qui satisfasse pleinement l’équipe.

Ça a par exemple été le cas pour Monki, qui vient de sortir. Antoni Guillen et Jean Pineau m’ont présenté un jeu très poétique qui parlait de gardiens de lucioles. L’univers était intéressant mais les règles un peu trop complexes pour la gamme à deux. On s’entendait très bien et on partageait la vision du jeu alors je n’ai pas lâché.

Combien de temps prend en moyenne l’édition d’un jeu ?

Là encore, je ne vais pas être original mais il n’y a pas vraiment de règle. Editer un jeu dépend de pas mal de facteurs qui vont du matériel à la disponibilité de l’illustrateur. Pour The Flying Games, je pense qu’une moyenne se situerait autour d’un an et demi. 

Parlons des jeux édités par The Flying Games :

Peux-tu nous parler de la gamme 2 joueurs, que nous avons présentée sur le site Undécent ?

Cette gamme a commencé avec Little Big Fish, sorti en 2016. Depuis, nous avons sorti Jurassic Snack, Ice Team, Jurassic Brunch, Mosquito Show et Monki très récemment. Cette gamme très accessible est reconnaissable à ses jolies figurines et ses concepts malins.  

Pourquoi avoir choisi de développer une gamme de jeux à 2 ?

Un an avant Little Big Fish, j’avais craqué pour les grenouilles de Croa, le jeu d’Igor Polouchine (édité par Origames). J’ai une une sorte de révélation et je me suis dit que pour amener des familles de non joueurs aux jeux modernes, utiliser des figurines était idéal. Et comme je jouais souvent à deux à la maison, j’ai naturellement commencé par un type de jeu dans lequel je me sentais à l’aise. 

Le dernier arrivé de la gamme s’appelle Monki. Peux-tu nous parler de ce jeu ?  Pourquoi es-tu passionné par les Orang-outans ?

J’ai déjà abordé un peu plus haut la naissance de Monki. Pour ce qui est du thème, je cherchais un nouvel animal à ajouter au bestiaire de la gamme.

Depuis des années, je me passionne pour les singes. J’avais été fasciné par la vie sociale très développée des chimpanzés en lisant Brazzaville Plage de William Boyd. Encore avant, il y a eu La Planète des Singes, que j’ai lu et vu pas mal de fois. Les Orangs-Outans ont une humanité dans le regard qui me transperce. Alors quand m’est venue l’idée d’avoir des figurines Orang-Outan dans Monki, je ne me suis pas posé plus de question, c’était une évidence. Même si c’est très indirect dans le cas d’un petit jeu familial, si cela peut contribuer à alerter sur la fragilité de cette espèce, on aura pas tout perdu. 

Peux-tu nous parler de votre tout premier jeu, Defizz (il me semble) paru en 2016, pourquoi celui-là ?

Défizz est en réalité mon 2ème jeu. C’est une sorte de version 2.0 d’Egomaster. Entre 2013 et 2016, j’ai beaucoup montré Egomaster en boutique et en festival. Cela m’a permis de mieux comprendre les besoins des professionnels et du public pour un party game. Defizz est le résultat de ces réflexions. Le jeu est plus dynamique, plus petit et (beaucoup) moins cher qu’Egomaster.  

Peux-tu nous parler de Préhistories ?

Avec Prehistories, encore un jeu dont le thème est important à mes yeux. Il y a des années, j’ai découvert la formidable série de romans Les Enfants de la Terre de Jean M. Auel, une scientifique américaine qui a créé une épopée préhistorique incroyable. Quand Benoit Turpin et Alex Emerit sont venus me proposer un jeu sur ce thème, une grande partie du travail était déjà fait 😉 

Sans entrer dans les détails, Prehistories est un jeu que j’apprécie particulièrement même si les auteurs sont un peu spéciaux puisqu’ils ne laissent jamais gagner leur éditeur… Le jeu marche plutôt bien en France et à l’étranger (il va prochainement sortir en Allemagne et aux Etats-Unis). D’ailleurs, une extension nommée “Evolutions” devrait sortir pour Cannes 2022. 

Run Run Run sera le 4ème jeu à plus que 2 joueurs, peux tu nous en parler ? Une idée de sa date de sortie ?

Run Run Run est un jeu coopératif d’Anthony Perone et Bruno Cathala. Il sortira également pour Cannes. Illustré par Camille Chaussy, il vous permettra d’incarner des Chaventuriers poursuivis par des Momies chiens. Méfiez-vous de ce jeu, c’est le plus exigeant des jeux Flying Games. Les auteurs nous ont concocté une aventure qui nécessitera maîtrise et sang froid. Dans ce jeu, vous aurez en main des cartes qui vous serviront à la fois de points de vie, de chemins et de points d’attaque. Un vrai coop qui vous plaira je l’espère. 

Avez-vous d’autres jeux dans les tuyaux ? As- tu un scoop à nous partager (un jeu d’anthony Perone par exemple, s’il est aussi bien que Dive, ça promet !? ) ?

Hmmm. Je peux vous parler de deux projets très différents. 

Nous finalisons actuellement la conception d’un jeu pour 4 joueurs plutôt destiné aux enfants de Benoit Turpin et Florian Sirieix. Un jeu avec de jolies figurines d’éléphants. 

Nous allons prochainement lancer les illustrations d’un jeu conjointement créé par Alex Emerit et Frédéric Guérard, avec aux pinceaux Paul Mafayon, un stop ou encore dans un thème Médiéval Fantasy ET aquatique 😉

Je n’ai pas oublié l’allusion à Anthony Perone mais il est encore tôt pour en dire plus…

As-tu une ou deux anecdotes liées à l’édition de ces jeux à nous livrer ?

Je me souviendrai longtemps du jour où sur mon petit stand à Cannes je présentais Egomaster, mon jeu de quizz et poker. Un joueur, emballé par le concept m’a demandé le prix. Quand j’ai dit 45€, il a sursauté en me disant “mais y a des figurines dans ton jeu ?”… C’est comme ça qu’on apprend non ? 

Quels sont les projets à plus long terme ?

Mon planning est déjà complet jusqu’à fin 2023, c’est déjà pas mal 😉

Comment vois-tu l’évolution du marché de l’édition du jeu ?

Difficile à dire tant les choses bougent vite dans ce milieu. Nous sommes à une période où beaucoup de gros acteurs du marché essayent de se maintenir en absorbant des plus petits. Le risque est de voir une sorte d’uniformisation du marché se propager. Il ne faudrait pas que les projets indépendants et originaux ne se retrouvent plus que sur Kickstarter. 

Enfin pour conclure, qu’est-ce qui selon toi fait l’originalité d’un éditeur comme The Flying Games ?

Au-delà de mes jeux familiaux à figurines qui sont un peu ma marque de fabrique, j’essaie, comme beaucoup de mes collègues éditeurs, d’apporter une touche personnelle aux jeux que je porte.

Un jeu, c’est bien sûr le fruit du travail d’un auteur et d’un illustrateur mais pour que j’ai envie de le défendre, j’ai besoin de me l’approprier.  Dans chacun de mes jeux on va retrouver une petite partie de moi, plus ou moins cachée en fonction des projets. Il peut s’agir du thème, du titre ou d’un petit élément de gameplay. 

Merci beaucoup David d’avoir pris le temps de répondre à mes questions ! 

Hello asso

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