[Le point sur les J] Les auteurs de jeux sont-ils assez rémunérés ?
Station Millenium est une radio associative basée à Trégastel en Bretagne. Elle propose sous la houlette de Matthieu Dupuis, l’émission C’Ludik consacrée aux de jeux de société.
Ludovic Chatillon, chroniqueur sur UnDéCent, y fait une intervention dans « Le Point sur les J ».
Oscillant entre point de vue éclairé, billet d’humeur, édito, et mise au point, cette émission vous est proposée dans cet article. Bonne lecture ludique !
Pour écouter le podcast cette émission de C’Ludik, c’est par ici => https://www.station-millenium.com/replays/once-upon-a-draft-le-point-sur-les-j/
Selon Wikipédia, un auteur de jeu de société, aussi appelé créateur de jeu ou inventeur de jeu, invente les règles d’un jeu de société et définit son matériel et son thème, généralement en accord avec l’éditeur de son jeu.
Travail = Travailleur = Salaire
Selon la SAJ (Société des Auteurs de Jeux, association de regroupement d’auteurs fondée en 2017), l’autorat de jeux de société est un métier qui doit être recensé au Répertoire Officiel des Métiers et de l’Emploi.
Le montant des droits d’auteurs doit représenter un pourcentage ferme et décent, qui ne doit pas être revu à la baisse sous quelque prétexte que ce soit et l’auteur doit être rémunéré, ou a minima défrayé pour toute action d’animation, de promotion ou de dédicace, comme cela devrait être le cas dans tout secteur de la création.
La SAJ ? Pourquoi une telle association a vu le jour ?
La SAJ est née d’un constat lié à l’évolution du marché du jeu de société : le nombre de jeux édités augmente, le nombre d’éditeurs également, et le nombre d’auteurs avec.
Le milieu du jeu de société se professionnalise indéniablement, et force a été de constater que les auteurs n’étaient pas formellement représentés ni organisés. La question du statut fiscal de l’auteur par rapport aux institutions françaises, la reconnaissance du métier d’auteur de jeux et les difficultés pour les auteurs de jeux à se professionnaliser sont autant de problèmes qui restent à résoudre collectivement.
La SAJ propose donc également des documents pour aider les auteurs dans l’édition de leur jeu, comme :
- Un contrat d’édition type
- Un guide de négociation
- Des documents pour bien déclarer ses jeux auprès de l’administration fiscale
- Des conseils sur la démarche de financement participatif …
A l’heure actuelle, c’est Olivier Mahy (NDLR : auteur de Connecto, Abracada-broom, membre de la LEAF : collectif d’auteurs parisiens) qui est le Président de la SAJ, et qui préside un Bureau de 15 autrices et auteurs de jeux de société.
Bon Matt, on va faire des maths ce matin, Matt. Il y a décidément trop de son « mat » dans cette phrase ! (NDLR : c’est limite UnDéCent !)
Selon Ludovox, dans un article publié sur leur site en août 2020 par Mathieu Baiget (auteur de jeux) : « Dans le monde du jeu de société, les auteurs de jeux seraient rémunérés en moyenne 2,5 % du prix final d’un jeu » (calcul directement tiré des résultats de la Consultation des Auteurs de Jeux de Société, effectué par la SAJ en 2018).
Il explique ensuite le détail du « gâteau » de répartitions de l’argent dans l’édition et la vente des jeux de société :
En économie, on appelle cela la chaîne des valeurs. Cette chaîne des valeurs est relativement stable dans le milieu ludique. Pour un jeu à 30 € TTC (toutes taxes comprises), elle se découpe globalement de cette façon :
Auteur : 0,75 € (1), desquels on doit retirer les frais de présence en festival et les frais de prototypage.
Editeur : 10,50 €, desquels on doit retirer la rémunération de l’auteur (0,75 €), la fabrication (5 €), l’illustration, le graphisme, la communication (festivals, publicité…), les charges diverses et les salaires de l’équipe.
Distributeur : 4,50 €, desquels on doit retirer les frais de logistique (stockage et emballage des colis…), les frais d’expédition aux boutiques, les charges diverses et les salaires de l’équipe.
Boutique : 10 €, desquels on doit retirer la location de la boutique, les charges diverses, les pertes liées aux invendus et les salaires de l’équipe.
Etat (TVA) : 5 €.
Et la suite ?
L’éditeur vend son jeu à la boutique à 50 % HT (hors taxes) du prix de vente conseillé (TTC). Pour un jeu vendu 30 € en magasin, il le vend à 15 € HT. L’éditeur vend rarement directement à la boutique, il a le plus souvent un distributeur.
Le distributeur prend à l’éditeur une commission de 20 à 40 % sur les ventes à la boutique. Le plus souvent, c’est 30 % des 15 € HT (soit 4,5 € HT).
L’éditeur reverse à l’auteur un pourcentage du chiffre d’affaires généré par le jeu. Ce pourcentage équivaut en moyenne à 3 % du prix public HT (1).
Donc sur un jeu vendu à 30€ HT, tiré à 3 000 exemplaires, l’auteur touchera une rémunération égale à 2 250€.
Alors certains diront que ce n’est déjà pas mal, mais très souvent les auteurs le sont de manière dilettante, c’est-à-dire que ce n’est pas leur métier principal. L’œuf ou la poule, quoi !
Mais quand on reporte cette rémunération moyenne à d’autres critères comme le temps de création, les actions de promotions, les déplacements, et surtout le délai entre la signature du contrat et la sortie réelle du jeu en boutique, alors ce montant apparait souvent comme dérisoire.
Du coup on fait comment ?
Pour régler ce dérèglement financier, il y a plusieurs solutions comme retirer des intermédiaires (autoédition / KS), augmenter les prix des jeux, ou bien recalculer la part de chacun dans ce circuit de redistribution.
Pour cela il suffirait juste que tout le monde se réunisse autour d’une table, grande de préférence, et revoit la répartition des valeurs.
Alors une marche a déjà été gravie, car il y a peu, une autre association, le GIJS, le Groupement Interprofessionnel du Jeu de Société est né en mars 2023 !
Alors il y a qui dans le GIJS ?
- UEJ – Union des Editeurs de Jeux ;
- SAJ – La Société des Auteurs de Jeux ;
- CIL – Charte des Illustrateur·ices Ludiques ;
- GBL – Groupement des Boutiques Ludiques ;
- ALF – Association des Ludothèques Françaises ;
- RCL – Réseau des cafés ludiques ;
- RL – La Ruche Ludique (Réseau d’organisateurs de Festivals de jeux !)
Du coup, de là à parler rémunération des acteurs du monde du jeu de société et particulièrement des auteurs et autrices de jeux, il n’y a qu’un pas !
Déjà ce regroupement est à l’origine de la diffusion d’un Panorama de chiffres permettant de mieux définir le marché du jeu de société en France et ailleurs. Tout le monde a mis en commun ses données statistiques et on y apprend par exemple que le prix moyen d’une boite de jeu c’est 18,30 €, et que certains auteurs français brillent de mille feux à l’international comme :
- Albert Lamorisse – RISK – 25 millions de jeux vendus
- Jean-Louis Roubira – DIXIT – 12 millions
- Michel Lalet et Laurent Levi – ABALONE – 10 millions
On en apprend aussi sur les auteurs et autrices de jeu en France : Ils sont au nombre de 1000 et seulement 5% vivent actuellement de ce statut.
Aussi que des collectifs d’auteurs voient le jour partout en France, il y en a actuellement une trentaine dont :
- La CAL, La Compagnie des z’Auteurs Lyonnais
- Le BOCAL, le Bureau Officiel des Créateurs Angevins Ludiques
- Ou bien le MALT, Le Mouvement des Auteurs Ludiques Toulousains
NDLR : Mais aussi …
- Le CAJO, le Cercle des Auteurs de Jeux de l’Ouest
- La FAM, la Fabrique des Auteurs Marseillais
- La Traull, Troupe d’auteurs ludiques lorrains
- Le GRAL, le Gang Rennais des Auteurs Ludiques
Ces regroupements d’autrices et auteurs de jeu permettent d’améliorer les échanges et notamment les partages d’expériences sur les contrats et la rémunération des créateurs.
Pour ma part, considérant aussi que l’auteur devrait être mieux rémunéré, j’imagine une autre piste de réflexion, plus en adéquation avec mon métier de ludothécaire, c’est de rajouter une enveloppe rémunératrice : les droits de prêts des jeux.
Au même titre que pour les livres, dès lors que le jeu de société est considéré comme un bien culturel, il me parait évident qu’un droit de prêt devrait être payé par les établissements faisant du prêt de jeux de société, comme les ludothèques ou autres lieux ludiques s’y engageant.
La structure existante, la SOFIA (La Société Française des Intérêts des Auteurs) qui est un organisme de gestion collective, administré à parité par les auteurs et les éditeurs dans le domaine exclusif du Livre, existant déjà, cela rajoutera déjà une officialisation de la pratique de prêt des jeux, et cela contribuerait à mieux rémunérer les auteurs de jeux, sur un délai beaucoup plus long et sûrement plus régulier.
Pace que les auteurs sont essentiels dans la création et la pérennité des jeux de société, il faut les rémunérer à juste titre !
Retrouvez le podcast de cette émission en vous rendant sur le lien de C’Ludik – Station Millenium => https://www.station-millenium.com/replays/inori-le-point-sur-les-j/
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