[Le point sur les J] Les prix des jeux sont-ils élevés ?
Station Millenium est une radio associative basée à Trégastel en Bretagne. Elle propose sous la houlette de Matthieu Dupuis, l’émission C’Ludik consacrée aux de jeux de société.
Ludovic Chatillon, chroniqueur sur UnDéCent, y fait une intervention dans « Le Point sur les J ».
Oscillant entre point de vue éclairé, billet d’humeur, édito, et mise au point, cette émission vous est proposée dans cet article.
Bonne lecture ludique !
Pour écouter le podcast cette émission de C’Ludik, c’est par ici => https://www.station-millenium.com/replays/wizards-cup-le-point-sur-les-j/
Les prix des jeux sont-ils élevés ?
Alors trop chers ou pas nos jeux de société en France ?
En 2022, selon le site « ça m’intéresse », le prix moyen d’un jeu de société est de 17.12€ en France (août 2023).
Et selon le GIJS (Groupement de l’Industrie du jeu de société), dans son Panorama du secteur du jeu de société en France datant de 2024, le prix moyen est désormais à 18.30€.
Voir le post dédié sur la page Facebook du GIJS ici.
Une petite augmentation de 1.18€ soit 6.5%, c’est-à-dire un peu plus que l’inflation qui se situe en juillet 2024 aux alentours de 5,2% (source Ministère de l’Economie)
Alors 18.30€ ça équivaut à quoi ?
- 18 baguettes de pain
- 15 chocolatines
- Une place de ciné en 3D dans une grande ville française
- Un peu plus que le prix moyen d’une BD
- Un paquet de 30 cigarettes
- 11.12l de gazole ou 10.38l de SP95 à la pompe
Et sur d’autres marchés francophones ?
Si on regarde deux autres marchés francophones, comme la Suisse et le Canada, on remarque des différences notoires.
En effet si en Suisse, les prix des jeux de société sont en moyenne +chers de 20 à 30%, au Canada on oscille entre -10 et +10%.
Et si en ce moment l’ensemble des structures représentatives des professionnels du secteur du jeu de société se fédèrent et revendiquent que le jeu de société soit assimilé à un bien culturel, ce n’est pas pour autant qu’il soit soumis à la Loi Lang, (loi n° 81-766 du 10 août 1981) loi relative au prix du livre qui instaure un prix unique du livre en France. La loi limite la concurrence sur le prix de vente au public du livre afin de protéger la filière et de développer la lecture.
Le prix des jeux de société en France est donc libre.
Par mesure de respect de la concurrence et pour maintenir un prix moyen cohérent, on constate un prix relativement semblable chez les ludicaires en France, avec des différences allant de 5 à 10% parfois sur le prix de vente public.
Près de 10 critères qui font varier le prix d’un jeu
Partant de ça, cela n’empêche pas que le prix de vente moyen bouge, et différents critères rentrent en compte dans la fixation du prix de vente d’un jeu.
- Coûts de production : Les matériaux, le nombre de pièces, et les coûts d’impression
- Conception et développement : Le temps et les ressources investis dans la recherche, le design, le prototypage, les tests et le développement du jeu et coûts liés à la rémunération des auteurs et autrices, des illustrateurs, et des développeurs.
- Tirage et échelle de production : Un tirage limité ou une production à petite échelle peuvent augmenter le coût unitaire d’un jeu, tandis qu’une production de masse peut permettre de réduire ces coûts.
- Logistique et distribution : Les coûts de stockage, de manutention, et de transport
- Droits de licence : Si le jeu utilise des personnages, des thèmes, ou des marques sous licence
- Marketing et publicité : Les dépenses en marketing pour promouvoir le jeu, y compris les campagnes publicitaires, les événements, et les échantillons
- Marge commerciale : Les marges souhaitées par les éditeurs, les distributeurs et les détaillants ajoutent au prix de vente final du jeu
- Taxes et droits de douane : Les taxes applicables (TVA, par exemple) et les éventuels droits de douane pour les jeux importés
- Innovations et caractéristiques spéciales : Les jeux qui proposent des innovations technologiques (applications mobiles, composants électroniques, réalité augmentée, etc.)
Si la marge, le budget marketing et pub, et la conception et le nombre de jeux à produire sont des montants « contrôlés » par l’éditeur, il en est autrement des coûts de logistique, des coûts de la matière première, et des taxes, qui sont plutôt des données macro-économiques et varient selon le climat actuel mondial, les conflits, la météo et autres raisons non contrôlables par les concepteurs du jeu.
Par exemple, il y a peu, le passage par le Canal de Suez des bateaux containers venant d’Asie était impossible à cause des pirates des mers Houtis en Mer Rouge, qui obligent donc les bateaux à contourner l’Afrique par le Sud pour arriver en Europe.
Voir par exemple l’article sur le site Géoconfluences de l’ENS de Lyon
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/actualites/veille/breves/mer-rouge-houthis
Vient s’ajouter à cela un problème de sécheresse touchant le Lac relatif au Canal du Panama, en Amérique Central, et qui empêche les navires – notamment les plus imposants – de passer en sécurité à travers l’Amérique. Ainsi, en août 2023, année de sécheresse exceptionnelle, 163 bateaux – un record – attendaient de passer le canal ! Là posés tranquilles à siffler du carburant !
Voir par exemple l’article sur le site Qualitairsea
Après la crise du Covid qui avait fait augmenter le prix des containers de + de 400% par endroits, et le blocage du Canal de Suez par le méga-navire Ever Given, qui s’était mis de travers, la situation est moins problématique en termes de coût actuellement mais reste très compliquée en termes de délai, et comme le temps c’est de l’argent…
Mais quand on parle d’un prix trop élevé, ou sous-entend une espèce de prix accepté, plus bas.
C’est donc plutôt du côté des acheteurs, des clients qu’il faut se tourner pour savoir si un prix de jeu est acceptable ou non.
Un sondage, sur le site Gus & Co, datant de 2023, permet d’avoir une petite idée du ressenti des joueurs acheteurs de jeux.
Avant de jeter un œil aux résultats, sachez que ce site n’est aucunement un institut de sondage donc il faut prendre les résultats avec une certaine distance. (mais comme il n’y avait que ça !)
A la question « Quel est selon vous le prix maximum acceptable pour un jeu de société standard », La majorité des répondants (environ 54 %) considèrent que le prix maximum acceptable se situe entre 40 et 60 €, ce qui nous fait dire aussi que les sondés sont plutôt des joueurs confirmés.
Si on leur demande les répondants sont prêts à payer plus cher pour des composants de meilleure qualité, environ 74 % des répondants sont prêts à payer plus cher si les composants de meilleure qualité apportent un vrai plus au jeu et 7 % disent « Oui sans hésiter » à payer plus cher pour une meilleure qualité.
Mais preuve que le niveau du prix est un facteur essentiel dans le passage à l’acte d’achat d’un jeu, la grande majorité des répondants (environ 86 %) ont déjà renoncé à acheter un jeu à cause de son prix, soit souvent, soit à quelques occasions.
L’analyse du sondage de 2023 sur le site Gus n’ Co :
Moi je pense que rien n’est « trop » ou « pas assez », en fait cela dépend essentiellement de l’importance que chacun confère à ce loisir, à son propre niveau de vie, ses besoins vitaux et sociaux.
On peut se poser la question si le jeu de société ne va pas rejoindre rapidement la bulle des activités récréatives et culturelles limitées aux personnes aisées, et que si les prix continuent de progresser, si cela ne va pas nuire au secteur dans son ensemble.
Ou si pour la plupart d’entre nous, les expériences ludiques se limiteront aux petites boites de petits jeux rapides et peu onéreux, procurant parfois peu de sensations…
L’occasion fait le laron
Pour contrebalancer ce phénomène, les sites de vente de jeux d’occasions se portent bien, qu’ils soient extrêmement connus mais non spécialisés comme Le Bon Coin ou Vinted ou bien inversement, souffrant, en dehors des passionnés, d’une méconnaissance, mais étant plutôt réservés aux initiés : Okkazeo.
Ici les prix des jeux varient en fonction de leur rareté (les informations sur les reprints des jeux sont bonnes à prendre), de la hype du moment, du timing, il y a toujours plus de nouveautés à revendre, après un gros festival comme Essen ou Cannes, et de leur état général.
La spéculation autour de Gueules Noirs, chez Gigamic, sorti en 2013, et réédité en 2023 sous le nom de Coal Baron (nom original de la VO) chez C and C Publishing à 50€ sur KS, est pour moi aussi un exemple assez flagrant de la puissance du marché et des joueurs. Car le jeu est sympa mais de là à en faire, dans sa version d’origine un jeu iconique estimé à 80€ en moyenne sur Okkazeo, non je ne comprends pas !
Et le fameux « C’était mieux avant » ?
L’occasion est aussi un moyen de redécouvrir un jeu, de réveiller des sensations enfouies et de se rendre compte que le « c’était mieux avant », n’est pas toujours faux !
Et attention, tout ce qui vieillit ne prend pas forcément de la valeur, et ne devient pas subitement mieux avec le temps !
Alors n’oubliez pas qu’il y a des moyens plus économiques de jouer aux jeux de société : le marché de l’occasion, les associations, festivals ou ludothèques vous permettent pour moins cher de pouvoir jouer à des jeux, rencontrer des joueurs et prendre tout autant de plaisir.
Les flots incessants de nouveautés chaque semaine nous rappelle aussi que lors de notre jeunesse nous nous contentions, pour la plupart d’entre nous, de 2 ou 3 jeux qui ressortaient chaque weekend et dont nous avons gardé obligatoirement de fabuleux souvenirs.
Le jeu de société nous procure des sensations, nous fait vivre des émotions, et cela ça n’a pas de prix.
Retrouvez le podcast de cette émission en vous rendant sur le lien de C’Ludik – Station Millenium => Pour écouter le podcast cette émission de C’Ludik, c’est par ici => https://www.station-millenium.com/replays/wizards-cup-le-point-sur-les-j/
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