[Independence Day] Jeux FK, souriez c’est contagieux !

Dans la série Independence Day qui se veut être une présentation non exhaustive des éditeurs de jeux francophones, nous avons le plaisir de recevoir François Koch qui nous présente sa maison d’édition de livres et de jeux de société qui a plus de 20 ans et à qui l’on doit notamment l’édition des jeux Aquatika et Plonk d’Alexandre Droit.

Peux-tu nous parler des débuts il y a plus de 20 ans cette maison de la métropole lyonnaise ? Sa genèse, les raisons, motivations ou opportunités de création d’une maison d’édition de jeux de cartes, de jeux de société et de livres également ?

Il y a 25 ans je ne trouvais pas en magasin le jeu d’ambiance interactif auquel j’avais envie de jouer… (il n’y avait pas encore autant de variété de jeux qu’aujourd’hui !) J’ai donc décider de le créer moi-même. Je suis parti de l’idée que ce qu’il y avait de plus interactif était le caractère des joueurs. Et tant qu’à parler de caractères et de tempéraments, autant y aller franchement ! D’où le jeu Caractère avec le sous-titre « Personnes susceptibles s’abstenir ». J’ai mis trois ans à observer mon entourage, les gens dans la rue et moi-même pour rédiger les 350 questions du jeu puis réaliser quantité de tests avec des publics différents.

J’ai créé d’autres jeux depuis. Et à l’âge de 42 ans… crise existentielle ! J’ai laissé ma petite entreprise à mon employée d’alors et suis parti marcher 3 mois. Compostelle s’est comme imposé, malgré ma réticence à marcher sur un chemin connoté catho. Et me voilà parti des pentes de la Croix Rousse jusqu’à Finisterre (au nord du Portugal, au-delà de Saint-Jacques de Compostelle). Cette fois-ci, l’observation des gens autour de moi (pèlerins tour à tour exalté, gnangnan, enthousiaste, nunuche, dépressif, généreux, béni oui-oui, érotomane…) et de moi-même m’a entraîné vers la rédaction d’un récit humoristique qui m’a pris 8 années de patience, de maturation, d’écriture, de re-lectures, de ré-écritures… Là encore j’ai fini par l’éditer moi-même. Il est sorti en 2020 sous la forme d’une trilogie Les miroirs de Compostelle  (1. Enfin seul ! 2.Canicule et petits riens 3. Un amour à la fin).

Pendant tout ce temps d’écriture, je n’ai jamais laissé tomber mes jeux, même si, il est vrai, je les ai laissé un peu respirer…

Peux-tu te présenter en tant que fondateur de Jeux FK ? Par rapport à ton parcours personnel, pourquoi avoir choisi de travailler dans l’édition de jeux de société ?

Ma première maquette de Caractère sous le bras (une belle maquette de jeu, pro, prête à l’édition), j’ai parcouru les allées du salon pro de Paris afin de la présenter à des éditeurs. Le premier éditeur rencontré (je ne cafterai pas) m’a dit d’un air méprisant « ça ne marchera jamais !» …  J’ai immédiatement décidé… de créer ma propre maison d’édition ! Je n’avais aucune envie de passer mon temps à mendier que mon jeu puisse peut-être éventuellement voir un jour le jour. Moi j’y croyais, ça me suffisait.

A l’époque j’étais commercial en grandes surfaces, je n’avais donc pas peur de me confronter à la commercialisation et à la vente auprès des boutiques de jeux.

Les 500 premiers exemplaires se sont bien vendus, Caractère a reçu un prix au Festival international de Besançon.

Et puis l’entreprise pour laquelle je travaillais a déposé le bilan ; malgré une période difficile, ce fut une belle opportunité de continuer le développement de ma maison d’édition. J’ai alors créé et édité plusieurs autres jeux (BONJOUR ROBERT, BONJOUR SIMONE, PALABRES, EL OCHO, LES MUSICIENS DE BRÊME, POULES RENARDS VIPERES etc). Aujourd’hui il y en a une trentaine au catalogue.

Présente nous l’équipe de Jeux FK

Après Grenoble, je me suis installé à Mens dans la région montagneuse du Trièves. J’y ai embauché Bénédicte avec qui j’ai travaillé pendant quatorze ans et développé Jeux FK. A part la conception des jeux, on y faisait tout à deux : tournées commerciales, communication, facturations, manutention, emballages, expéditions, salons, nettoyage etc… Tout cela dans un environnement absolument magnifique. Installé désormais à Lyon, je travaille seul depuis chez moi et sous-traite toute la partie Logistique à une entreprise de Saint-Genis-Laval, dans la banlieue de Lyon (stockage, réception des palettes, expéditions des jeux à l’unité, cartons panachés ou en gros).

Quelles sont ou ont été les principales difficultés rencontrées pour Jeux FK ?

Il y a eu un moment de forte croissance vers 2005 où le stock a beaucoup augmenté. C’était limite-limite pour payer les fournisseurs. Je me suis fait quelques frayeurs au niveau trésorerie. Aujourd’hui le stock est stabilisé et je suis plus serein.

Ma démarche est de fabriquer en France et il faut parfois s’accrocher pour garder des prix de revient compétitifs. Mais c’est possible !

Quelle est la démarche d’édition choisie par Jeux FK ?

J’ai opté depuis le début pour l’édition classique. Jeux FK est structuré en SARL. Nous sommes trois associés et j’en suis le gérant majoritaire. A chaque lancement, Jeux FK investit la somme nécessaire pour réaliser une première édition (3000 jeux le plus souvent), la marge générée devant permettre de payer charges et salaires. Il y a bien sûr des hauts et des bas, mais Jeux FK qui a été créée en 1997 existe toujours !

Quels sont les choix de fabrication, les impératifs, les impondérables, les contraintes de fabrication à respecter ?

Je suis très fidèle à mes fournisseurs, c’est agréable de travailler dans un climat de confiance réciproque.  En fait, y a peu de fabricants en France, donc je travaille avec France Cartes (maintenant racheté par Carta Mundi) pour la fabrication des cartes, avec Ferriot Cric ou Cartonnages de Vaucanson pour les boîtes et plateaux de jeux, avec des tourneurs dans le Jura pour la fabrication des pions en bois, et des imprimeurs de la région pour les règles du jeu.

Comment Jeux FK s’intègre-t-il à la démarche d’écoresponsabilité ?

En fabriquant au plus proche (en France presque systématiquement). Exceptionnellement certains éléments peuvent être faits ailleurs en Europe (quand les fabricants français n’y arrivent pas). Les fabricants de Jeux FK sont tous labellisés Imprim’Vert, et je demande d’utiliser des papiers PEFC ou FSC.

A la petite mesure de Jeux FK, je préfère donner du travail à proximité. Si je veux, éthiquement, qu’il y ait des consommateurs sur place, je dois faciliter les conditions pour que des personnes gagnent leur salaire ici et maintenant.

Avec les Jeux Opla, nous avons désormais le même logisticien. Nos clients revendeurs le savent et peuvent nous commander simultanément à l’un et à l’autre. On divise alors notre Franco par deux, on envoie tout dans un même colis (et ça fait toujours une petite empreinte carbone en moins).

Comment Jeux FK se fait-il le mieux connaître ?

Eh bien ce qui fait connaître Jeux FK se résumé principalement au Site internet (www.jeuxfk.com), aux catalogues papier, aux Salons pro (Vichy), aux pages Facebook, Instagram, aux festivals de jeux et aux marchés de Noël (Grenoble).

Y a -t-il des pistes de plus en plus abandonnées pour un éditeur comme Jeux FK ? et d’autres qui sont de plus en plus envisagées ?

Désormais je souhaite ne garder qu’une trentaine de jeux au catalogue, afin de ne pas en faire trop, et également ne pas alimenter la course actuelle à toujours plus de nouveautés. De toute façon les revendeurs n’arrivent plus à suivre. Alors j’ai choisi de maintenir la gamme existante (on l’entretient, on la relooke, on l’actualise) et de ne sortir qu’un nouveau jeu tous les trois ans environ. Mais un jeu qui sera bichonné, choyé, autant au niveau du principe de jeu que de l’illustration, que de la fabrication et de la communication ! Prendre le temps de faire beau et bien.

Quels circuits de distribution ont été choisis ou privilégiés ?

Les principaux circuits de distributions choisis sont les magasins de jeux indépendants, les librairies jeunesse, les catalogues de vente auprès des collectivités, les particuliers, ludothèques, festivals et marchés de Noël.

Mais en fait quelle est la ligne éditoriale choisie par Jeux FK ? On parle de jeux rigolos pour toute la famille ! Le Slogan des jeux FK n’est-il pas : Souriez, c’est contagieux ?

Il s’agit de jeux aux règles courtes, pour tous publics et tous les âges (dès 3 ans jusqu’aux adultes) ; des jeux qui stimulent la convivialité, l’interactivité ; des jeux joliment illustrés ; des jeux qui donnent le sourire.

Comment se font les choix des jeux, des auteurs et illustrateurs ?

Pendant longtemps, je n’éditais que les jeux que j’avais créés. C’était déjà pas mal de boulot. Et puis Alexandre Droit m’a présenté un proto qui m’a énormément plu. Ça a donné AQUATIKA. Travailler en collaboration avec Alexandre est un vrai plaisir, car non seulement il conçoit d’excellents jeux mais de plus il est très pro et investi, et puis il mange aussi des pizzas à midi, ça facilite beaucoup le travail en commun !

Alors du coup, je lui ai aussi édité PLONK ! (par ici le test de Plonk ! sur Undecent.fr) Et c’est lui qui m’a conseillé Pauline Detraz pour l’illustration. Je suis charmé par la beauté de ses illustrations, et puis, quelle belle rencontre également !

D’ailleurs finalement ce ne sont que des histoires de rencontres. Les illustrateurs.trices avec lesquels.les je travaille sont le plus souvent des amis.es ou des jeunes diplômés que je rencontre à l’issue de leurs études à l’école Emile Cohl de Lyon.

Quelle relation Jeux FK a-t-il avec ces derniers ?

Je crois que le moment que je préfère dans mes nombreuses activités d’éditeur est celui où, avant la fabrication, je reçois les illustrations commandées. Je découvre alors cinq, dix, voire trente nouvelles illustrations d’un coup et c’est comme un univers magique qui s’ouvre à chaque fois. J’essaie d’être le plus respectueux possible avec les illustrateurs sachant qu’ils sont souvent peu considérés. Cela veut dire que je verse systématiquement une avance à la commande, et que je les règle en premier une fois le travail réalisé. Et puis je reverse toujours un petit % en cas de nouvelle édition d’un jeu, même plusieurs années après.

J’aime bien aussi, lorsqu’un illustrateur a travaillé sur un jeu, lui donner à illustrer un autre jeu de la gamme.

Comment l’éditeur s’intègre-t-il dans la conception des jeux qu’il édite ? A quelle étape joue—t-il un rôle essentiel ? Quel ton rôle personnellement dans ce processus ? Combien de temps prend en moyenne l’édition d’un jeu ?

L’éditeur s’intègre à toutes les étapes (conception, rédaction de la règle, choix des éléments, choix des fournisseurs, commercialisation, communication…). Il est en fait une sorte de Tour de contrôle ! ;). Et pour sortir un jeu c’est très variable, j’ai mis par exemple 3 ans pour réaliser mon premier jeu. Disons qu’en 6 mois, on peut arriver à sortir un jeu finalisé.

Parlons des jeux édités par Jeux FK. Peux-tu nous parler de quelques-uns des premiers jeux édités par Jeux FK ?

Bonjour Robert et Bonjour Simone… Une belle histoire …

20 ans déjà !… A l’époque je venais de m’installer à Grenoble en provenance directe de Strasbourg. Ravi d’arriver dans ma nouvelle ville, je saluais tout le monde. Mais le premier voisin croisé, rue de l’abbé Grégoire, à qui je lançais un bonjour enthousiaste ne me répondit pas… Peut-être n’avait-il pas entendu ?… Je le croisais à nouveau deux jours plus tard, toujours pas de réponse…. Une semaine plus tard, idem… Pourtant je le savais doué de parole pour l’avoir observé dans le bar d’en dessous converser avec des piliers de comptoir… Je me mis alors au défi de réussir à lui sortir ne serait-ce qu’un tout petit « bonjour »… Oui, un rien m’amuse… Je croisais ce monsieur une à deux fois par semaine dans les escaliers. À chaque fois mon bonjour se faisait plus insistant, plus sonore, au bout de plusieurs mois je lui criais, je lui hurlais « BOONNNJOUUUR !!!!!! » et un jour, presque un an plus tard, miracle !, d’un filet de voix il réussit à sortir « bjour »…. Les semaines suivantes c’est lui qui disait « bjour » le premier. Heu… un réflexe à peine conditionné…
Mais merci, merci monsieur ! Sans vous je n’aurais sûrement pas créé Bonjour Robert et Bonjour Simone ! Car à chaque fois que je sortais dans la rue sans avoir reçu votre bonjour en réponse au mien, eh bien je cogitais, je m’en amusais, je faisais le tour du monde dans ma tête avec les « bonjour ». Et voilà, ça a donné ces deux jeux, et depuis 20 ans ils font rire des enfants et des grands ! Ah oui, au fait, j’ai découvert le pot aux roses ! Ce monsieur était un excellent joueur d’échecs. Je l’ai vu plusieurs fois par la suite en pleine confrontation de jeu d’échecs. Tellement absorbé dans ses réflexions cérébrales et ses combinaisons à 10 coups d’avance qu’il ne percevait plus le monde autour de lui. Je ne suis pas fâché d’avoir réussi à le faire sortir de sa bulle juste quelques secondes par semaine… et il ne saura peut-être jamais qu’il est à l’origine de grands éclats de rire autour de deux petits jeux. On ne sait jamais les traces qu’on laisse…

Quelle est l’actualité de cette année 2020 ? Peux-tu nous présenter les sorties prévues ?

Outre ma trilogie Les miroirs de Compostelle publiée au mois de mars sous le label Jeux FK Editions, le jeu de bluff PLONK !, d’Alexandre Droit illustré par Pauline Detraz est donc ma dernière sortie. Le jeu est très apprécié par le public. On est super contents des premiers retours.

On a aussi relancé et refabriqué plusieurs jeux de la gamme : PALABRES (Elu Meilleur jeu de lettres au Festival du mot de la Charité/Loire), CHEF D’ORCHESTRE, 7 FAMILLES TRADITION notamment.

Un nouveau catalogue a été imprimé et diffusé, et un nouveau site marchand, avec mise en avant des revendeurs, a été mis en ligne : www.jeuxfk.com

Et actuellement, on est en train de travailler sur une re-fabrication du jeu AQUATIKA pour 2021.

Comment un auteur ou illustrateur de jeu fait-il pour taper dans l’œil de Jeux FK ?

Pour un auteur : Faut demander à Alexandre Droit (par ici l’interview d’Alexandre Droit sur Undecent.fr) … Y’a que lui qui a réussi… Mais il est sacrément malin ! 😉 Pour un illustrateur : Être là juste au bon moment avec le style que j’ai dans la tête pour le jeu que j’ai juste décidé d’éditer là maintenant… Et ce moment arrive à peu près une fois tous les deux ans… Avant c’est trop tôt, après c’est trop tard ! C’est horrible ce que je viens d’écrire… J’adoooore les illustrateurs !!!!

Quel impact a (ou a eu) la crise liée au Covid sur un éditeur comme Jeux FK ?

Moins de déplacements (salons, festivals, clients), plus d’introspection.J’ai mis à profit le confinement pour travailler l’organisation générale (le genre de truc qu’on ne prend pas le temps de faire en temps habituel : banques de données, photos, systèmes informatiques, fiches-produits etc). Du coup tout est plus facile aujourd’hui.

Ventes quasi-nulles en avril, petit creux fin septembre, mais bonnes ventes le reste du temps (de mai à août surtout). Au final, Jeux FK fait + 30 % par rapport à l’an passé. Moi qui pensais qu’en cas de crise économique le jeu de société était un peu la dernière roue du carrosse, force est de constater qu’on est bien moins à plaindre que d’autres secteurs.

Enfin pour conclure, qu’est-ce qui selon toi fait l’originalité d’un éditeur comme Jeux FK ?

La convivialité, l’humour, le temps qui passe.

Vous aimerez aussi...

Laisser un commentaire