[Entretien avec] Sylvain Lasjuilliarias alias Sylas – L’as du karma a-t-il atteint son Nirvana ?

Undecent a le plaisir de recevoir Sylvain Lasjuilliarias aka Sylas, auteur de jeux discret à qui l’on doit Samsara chez Oka Luda, Pharaon et son extension Conflits chez Catch Up Games avec Henri Molliné comme co-auteur et récemment Pirate Box chez Blue Orange. Tel un livre ouvert, il nous évoque son parcours, ses passions, son actualité ludique et il nous livre sa manière de voir le monde du jeu.

Table des matières masquer

Ton parcours est marqué par un changement de direction radical un peu comme un scénario de science-fiction ;-). Peux-tu en quelques mots nous parler de toi et décrire ce parcours avant que tu sois auteur de jeux de société ?

Bonjour à tous et merci Laurent de me permettre de raconter ma vie dans les grandes largeurs… Par changement de direction, je suppose que tu fais référence à mon passage de l’écriture aux jeux de sociétés. Effectivement, en termes de créativité, j’ai longtemps écrit des nouvelles de SFFF (Science-fiction, fantastique, fantasy), qui sont parues ans divers fanzines, webzines et anthologies…

(On en trouve quelques-unes ici, mais ce n’est pas à jour :

https://www.noosfere.org/livres/auteur.asp?numauteur=2147191806&Niveau=nouvelles)

… finalement avant de concocter un roman de polar/fantasy .

(Décadence, paru en 2013 aux feues éditions Asgard :

http://imaginr-chroniques.blogspot.com/2013/12/decadence-sylas.html)

… et une suite qui n’a jamais paru. Après avoir essuyé de nombreux refus pour un roman ado, j’ai changé mon fusil d’épaule et je me suis mis à faire des jeux.

J’ai alors réalisé qu’il me fallait un an pour écrire un roman, contre quelques jours/ semaines / mois pour réaliser un jeu. Que les chiffres de ventes du milieu du jeu étaient dix fois supérieurs à celles du livre et que ça me donnait un prétexte pour sortir un jeu à n’importe quelle occasion. Du coup, j’ai facilement abandonné mes fichiers .doc contre les petits bouts de cartons découpés au massicot.

Enfant, quel joueur étais-tu ? Quels étaient tes jeux de chevet s’il y en avait ? Et un jeu en particulier t’a-t-il fait basculer dans le jeu de société dit « moderne » ?

Enfant, j’étais un loup solitaire. Je jouais à la master system, puis à la megadrive. De temps en temps, on s’invitait entre copains et on se prêtait des cartouches de jeu, mais on ne peut pas dire que ce soit une activité très sociale. J’ai bien des souvenirs de parties de petits chevaux, bonne paye et autre Monopoly, mais rien qui m’ait vraiment passionné.

J’ai commencé à m’intéresser aux jeux dits modernes, quand j’avais une trentaine d’années. Je me suis simplement inscrit au club de jeu de Périgueux (association Avalon) et j’ai découvert les « gros » jeux. Il n’y a pas un jeu en particulier qui m’ait marqué, mais une pléiade. Je peux citer Puerto Rico, Agricola, 7 Wonders, Seasons, Dominion

Comment as-tu sauté le pas entre jouer et être acteur récent du monde du jeu ? N’y aurait-il pas un peu d’Oka Luda là derrière ?

S’il y a un truc que vous devez savoir sur moi, c’est que quand j’aime un truc, il faut que j’essaie de me l’approprier. J’ai aimé lire, je me suis mis à écrire. J’ai aimé jouer, je me suis mis à bricoler des protos. Si j’avais eu un minimum de talent pour le dessin, j’aurais fait des bandes dessinées.

Je souviens de mon premier prototype, c’était une sorte version « jeu de société » du jeu en ligne Hordes où quarante joueurs doivent collaborer pour survivre, nuit après nuit, à des attaques de zombies de plus en plus puissantes.

Cliquez sur l’image pour accéder à Hordes.fr

Dans mon proto, le jeu était semi collaboratif, car on pouvait réaliser des échanges de matériel entre joueurs, mais surtout compétitif, car il fallait être le dernier à se faire zigouiller par les zombies. Le jeu n’a jamais été bien équilibré, mais il m’a donné envie d’en faire d’autres, de tester les mécanismes que je rencontrais dans les jeux que j’aimais, jusqu’à obtenir des jeux véritablement jouables. Un des premiers en date a été Samsara, qui emprunte le principe du deck-building de Dominion.

Mon histoire avec Oka Luda commence bien plus tard. Oka Luda est une entreprise d’édition de jeux que j’ai participé à monter en 2018. En fait, c’était à la base une structure qu’on avait créé entre copains pour éditer Samsara, jeu qui avait alors gagné plusieurs concours de prototype (Le fou du jeu et le Ludix d’or), qui avait failli être édité par plusieurs éditeurs installés, et qui restait toutefois coincé au fond de mon armoire à proto.

Sans doute à cause de son thème, la réincarnation, qui n’est pas des plus facile à vendre, parait-il. Pour moi, l’aventure Oka Luda n’a duré qu’un an. Pour faire simple, je me suis vite retrouvé décalé par rapport aux aspirations des autres oka-ludiens. En quelques mois, l’entreprise est passée de « on édite un jeu pour le fun » à « on est une vraie entreprise et on doit être rentables ». Je me suis aussi rendu compte que le travail d’éditeur était complexe, que chaque choix entraînait des conséquences importantes et qu’il nécessitait des compétences (sociales notamment) que je n’avais pas. Car, oui, je suis un ours des cavernes et je suis plus à l’aise à travailler dans mon coin qu’avec les autres… Donc, je suis parti d’Oka Luda au bout d’un an et je n’ai aujourd’hui plus de lien avec ce qui est effectivement devenue une vraie entreprise rentable.

Parlons un peu création. As-tu un processus de création particulier ? Et qu’est-ce qui t’anime dans la création de jeux ?

Chez moi, la création de jeu, ça peut être assez fulgurant. Une idée peut me venir à n’importe quel moment de la journée. Pendant que je vais la vaisselle, en conduisant, ou même au petit coin. C’est d’ailleurs dans cette situation que j’ai eu l’idée d’un « jeu de dessin avec quelqu’un qui dessine, un autre qui redessine par-dessus, et un troisième qui doit retrouver le premier dessin ». Voilà, Sherlock et Picasso était né. Le concept n’a intéressé aucun des éditeurs que j’ai contacté, mais a été retenu par un éditeur Russe, Hobby World.

https://boardgamegeek.com/boardgame/260564/sherlockpicasso

 Je découvre à cette occasion que le jeu est désormais disponible en langue anglaise et que l’éditeur a oublié de me prévenir. Travailler avec un éditeur russe n’est pas forcément synonyme de communication optimale. J’en profite pour passer cet appel : vous qui lisez ces lignes, si vous désirez un exemplaire de  Sherlock et Picasso en russe, je peux vous l’envoyer gratuitement.

Quant à savoir ce qui m’anime, c’est impossible de le mettre en mot. C’est un jaillissement, un truc qui sort de moi, que je ne peux pas m’empêcher de concrétiser dans la matière. Quand je crée, je me sens plus vivant, j’ai la banane, je fais ce que j’aime. C’est la même chose avec l’écriture d’ailleurs, même si c’est moins fort et plus dans la durée. Mais je suppose que c’est ce qu’on appelle être passionné.

Comment fais-tu tester les prototypes que tu développes ? Un cercle d’auteurs, des amis, la famille, les salons du jeu, seul en ermite ?

Après avoir eu l’idée, l’étape suivante est la concrétisation. En générale, ça me prend quelques heures à quelques jours, et je ne peux penser à rien d’autre. On peut me parler, me toucher, ça ne sert à rien, je fais un jeu. Je mange en pensant au jeu, je dors en pensant au jeu. Il vaut mieux que je finisse le proto rapidement, où ma femme commence à me faire la tête.

Ensuite, je teste le jeu. D’abord tout seul, contre moi-même. (oui, oui, je me suis amusé à spoiler mes propres dessins et à me demander si je reconnaissais le dessin original) Et si je suis content du ressenti de jeu, je demande la contribution de mes proches (notamment mes deux filles). Ensuite, je me rends au club Avalon avec mon proto sous le bras. Quand je me rends compte que le jeu tient la route, je le fais tester en salon, où j’en profite pour participer à un maximum de concours de créateur. Cette étape est très importante, car discuter entre créateurs de jeu apporte toujours une émulation incroyable. Et dans ces mêmes salons, j’en profite pour montrer le jeu à des éditeurs. Voilà, c’est très simple en théorie, mais en pratique, chaque jeu à un parcours particulier. Et pour chaque jeu que j’ai eu la chance de faire éditer, il y en trois ou quatre qui dorment dans mon armoire à proto.

Samsara, Pharaon (avec Henri Molliné) – son extension Conflits, Pirate Box. Peux-tu nous parler de la genèse de chacun de tes jeux ? As-tu eu un déclic, une vision, un détail anecdotique qui a tout changé ?

  • J’ai parlé du processus d’édition de Samsara par Oka Luda, mais pas de sa création.

À la base, j’ai voulu faire un jeu « pédagogique », ou en tout cas un jeu qui raconte quelque chose. Comme à cette époque, j’étais à fond dans le concept des vies antérieures, de la réincarnation et du karma, je me suis lancé dans ce thème. Comme je l’ai dit, je suis parti sur le mécanisme principal de Dominion.

Là-dessus, j’ai remplacé les cartes malédiction par des mauvais karma, j’ai incorporé les bons karmas en tant de cartes joker, j’y ai ajouté un système de déplacement sur la Roue de la Vie (le bhavacakra en sanscrit) pour créer de la tension et de l’interaction et, miracle, ça fonctionnait. Le jeu tournait bien, et le thème était ultra présent dans le jeu.

Le prototype de Samsara
  • Pharaon se nommait à l’origine After Death, et présentait également une thématique très particulière et personnelle : la mort. Dans ce jeu, on était… mort. On manipulait de l’énergie (au nombre de cinq, comme les énergies chinoises), qui nous permettaient de réaliser diverses actions, comme se reposer (quand on est mort, on est crevé !), aider les pauvres âmes encore incarnées, améliorer sa « maison » du royaume des morts, demander de l’aide aux anges, etc. Le jeu tournait bien, et j’ai donc décidé de laisser un prototype à Henry Molliné, qui travaillait à l’époque chez l’éditeur Ankama. J’avais rencontré Henry un ou deux ans plus tôt, au festival de Parthenay et on avait sympathisé. Il est dont parti avec mon jeu sous le bras et m’a recontacté plus tard en me proposant de le remanier afin de le rendre plus éditable. J’ai donné mon accord. Un an plus tard, on s’est retrouvés quelque part en Dordogne et il m’a présenté sa propre version du jeu : Pharaon (titre de travail qui est resté définitif). Pour la petite histoire, Henry a ensuite proposé Pharaon au concours de prototypes de Parthenay, où il a été sélectionné (première danse de la joie), où il a gagné le trophée créateur (seconde danse de la joie en levant les bras bien haut) et où il a tapé dans l’œil de l’éditeur Catch Up Games, qui a décidé quelques semaine plus tard de l’éditer (troisième danse, torse nu).
Prototype de Pharaon
  • L’histoire de l’extension, Conflits, est elle aussi particulière. Environ un an après la sortie de Pharaon, Henry et moi avons eu à peu près la même idée au même moment : réaliser une extension (à moins que ça ne soit une commande de l’éditeur). Nous sommes donc partis sur deux thématiques différentes. Lui, les conflits qui ont opposé les Égyptiens aux autres peuples du croissant fertile. Et moi sur le Sphinx. Nous nous sommes tenus au courant de nos avancées respectives, mais nous avons grosso modo travaillé chacun dans notre coin. Au bout d’un moment, il a présenté son projet à catch Up, qui l’a validé. Moi, j’ai terminé mon Sphinx un peu plus tard, et la production de Conflit était déjà engagée. Il a donc été décidé de garder mon extension sous le coude, pour la suite. Vu le contexte économique actuel, il n’est pas sûr que Sphinx puisse voir le jour. Cela dépendra des chiffres de vente de Conflits. Par un souci d’égalité, Catch Up a donc décidé que Henry et moi serions co-auteurs de Conflits, et éventuellement co-auteurs de Sphinx. Voilà comment une extension sur laquelle je n’ai presque pas travaillé (nous avons tout de même réalisé quelques tests à deux) est sortie avec mon nom dessus.
  • La genèse de Pirate Box est moins originale. L’idée du jeu date d’une époque où j’essayais de placer de la mémorisation dans mes prototypes. J’étais persuadé que la mémoire pouvait être un mécanisme comme les autres et qu’on pouvait réaliser un jeu avec de la mémorisation, sans que ce soit un simple mémory.

le prototype de Pirate Box

Deux projets sont sortis du lot, un jeu de course de voiture où on mémorisait le parcours au début du jeu (où avançait ensuite à l’aveugle) et Pirate Box. Pour la petite histoire, la version qui est actuellement en vente dans les boutiques est extrêmement proche de mon premier jet. Le jeu n’a presque pas évolué, que ce soit d’un point de vue mécanique que thématique. Seul l’ergonomie du jeu m’a donné du fil à retordre et m’a vu passer pas mal de soirées à réaliser des boites en carton en 3D pour que les dés s’y ordonnent le plus facilement possible.

Ces jeux sont édités chez 3 éditeurs différents (Oka Luda, Catch Up Games et Blue Orange). Est-ce que c’est un choix délibéré, le pur hasard ou s’agit-il d’opportunité que tu as su saisir ? Qu’est ce qui change entre ces 3 éditeurs au niveau du travail de développement ?

Comme on l’a vu, chacun de mes jeux a suivi une trajectoire particulière, et à chaque fois, ça a été une question d’opportunité. C’était toujours Le seul éditeur à vouloir éditeur ce jeu.

Et, s’il y a une seconde chose à savoir sur moi, c’est que je suis incapable de travailler sur une seule chose à la fois. Donc, tout en travaillant sur un jeu de gestion, je planche en parallèle sur un petit party game. C’est pour ça que mes jeux ne se ressemblent pas et que j’ai un éditeur différent à chaque fois. Une autre chose à savoir chez moi : je suis incapable de faire deux fois la même chose. Je ne ferai donc plus un seul jeu de dessin, si un autre deck-building, ni un autre jeu de gestion de ressources. Encore un élément qui explique la multiplication des formats de jeux, et donc d’éditeurs.

Alors, comparer les éditeurs dans leur implication dans le développement des jeux est assez casse-gueule, vu que je ne suis pas derrière les équipes… à mon sens, celui qui s’investit le plus est Catch Up Games. C’est simple, le pharaon final n’est presque plus le même jeu que celui qui leur a été présenté. Sur les 5 zones du jeu, 2 ont été complètement remaniées et l’ensemble du jeu a été rééquilibré. Un travail titanesque ! Blue Orange a été celui qui a le moins travaillé le prototype. Pirate Box est presque en tout point identique à mon proto « le coffre au trésor » (mis à part le nom et certains éléments d’ergonomie), ce qui n’enlève rien à la qualité du produit fini. Pour Oka Luda, j’étais dans l’équipe celui qui s’assurait du game design. Donc, j’ai travaillé sur mon propre jeu 😉

Quel(s) conseil(s) donnerais-tu à un joueur désireux de faire éditer son premier jeu ?

Alors, que dire à un jeune auteur qu’il n’ait pas déjà entendu dix fois ailleurs ?

1. fais-toi le meilleur réseau possible, en salon notamment. Parce que dans ce milieu, beaucoup de choses se passent de personne à personne.

2. Les voies du dieu de l’édition sont impénétrables. Ce n’est jamais le jeu qu’on croit qui va plaire. Il faut parfois simplement être au bon endroit au bon moment.

3. Enfin, fais-toi plaisir. Si tu aimes créer et jouer, donne-toi à fond, et fais les jeux auxquels tu aimeras jouer (parce que tu vas les faire jouer des dizaines de fois !). Dans le cas contraire, passe à autre chose. Auteur de jeu n’est pas un métier qu’on fait pour gagner de l’argent.

Mais alors pas du tout. Du tout.

Du tout.

Samsara – un deckbuilding -, Pharaon – qui mélange gestion de ressources et placement – et le petit dernier Pirate Box – un jeu de mémoire pour faire des collections. Des mécaniques de jeux complètement différentes. Peux-tu nous en dire un peu plus ? Entre les protos et la version finalisée, les jeux ont-il beaucoup évolué ? Si oui qu’est-ce qui les a fait changer ? Quel rapport as-tu eu avec le travail des illustrateurs, tous différents ?

Mince, encore une question à laquelle j’ai déjà (partiellement) répondu. Je suis du genre touche à tout. Donc, je fais plein de jeux différents. J’aime essayer des mécanismes farfelus, les combiner, et je me plante souvent. Mais parfois ça fonctionne, et ça fait très plaisir.

En général, quand j’ai une idée que je la mets en pratique, soit ça marche, soit je laisse vite tomber. Tous les jeux que j’ai remaniés pour les rendre encore « un tout petit peu meilleurs » ont fini à la poubelle.

Concernant le rapport aux illustrateurs, je trouve que c’est une drôle de question, parce que je n’en ai quasiment jamais. Je n’ai encore jamais vu physiquement un seul illustrateur qui aurait travaillé sur un de mes jeux. Ah, si, j’ai croisé Christine Alcouffe, illustratrice de Pharaon et de son extension. Mais à aucun moment je n’ai été réellement consulté sur le choix de l’illustrateur ou sur le travail de celui-ci. C’est d’ailleurs à mon avis le rôle de l’éditeur, et en tant qu’auteur, je suis content de laisser ce genre de choix à une personne plus compétente que moi.

Le succès de Pharaon t’a permis de te faire un nom – un pseudo plutôt – dans le monde du jeu. Et pourtant avec ton dernier jeu on retrouve à l’affiche Sylvain Lasjuilliarias et plus Sylas ? Pourquoi ce petit revirement ? Est-ce facile de jongler entre nom et pseudo ?

Hou là ! Je me permets une précision. Je ne pense pas m’être fait un nom dans aucun milieu. Certes, certaines personnes, surtout des pros du milieu, ont dû repérer qu’il y avait écrit Sylas sur deux boites de jeu différentes. Mais dans l’ensemble, je pense que je suis encore complètement anonyme. Et le milieu du jeu est un petit microcosme, tout à fait inconnu du grand public.

Je m’explique : si on demande, dans la rue, à cent personnes si elles savent qui est Stephen King, ou Steven Spielberg, je pense qu’une bonne partie des interrogés saura répondre. Par contre, si on demande qui est Bruno Cathala, seule une poignée dira « un auteur de jeu ». Parce que, si de plus en plus de personnes jouent aux jeux de société moderne, peu s’intéressent vraiment aux noms qui sont écrits sur la boite.

Donc, ceci étant précisé, si j’utilisais jusque-là le pseudo Sylas, c’était pour être cohérent avec mon pseudo d’auteur. En effet, mon roman Décadence était signé Sylas, en réponse à une demande de mon éditeur de l’époque d’avoir un nom plus prononçable que mon patronyme complet. Sans compter qu’en tant qu’auteur de nouvelles, j’avais déjà expérimenté tout un tas de fautes d’orthographe sur mon nom. Je suis donc parti sur le début de mon prénom, et la fin de mon nom de famille. C’était simple, cohérent, et (je trouve), ça avait plutôt la classe.

Pour mon premier jeu, Samsara, j’ai décidé de garder ce pseudo. Ça me permettait ainsi de faire la distinction entre Sylas, l’auteur, et Sylvain, l’éditeur (je faisais partie d’Oka Luda à cette époque). Pour Pharaon, Henry et moi sommes partis sur un délire de pseudos. Lui, Henry Pym et moi Sylas. Mais, pour Pirate Box, je me suis réellement posé la question, et je ne voyais pas l’intérêt de persister dans le pseudo. Parce que, franchement, j’ai toujours trouvé ça compliqué à gérer, comme si je me cachais derrière un mot. Donc, j’ai demandé à Blue Orange de mettre mon vrai nom sur la boite. Ça fait un peu comme un coming out, non ?

Pour répondre de manière un peu plus large, j’ai beaucoup changé depuis ces dix dernières années. Comme on peut le voir avec la thématique de mes premiers jeux (Samsara en particulier), je suis quelqu’un qui s’intéresse beaucoup à la spiritualité. Et qui dit spiritualité, dit évolution personnelle. Donc, depuis dix ans, je change, je vais vers une forme de décroissance, de simplification, d’allègement. Laisser mon pseudo derrière moi va dans ce sens.

Comment se passe la conception d’un jeu fait à deux comme Pharaon et son extension Conflits avec Henri Molliné ?

J’aime bien commencer les projets, mais j’ai plus de mal à les finaliser. Henry, c’est le contraire, il adore mettre sa « touche finale » dans les projets des autres (c’est le nom de son entreprise de tailleur de pierre…). Donc, on s’est parfaitement bien trouvés sur le coup.

Concrètement, Henry est parti de mon prototype et changé ce qui lui paraissait un peu faible. Il a imaginé le système des cinq plateaux à emboîter et des dieux qui se génère de manière aléatoire. Il a aussi formalisé la piste des sépultures, qui était moins performante dans ma version. Et il a bien sûr trouvé le thème du jeu (même si en réalité, on s’est mis d’accord dessus avant qu’il ne se mette au travail)

Pirate Box est le petit dernier sorti chez Blue Orange et on est plutôt dans une gamme plutôt ‘jeunes joueurs’ avec un jeu de mémoire. Est-ce un one shot ou alors comptes-tu t’orienter vers ce type de gamme ?

Avec l’idée de cette simplification personnelle dont je parlais plus haut, je suis de moins en moins enclin à faire de gros jeux (à y jouer, non plus). Donc, mes prochains jeux seront forcément des jeux plus accessibles. En plus, c’est beaucoup plus rapide à créer, plus simple à équilibrer, à faire jouer et à présenter aux éditeurs.

Sur quel(s) jeu(x) travailles-tu en ce moment ? Y a-t-il d’autres sorties prévues dans un avenir plus ou moins proche ? Peut-être va-t-on même avoir un scoop 😉

Désolé, pas de scoop 🙂 Enfin si, peut-être : ça fait pratiquement deux ans que je n’ai pas travaillé sur un proto, ni fait un salon, ni démarché un éditeur.

Depuis le début de l’année, je me suis remis à l’écriture. J’ai écrit un roman ado, Nilla l’exploratrice, pour ma fille de 13 ans (Maya) et je suis en train de le peaufiner. Ça parle d’une jeune elfe qui vit dans une Forêt d’arbres géants et qui, appelée par une série de rêves, part explorer les limites du monde connu. C’est bon karma, sans violence, et ça montre comment des êtres peuvent vivre en harmonie avec la nature et leurs aspirations profondes, tout en étant à l’écoute des messages de l’Univers. Quand on compare avec Décadence, qui parle d’une ville où les gens s’entassent, de trafic d’organes et de magie qui détruit les jeteurs de sorts, on voit que j’ai évolué 😉

Pour revenir aux jeux, je n’ai pas fermé la porte à la création ludique. C’est juste qu’en ce moment, c’est autre chose qui vient. Mais si je me remets à faire des jeux, je pense que je me tournerai vers les jeux coopératifs.

Avec quel auteur et quel illustrateur de jeu rêverais-tu de travailler ?

Je me vois mal travailler avec un autre auteur, je veux dire « en même temps sur le même jeu ». Ça doit être vraiment difficile, à moi de vraiment bien s’entendre et de pouvoir se retrouver souvent pour jouer. Pour Pharaon, Henry et moi avons travaillé l’un à la suite de l’autre, et ça a bien marché. Mais c’était plus une opportunité qu’autre chose. J’ai d’ailleurs aussi essayé l’écriture à quatre mains, et ça ressemble souvent à un patchwork qu’à un réel texte.

Côté illustration, il n’y en a aucun avec qui j’aimerais particulièrement travailler. Jusque-là, je suis très satisfait des illustrateurs qui ont illustré mes jeux, ils sont de styles très différents. L’important pour moi est que la patte de l’illustrateur s’accorde bien avec ce que veut dire le jeu, un point c’est tout.

En tant que créateur de jeu, y a-t-il des jeux récents qui te font dire : Ouah … quelle belle claque ludique, si seulement ça avait été moi qui l’avais réalisé !

J’ai eu cette pensée pour Terraformig Mars, et je me suis dit que si ça avait été moi, il aurait été plus court 😉 Mais un jeu que j’aurais bien aimé faire, c’est Chakra. Il aborde un thème qui me parle, il est pédagogique, fluide, simple à prendre en main et riche à jouer, interactif et beau. Ouf.

En tant que joueur, quels sont tes 3 coups de cœur ludiques que tu voudrais voir inscrit au Hall of Fame de tous les temps ? Et pourquoi ?

  • Dominion, parce qu’il a créé un style de jeu (le deck-building) encore à la mode, et qu’il a profondément marqué mon parcours de joueur. Et aussi parce qu’il donne de très bonnes sensations de jeu.
  • Terraforming Mars, parce qu’il est dense, complexe, calculatoire, mais aussi ultra immersif. Moi qui aime la science-fiction, chacune de mes parties m’a donné l’impression de participer à une aventure spatiale.
  • Hanabi. Et oui, un petit jeu de cartes. Enfin, petit par la taille mais grand par l’originalité de ses mécanismes et de ses interactions. Pour moi, c’est une petite pépite ludique qui oblige à s’intéresser à ce que font les autres comme aucun autre jeu.

Comme dirait ma femme, il n’y a pas que le jeu dans la vie. Justement, quelles sont tes autres passions ?

Tu as dû comprendre que je m’intéressais à la spiritualité et aux techniques énergétiques. Je ne pratique pas, mais je peux en parler pendant des heures. Il y a aussi l’écriture, qui me prend en ce moment pas mal de temps. Sinon, je suis très « famille » et je réalise l’école à la maison pour mes trios enfants (tant que c’est encore autorisé).

Pour terminer cette interview, je te propose de sortir le jeu “Questions de merde” de chez le Droit de perdre et de répondre à une série de questions (9 au total). Tu peux y répondre plus ou moins sérieusement et pour reprendre les mots des auteurs Franz Lejeune et James Fabian : 

« Que vos réponses volent haut ou pas ne changera pas votre destin … Alors lâchez-vous … Envolez-vous ! Au fond, qui n’a pas déjà eu envie de s’envoler loin, aussi loin que possible … »

Ma femme a sélectionné 9 questions … prêt ? (en fait ce n’est pas une question)

Je te donne une batte de Baseball. Qu’as-tu envie de péter en premier ?

Rien. La violence engendre la violence.

Comment rester agréable quand il pleut trois jours de suite ?

En jouant à des jeux de sociétés.

Pourquoi Dieu a-t-il créé l’homme avant la femme ?

Mince, je croyais que c’était le contraire.

Quel nom est particulièrement con pour un animal de compagnie ?

Dark vador.

Quelle invention prouve que les humains sont totalement idiots ?

90 % des inventions. Mais en tête, je mettrais les armes.

Quelle serait ta dernière phrase à un ami avant de le trahir ?

Non, c’est pas comme le Monopoly !

Si ton nom de famille devait être ta meilleure qualité, comment t’appellerais-tu ?

Lebogoss

Quel était ton vilain défaut quand tu étais gosse ?

Je ne parlais pas aux autres humains.

Si tu étais un grand méchant, quel but maléfique poursuivrais-tu ?

Je relâcherais dans la nature un virus artificiel pour ensuite en vendre le vaccin.  Mouaahhhh !! (rire démoniaque)

Chers lecteurs, si vous avez aimé les dernières questions de cette interview, vous pouvez les retrouver dans le jeu “Questions de Merde “ chez Le Droit de Perdre.

Propos recueillis par Laurent

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