[Entretien avec] Marie et Wilfried Fort, en route vers l’As d’Or ?


Nous avons eu le plaisir de nous entretenir avec Marie et Wilfried Fort, auteurs de jeux pour enfants ; ils nous parlent de leur parcours, de leurs projets, de leur conception du monde du jeu et donnent même des petits conseils ! Sélectionnés pour l’As d’or dans la catégorie jeux pour enfants pour la troisième année consécutive, c’est leur jeu Dragomino (aux éditions Blue Orange), l’adaptation du jeu Kingdomino, co-créé avec l’auteur Bruno Cathala, qui figure dans la short-list du plus prestigieux prix français du jeu. Le palmarès sera dévoilé dans deux jours, le 25 février prochain : 2021 commence bien pour eux !

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Sempiternelle première question mais fort heureusement pas si rébarbative, pouvez-vous en quelques mots nous parler de vous et décrire votre parcours avant d’arriver dans le monde du jeu ?

Wilfried Fort (38 ans) et Marie Fort (35 ans) couple dans la vie comme dans la création, mariés, deux garçons de 10 ans (Lenny) et 13 ans (Lilian). Nous vivons à la campagne, dans un coin calme au sud de Nantes – idéal pour la création et une mine d’or pour l’inspiration ! Avant d’être auteurs à temps plein et d’en faire tous les deux notre métier, nous avons exercé les métiers de menuisier (Wilfried) et assistante commerciale (Marie). En 2010 (10 ans déjà, pfiuu !), cherchant une échappatoire à nos boulots qui ne nous convenaient plus vraiment et avec l’envie de travailler ensemble, nous avons démarré en parallèle une activité de fabrication et de vente de jeux en bois originaux et traditionnels. C’est ainsi que nous avons participé à nos premiers festivals de jeux. Petit à petit, nous avons recentré notre activité uniquement sur la création de jeu, le reste nous prenant beaucoup trop de temps. Puis fin 2014, notre premier jeu édité a vu le jour !

Enfants, quels joueurs étiez-vous ? Y avait-il un jeu de chevet ?

Marie : « Je jouais très souvent, surtout les week-ends et pendant les vacances, on faisait des parties interminables de Monopoly avec un de mes frères (Je le soupçonne d’avoir de nombreuses fois triché ^^) et la Bonne Paye. Je jouais à « Destin » ou « Piques Puces » avec une cousine maiiiiis le jeu qui m’a laissé un souvenir impérissable : « Les mystères de Pékin » – Il était original et malin pour l’époque ! »

Wilfried : « Je jouais beaucoup avec mon frère aux jeux vidéo (Nes, super Nes…). En tant que vendéens, nous nous retrouvions aussi souvent autour de la planche à palets. En ce qui concerne les jeux de société, on a souvent commencé des parties de Monopoly sans jamais les terminer, enchaîné des parties de la Bonne Paye… et des parties de Belote accompagnés de notre papa. »

Et un jeu en particulier vous a-t-il fait basculer dans le jeu de société dit « moderne » ou tout du moins l’apprécier ?

Nous avons découvert le jeu de société « moderne » ensemble et avec nos amis de toujours (cœur avec les doigts) autour de jeux tels que La guerre des moutons, Les colons de Catane ou Citadelles.

Parlons un peu création. Qu’est-ce qui vous anime dans la création de jeux ? Depuis quand cette frénésie de création vous a touché ?

Nous adorons inventer des univers, des histoires et y adapter une mécanique et un matériel spécifique. Tout en gardant à l’esprit de rendre l’expérience de jeu accessible aux enfants 😊
On a toujours eu des esprits créatifs et l’envie de créer ensemble sans pouvoir forcément aller au bout de nos idées en tout genre. Puis on a découvert que l’on pouvait utiliser cette créativité dans le jeu. C’est ainsi qu’à partir d’une chute de bois, nous avons créé notre premier jeu original. Depuis ce jour-là, la conception de jeux nous permet d’assouvir nos pulsions créatives 😊

Comment avez-vous sauté le pas entre jouer et être acteur du monde du jeu ? Cela a-t-il relevé du parcours du combattant ou cela s’est-il fait en douceur, très facilement ?

Bizarrement, on a suivi le chemin inverse : on a tout d’abord commencé à créer des jeux. Grâce à ça, nous avons découvert le monde du jeu et nous sommes ensuite devenus des joueurs réguliers.
Pour résumer, il s’est passé beaucoup de temps entre les premières idées et la première édition. Et jusqu’à longtemps après, notre quotidien était rythmé par nos deux boulots respectifs, notre vie de jeunes parents et notre activité naissante d’auteurs de jeux…un quotidien bien rempli donc. Et même si on retient généralement le bon côté des choses, il y a évidemment beaucoup de déceptions, d’épuisements, de frustrations, de désillusions et d’échecs dans notre parcours. Donc plutôt « parcours du combattant » que « long fleuve tranquille » :p

Vous êtes membre fondateur du collectif d’auteurs de Nantes et des environs baptisé le CAJO ; quelle place prend ce mouvement dans la création et le test de vos jeux ? À quel point prenez-vous en compte les retours des premiers joueurs ?

Le CAJO (dont vous pouvez lire l’article sur Undécent ici) aujourd’hui c’est une trentaine/quarantaine de membres avec un noyau d’auteurs à Nantes. Les auteurs se regroupent une fois par mois dans un bar ludique associatif. Malheureusement, de notre côté, nous avons de plus en plus de mal à trouver le temps d’y participer. Comme la majorité de nos créations sont destinées aux enfants, nous privilégions les tests en écoles et en centres d’animations qui nous aident grandement à l’évolution de nos prototypes. On écoute mais on observe surtout leurs comportements, leurs réactions face aux jeux puis souvent on affine… avant le prochain test !

Vingt jeux édités et pour les plus récents principalement chez Haba, récemment chez SpaceCow et surtout Blue Orange. Comment ces opportunités d’édition ont pu se faire ?

Nous aimons les rencontres directes avec les éditeurs (sur les festivals ou autres). Lors d’événements ludiques, nous prenons donc rendez-vous avec plusieurs maisons d’édition afin de leur présenter nos différents projets. Ces événements sont pour nous des « échéances » qui nous poussent à boucler nos projets à temps – cette pression du timing booste souvent notre créativité et il n’est pas rare qu’il en sorte des projets de dernière minute quelques jours avant ces échéances.

Comment se passe le travail avec les éditeurs, les contraintes et libertés donnés par les uns ou les autres ?

Le plus difficile c’est que chaque éditeur a ses habitudes sur ces sujets – il faut donc savoir s’adapter à son interlocuteur pour que tout le monde se sente investit par le projet, c’est le plus important. De notre côté, pour éviter tout gros changement de direction commandité par un éditeur, nous poussons au maximum les projets que l’on présente en anticipant toutes les questions que l’éditeur pourrait se poser – que ce soit sur la mécanique, l’ergonomie, le matériel, les illustrations, etc… On essaie donc au maximum de présenter des projets « clés en mains ».
Cependant, on n’est jamais à l’abri de modifications. Il faut rester souple et ouvert aux propositions tant qu’elles tirent le jeu vers le haut. Mais, il nous est aussi déjà arrivé de rompre un contrat d’édition car après moult changements, la direction du projet ne convenait plus à personne…
Les demandes (fréquentes) les plus difficiles à accepter pour nous, sont les gros changements de cible : transformer un projet de jeu 6 ans pour en faire un jeu 4 ans, par exemple. Cela entraîne souvent trop de modifications importantes qui peuvent dénaturer le jeu.
Pour résumer, tout est question de discussions, d’argumentations, de compromis… pour qu’éditeur et auteur soient fiers du résultat final.

Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à un joueur désireux de faire éditer son premier jeu ?

Fabrique-toi déjà un premier prototype et commence à le faire tester à ton entourage puis « sort » de ce cercle familial et amical pour le faire tester à des joueurs. Nous te conseillons de rejoindre le regroupement d’auteurs le plus proche de chez toi où tu trouveras des conseils, des regards d’autres auteurs et où tu pourras faire tester ton prototype afin d’y apporter d’éventuelles améliorations. Pour ce qui est de l’édition, nous te conseillons de passer par la case tests intensifs et quand tu sentiras ton jeu assez « prêt » pour être montré à un éditeur, alors renseigne toi sur leurs gammes d’édition afin de voir si par rapport à ses caractéristiques, ton jeu pourrait en faire partie. Ensuite, il faut être très patient, parfois dans de rares cas tu auras une réponse positive (plus ou moins rapidement, selon notre expérience : entre 1 semaine et 1 ans et demi) mais dans la majorité des cas, le jeu ne trouvera pas preneur, il faudra alors le retravailler ou le mettre au placard quelques temps pour le reprendre avec un regard nouveau un peu plus tard… Rien n’est jamais perdu ! 😉

Vous travaillez forcement en binôme, quels sont les avantages et les inconvénients de cette configuration de création ?

De notre côté, nous n’y voyons principalement que des avantages 😊. Cela nous permet de faire un premier tri des idées « à la source ». L’un a une idée, il la soumet tout de suite à l’autre qui donne son avis tranché instantanément. Cela évite de partir dans des idées un peu trop farfelues. Ça marche aussi bien pour l’idée de base que pour toutes les propositions lors du développement du jeu. C’est toujours mieux d’avoir deux avis qu’un. Etre deux, ça permet aussi de pouvoir tester rapidement un prototype ou une simple modification sans attendre la prochaine session de tests avec des joueurs. Côté pratique, en festival, ça permet de se dédoubler et d’être à deux endroits différents à la fois (l’un en rendez-vous éditeur, l’autre sur stand à présenter un jeu – même si on préfère être ensemble dans les deux cas). Travailler en binôme permet également d’exploiter au mieux les spécialités de chacun (équilibrage, vision dans l’espace, illustration…). Le seul inconvénient c’est que tout ceci nous impose de mettre en place une organisation « extrême » pour que chacun y trouve son compte et sa place.

Un trinôme de créateurs de jeu a vu le jour en 2017 puisqu’un petit Lilian a été à l’origine du jeu Smoothie en 2017. Comment cette petite aventure a pu aller jusqu’au bout ?

Nous vivons depuis un certain temps dans un monde de création et nos enfants sont nés et ont grandi dedans. Ils développent naturellement leurs idées sans à priori et nous les encourageons même dans cette voie.
A la maison, on joue forcément beaucoup aux jeux de société et c’est tout naturellement que Lilian a eu lui aussi envie de créer des jeux. Début 2016, Lilian avait 8 ans, et c’est en jouant avec un paquet de 54 cartes classique chez ses grands-parents, qu’il a trouvé une idée de jeu en manipulant les cartes. Il nous l’a fait essayer et on a trouvé l’idée très intéressante même s’il restait encore du travail à faire dessus pour que le jeu soit encore meilleur. Au début, Lilian ne voulait aucun changement. Puis quelques temps plus tard, il a eu envie de le travailler avec nous pour aller encore plus loin ! On a d’abord décidé ensemble d’y mettre un thème : les smoothies ! On avait donc par la même occasion déjà trouvé le nom de notre jeu ! Ensuite, on a dû y jouer très très souvent pour changer les choses qui ne fonctionnaient pas. On l’a fait beaucoup jouer dans les festivals de jeux et aussi aux élèves de sa classe (Lilian en était d’ailleurs très fier)
Connaissant et jouant déjà aux jeux Djeco, Lilian rêvait que Smoothie en fasse partie, il voulait que Djeco soit l’éditeur de ce jeu et personne d’autre ! Notre mission ? présenter le jeu à Djeco lors du Festival des Jeux de Cannes 2016.
Quelques mois plus tard, toujours en 2016, Lilian a participé à un concours de prototype de jeux en Bretagne et Smoothie a remporté le premier prix ! Et quelques mois plus tard, Djeco nous a contacté pour nous annoncer la nouvelle : Smoothie fera partie de la gamme jeux de cartes chez Djeco ! Lilian était ravi et nous aussi. L’édition s’est faite assez vite et le jeu a vu le jour en 2017 pour notre plus grand bonheur. Il est d’ailleurs toujours disponible en boutiques aujourd’hui en 2021.

Smoothie était une expérience familiale. En revanche, pour Dragomino sorti cette année, c’est avec le célébrissime Bruno Cathala (retrouvez son entretien sur Undécent ici) que vous vous êtes attelés à créer un jeu avec la mécanique du best seller Kingdomino. Comment cette collaboration a-t-elle pu avoir lieu ?

En 2017, au détour du festival des jeux de Saint-Herblain (44), nous avons croisé Bruno qui était en compétition pour le Double 6 avec « Kingdomino » (et qui a d’ailleurs gagné) où nous avons passé un petit moment autour d’une table. Et au fil de nos discussions, il nous a proposé sympathiquement de co-créer un Kingdomino version kids. Nous étions tous les trois très motivés par ce projet et nous y avons travaillé dès son retour et à distance. Ce fût une collaboration très enrichissante ! Il nous aura fallu de très nombreux allers et retours de mails, de visios, de tests intensifs chacun de notre côté pour arriver à… Dragomino sorti en 2020. Il n’est finalement pas devenu un Kingdomino kids à proprement parler : Dragomino a sa propre identité sur la base de Kingdomino et on en est tous plutôt très fiers ! Nous n’avons malheureusement pu vivre la sortie avec le contexte actuel, mais nous sommes impatients de partager une table d’auteur avec Bruno pour signer quelques boîtes de Dragomino 😊

Plusieurs de vos jeux ont obtenu des prix internationaux lors des salons de jeux. Je pense notamment à Mr Wolf ou La Vallée des Vikings. Pouvez-vous un peu nous parler de ces deux jeux et de ces consécrations. Qu’est ce que cela a changé pour vous ?

Tout s’est « déchaîné » en 2019  : Mr Wolf a remporté l’As d’Or 2019 à Cannes et La Vallée des Vikings le Kinderspiel des Jarhes 2019 à Hambourg en Allemagne. Une année de fou : avoir enchaîné ces deux grands prix avec deux jeux différents pour enfants c’est juste exceptionnel et incroyable !! 😮

  • Mr Wolf est un jeu coopératif pour les plus jeunes à partir de 4 ans. Il est sorti en février/mars 2018 chez Blue Orange, il avait donc déjà un an d’existence quand il a remporté l’As d’Or. Il était un peu considéré comme l’ « Outsider » à côté de Zombie Kidz évolution, Le monstre des couleurs et Kikafé par la communauté de joueurs… Du coup, de notre côté, on était très très heureux de cette nomination et nous n’avions pas la pression car dans nos têtes notre Mr Wolf ne partait pas favori. Mais, ô la surprise mélangée à la joie euphorique : au moment où nous entendons « Mr Wolf » nos cœurs ont explosé et nous nous sommes effondrés dans les bras l’un de l’autre. C’était époustouflant, émouvant, transcendant, bref pas assez de mots pour vous exprimer ce qu’on ressent encore au fond de nous aujourd’hui…certaines personnes nous reparlent même de notre discours de ce jour avec nos voix chevrotantes…héhé – Nous en gardons de merveilleux souvenirs et sommes fiers d’avoir réussi par notre travail à réaliser Mr Wolf et amuser les petits et les grands. Aujourd’hui, nous sommes fiers de retrouver Mr Wolf un peu partout dans les écoles, centres de loisirs, médiathèques ludothèques, etc…Bref, une belle aventure ce Mr Wolf !
  • La Vallée des vikings est un jeu d’adresse et de tactique à partir de 6 ans chez Haba. Il est sorti en février 2019. Ce jeu a un passé chaotique. Il est passé chez des éditeurs, revenus dans nos cartons avant d’être modifié et présenté à un chef de projet chez Haba. On n’a rien lâché, on y croyait et les enfants et leurs parents l’adoraient. Le jeu aura mis 5 ans à se peaufiner passant d’un thème de pirate au thème des vikings. Nous ne pensions même pas au Kinderspiel et le jour où l’annonce est tombé, on n’avait pas bien compris que nous étions dans les trois nommés ahah – tout était en allemand ^^ – Et puis paf, encore un moment de joie intense et euphorique…Mais mais : on part à Hambourg dans 1 mois pour le Kinderspiellll !!!!!!!! On avait du mal à y croire. Et puis 1 mois après, nous voilà dans une salle avec que des personnes parlant allemand, et la cérémonie tout en allemand, et des enfants sur scène (pour notre plus grande joie !) – des lumières vont et viennent sur les trois nommés et pif paf pouf, la lumière éclaire… « Tal der Wikinger » (La Vallée des vikings en Allemand). Encore une fois, explosion de joie ! Retour en France victorieux et les ventes de La Vallée des Vikings montent en flèche. Aujourd’hui, le jeu se porte encore très bien et nous sommes heureux de voir les gens le découvrir et avons hâte de le faire jouer de nouveaux en festivals 😊
    Tout cela a déclenché le fait que nous pouvons aujourd’hui travailler à plein temps, à notre compte et tous les deux dans la création et le développement de jeux de société pour enfants 😊
Dans l’actualité de ces derniers mois il y a eu la sortie d’une extension pour le jeu Fabulia. Parlez-nous un peu de ce livre-jeu dont on est le héros. Comment est-on passé du prototype de T’es trop une bête à cette version finale mêlant imaginaire, narration en mode compétition ou coopératif ?

Fabulia c’est tout d’abord une volonté de faire un jeu pour les enfants basé sur l’imagination. Les enfants ont généralement une imagination débordante. Notre idée de départ était d’associer des histoires et des animaux. Nous avons réalisé des cartes de « situation » comme par exemple « Notre héros est triste. Il aurait bien besoin d’un bon câlin pour retrouver le sourire… Quel personnage pourrait lui faire un gros câlin pour le réconforter ? » et les enfants devaient choisir parmi les cartes « animaux » disponibles dans leurs mains, puis on passait au vote. Il n’y avait cependant pas de lien entre les situations. Après beaucoup de tests en école, où le jeu marchait déjà très bien, nous avons voulu donner plus de « corps » au jeu, nous avons vite eu l’idée de réaliser un livre et des pages d’histoires qui se suivent. Nous avons présenté « T’es trop une bête » aux éditeurs mais nous nous sommes heurtés à de nombreux refus car des jeux avec du « texte » à traduire c’est plus compliqué à produire et beaucoup trop de travail…Et un jour, nous l’avons présenté un peu par hasard à Alexander de chez Lifestyle Boardgames (avec qui nous avons deux autres jeux en édition : Wallet et Splash) et il a flashé immédiatement sur le jeu ! Et « Fabulia » est né !

Patatrap Quest est arrivé chez Space Cow ; un jeu de mémoire, de pièges à éviter en mode dungeon crawler familial. Pouvez-vous nous parler de la genèse de ce jeu illustré par Michel Verdu.

Ce qu’était le projet à l’origine est à mille lieues de ce qu’il est aujourd’hui. Le projet s’appelait « Picotti », un jeu de parcours dans lequel chacun incarnait un hérisson qui devait récolter des fruits sur son passage chaque case déclenchant un effet positif ou négatif. On se déplaçait déjà grâce au système de deux dés ce qui nous permettait d’avoir une amplitude de déplacement contrôlée. Le jeu n’ayant à ce stade pas trouvé d’éditeur intéressé, il est resté quelques temps au placard. Puis un jour nous avons eu envie de le retravailler avec un regard plus nouveau, il est donc ressorti du placard. Le changement de thématique (bye bye les hérissons, bonjour l’exploration de château) et la mise en place du système de trappes ont permis au jeu de prendre une nouvelle dimension = Nom de dossier : « Portes monstres trésors ». Après plusieurs mois de travail on a présenté le prototype à Space Cow qui a été séduit. Et… « Patatrap Quest » a vu le jour 😊


Il y a encore pas mal de projets dans vos malles aux trésors ludiques. Quelles sont les sorties prévues dans un avenir proche ?

Tout d’abord, nous avons Midnight Exchange (voir dans les sorties Blackrock de février ici) qui vient de sortir chez Blue Orange. (Un jeu familial à partir de 8 ans). S’en suivra, Petit ogre chez Bayard jeu, un jeu inspiré du livre jeunesse « Le petit ogre » (à partir de 5 ans), normalement pour le printemps. Puis, deuxième semestre : Arcimboldo chez Bankizz éditions en co-autorat avec nos amis Nathalie et Rémi Saunier (Twin it) – un jeu familial poétique et bienveillant à partir de 7 ans. Ensuite, il y aura la sortie de Unlock kids sur lequel nous avons travaillé en tant que développeurs puis en tant qu’auteurs d’un scénario. Puis, normalement, pour la fin d’année : Grizzly (nom provisoire car changement de thème) chez Haba, un jeu avec du beau matériel !

Y a -t-il un projet particulier qui vous tiens à cœur et que vous aimeriez concrétiser ?

Il y a quelques temps, nous avons créé un jeu basé sur le livre jeunesse « Les 3 brigands ». Il est en cours d’édition mais c’est compliqué en ce moment : L’auteur du livre « Tomi Ungerer » étant décédé quelques mois avant de voir ce projet, il est un peu plus difficile d’avancer actuellement…Mais nous gardons espoir ! Et nous serons fiers de faire vivre son œuvre à travers le jeu !

Avec quel auteur et quel illustrateur rêveriez-vous de travailler ?

On travaille déjà sur des projets avec Antoine Rabreau (auteur du CAJO et de plusieurs jeux enfants chez Djeco) qui a une vision du jeu pour enfants très proche de la nôtre. Antoine est une chouette personne et on aimerait beaucoup voir un de ces projets communs aboutir ! Cette année devrait voir deux de nos projets avec Maud Chalmel pour illustratrice pour notre plus grand bonheur. Ça fait plusieurs années déjà que l’on admire son travail et qu’on rêvait d’une collaboration. Nous adorons le travail d’illustrations de Benjamin Chaud, illustrateur jeunesse de Coquillages et petit ours, Pomelo, Les Petits Marsus, etc…, nous avons eu la chance de le rencontrer une fois lors d’un salon du livre jeunesse et nous espérons bien voir un jour un de nos jeu sous ses traits !

Coquillages et petit ours de Benjamin Chaud
En tant que créateur de jeu, y a -t-il des jeux récents qui vous font dire : Ouah … quelle belle claque ludique, si seulement ça avait été moi qui l’avais réalisé !

Le « si seulement ça avait été moi qui l’avais réalisé ! » nous gêne beaucoup. Quand un jeu nous fait vibrer, il nous semble plus approprié de féliciter le travail de son auteur 😊
Un jeu qui nous fait cet effet de « Ouah quelle belle claque » et où on lâche complètement prise (sans être en train d’analyser) c’est Times stories (on est rendu au cycle bleu :p) . C’est une magnifique œuvre narrative ! (et on n’a pas trouvé mieux dans cette catégorie à ce jour!)

En tant que joueur quels sont vos 3 coups de cœur ludiques que vous voudriez voir inscrit au Hall of Fame de tous les temps ? Et pourquoi ?

Dans notre top 3, on retrouve Time Stories pour son expérience coopérative et narrative, mais aussi Wingspan qui est excellent et qui ouvre de nouveaux horizons thématiques. Et dans un registre tout autre : le Crokinole pour sa capacité à rassembler différents profils de joueurs et l’envie de rejouer qu’il procure au plus grand nombre dès les premières parties.
Nous ne sommes pas encore sortis de la crise liée au Covid-19. Qu’est-ce que cela a changé pour vous ?
Notre quotidien en semaine n’a pas vraiment changé : nous travaillions déjà à la maison depuis quelques temps. En revanche, les week-ends sont beaucoup plus « calmes » du fait de l’annulation des festivals, interventions en ludothèques, présentations en boutiques, etc…

Le mode de communication, les tests des jeux, le travail avec les éditeurs ne doivent plus être les mêmes. Quelles nouveautés ou adaptations ont donc vu le jour ?

Le travail d’un projet déjà signé avec un éditeur reste le même. Tout se passait déjà par mail, par visio ou par téléphone, tout cela ne change pas. Par contre, pour la présentation de nouveaux projets aux éditeurs, on se réadapte. On adorait le contact direct des rendez-vous sur festivals, aujourd’hui on troque cela pour des présentations en visio ou par mail.
Pour les tests, nous avons de nouveau la chance de pouvoir intervenir en école avec toutes les mesures protocolaires adaptées.
Pour garder contact avec les joueurs, nous avons proposé en fin d’année plusieurs vidéos en direct qui nous ont permis d’appuyer la sortie de nos nouveaux jeux tout en essayant de faire participer les gens. C’est différent d’une rencontre en festival mais c’est toujours de chouettes moments de partage !

Comme dirait ma femme, il n’y a pas que le jeu dans la vie. Justement, y a-t-il d’autres passions ?

Et elle a bien raison ! 😉 Voici quelques-unes de nos passions en vrac : Nature, permaculture, monde de l’enfance, brocante, collection, récup’, détournement d’objet, lecture, bricolage… On n’aura jamais assez d’une seule vie pour faire tout ce dont on a envie… mais c’est peut-être ça une des clés du bonheur ? :p

Entre nous, avez-vous une petite exclusivité à nous partager ?

On ne sait pas encore si cela va aboutir à quelque chose mais nous continuons à travailler sur Fabulia 😉

Pour terminer cette interview, je vous propose de sortir le jeu Questions de merde de chez le Droit de perdre et de répondre à une série de questions (9 au total). Vous pouvez y répondre plus ou moins sérieusement et pour reprendre les mots des auteurs Franz Lejeune et James Fabian : 
« Que vos réponses volent haut ou pas ne changera pas votre destin … Alors lâchez-vous… Envolez-vous ! Au fond, qui n’a pas déjà eu envie de s’envoler loin, aussi loin que possible … »
Ma femme a sélectionné 9 questions … Vous pouvez y répondre en tandem ou en solo, à vous de voir … prêts ? (en fait ce n’est pas une question)

Quelle invention prouve que les humains sont totalement idiots ?
Les armes à feu.
Pourquoi votre papa est-il plus fort que les autres ?
Car il serait capable de produire assez de légumes pour nourrir un village entier !
Que regardez-vous en premier chez l’homme / la femme ?
Son masque ! :p
Quelle question n’aimez-vous pas que l’on vous pose ?
Il est à vous cet enfant qui court sur l’autoroute ?
Comment rester agréable quand il pleut trois jours de suite ?
En ayant des gouttières solides et un drainage efficace autour de sa maison !
Au réveil, qu’avez-vous besoin de faire avant que l’on puisse vous adresser la parole ?
Réveiller l’autre !
De quel livre vous serviriez-vous pour caler une table ?
Il n’est pas judicieux de caler une table avec un livre !
Dans quel domaine aimeriez-vous être un(e) expert(e) ?
Experts en réponses à « Questions de merde » 😊
Si vous deviez tout plaquer, mais ne garder qu’un seul objet, lequel choisiriez-vous ?
Une clé de 17.

Chers lecteurs, si vous avez aimé les dernières questions de cette interview, vous pouvez les retrouver dans le jeu “Questions de Merde “ chez Le Droit de Perdre.

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