[Test] Dive, plongée vers l’inconnu
1-4 joueurs | Anthony Perone, Romain Caterdjian | ||
8 ans | Alexandre Bonvalot | ||
30 minutes | Sit Down | ||
programmation, observation, course | Plongée, animaux | ||
27,90 chez , 29€90 chez | et dans |
J’adore découvrir des jeux avec une mécanique originale. Avec le nombre de sorties par an en ce moment, on peut penser que tout a été essayé, tout a été fait. Force est de constater que non, et, de temps en temps, un OLNI (Objet Ludique Non Identifié) apparaît sur nos étals. C’est le cas ici, je n’ai pas le souvenir d’avoir vu un tel jeu avant, un jeu à la fois beau, original et accessible. Alors vous le verrez, le revers de la médaille c’est qu’il n’est pas parfait, on essuie un peu les plâtres (et les feuilles plastiques), mais le plaisir de trouver une nouvelle façon de jouer balaye tout sur son passage.
Quand j’ai reçu le prototype de Dive, il y a un petit temps déjà, la beauté et la zenitude du titre m’a tout d’abord frappé. Malgré le fait qu’il s’agissait d’un prototype et donc du matériel non définitif, on a bien pu sentir l direction vers laquelle Sit Down voulais aller, et je dois dire qu’ils y sont bien allés.
Dans Dive, les joueurs incarnent des plongeurs qui subissent un rite initiatique polynésien qui se déroule chaque solstice d’été. Il s’agit de plonger le plus profondément possible en évitant les requins et en s’aidant des tortues de mer et des raies manta. Les joueurs vont devoir bien regarder la mer pour deviner à quelle profondeur sont les divers animaux et programmer leur descente en fonction. Celui qui arrivera en premier à la pierre sacrée et qui parviendra à la ramener au chef du village remporte la partie.
Qu’est ce qu’on trouve dans la boîte ?
- 36 cartes Océan transparentes,
- 1 support cartonné à monter,
- 4 plateaux Plongeur,
- 4 jetons Coquillage (1 par couleur),
- 4 paravents,
- 1 plateau Descente,
- 4 pions Plongeur (1 par couleur),
- 20 pions Air numérotés (4 exemplaires des valeurs 1, 2, 3, 4 et 5),
- 8 tuiles Compagnon (variante, voir page 9),
- 1 pion Plongeur noir pour le chef du village (variante, voir page 10),
- 48 cartes Chef du village (variante, voir page 10),
- 2 jetons Bulle (variante, voir page 10),
- 1 règle du jeu.
Comment on joue à Dive ?
La mise en place
Pour installer Dive, on mélange les cartes océan en en retournant certaines et on les place sur le support préalablement monté. Chaque joueur prend un plateau plongeur, 5 pions air, un paravent, un pion plongeur et le jeton coquillage de la même couleur. On positionne les pions plongeurs sur la bulle de départ du plateau descente qui sera placé à proximité des joueurs. La partie peut commencer
Le tour de jeu
Chaque manche se déroule en trois phases :
- Programmation : Tous les joueurs programment secrètement et simultanément leur plongée en attribuant un ou plusieurs pions air sur maximum 5 bulles présentes sur leur plateau plongeur. Chaque bulle représente une carte océan. Le principe de cette phase est de déterminer s’il y a un requin sur l’une de ses feuilles. Si tel est le cas, on place le pion air côté requin, sinon, on place le pion côté sans requin. Le numéro du pion sert à déterminer qui pourra utiliser une éventuelle tortue ou raie. Celui qui a mis le plus gros chiffre (ou la plus grosse somme de chiffres) profitera de l’animal. Notez que pour réussir une plongée, seuls la présence ou non de requins compte, les autres animaux sont soit cosmétiques (baleine, méduse) soit juste un bonus (tortues, raies). Il est interdit de toucher le plateau océan lors de cette phase mais on peut librement tourner autour.
- Plongée : Chaque joueur révèle sa programmation, puis on vérifie, cartes par cartes, la présence ou non de requins, de tortues et/ou de raies. S’il les joueurs ont raison, il avancent leur pion plongeur d’une case vers le bas. S’ils ont tort, leur plongée s’arrête immédiatement. Dans les cases plongées claires, on garde le bénéfice des niveaux précédents, dans les cases sombres, on perd tout le bénéfice de la plongée. En cas de présence de tortues ou de raies, le joueur ayant programmé le chiffre le plus élevé profite de l’animal qui le fera avancer de plus d’une case. Attention, programmer un jeton sans requin alors qu’il y en a un est évidemment une erreur, mais l’inverse est vrai également.
- Repos : Une fois que tous les joueurs sont sortis de leur plongée, on défausse les cartes de cette plongée, chaque joueur récupère les jetons air.
La fin de partie
La partie se termine dès qu’un plongeur atteint on dépasse la case 23, il gagne immédiatement. Si plusieurs joueurs ont franchit cette case, le joueur ayant été le plus loin gagne la partie.
Autres modes de jeu
On peut utiliser la lampe de sont téléphone si on se trouve dans une pièce peu ou mal éclairée. Une version simplifiée pour enfants dans laquelle on n’utilise pas les tortues et les raies est également présente.
Un mode « expert » utilisant des compagnons qui donnent un pouvoir unique supplémentaire existe, ce qui rend les parties plus stratégiques mais aussi un brin plus chaotique.
Enfin une variante solo avec un automa existe
Est-ce que c’est bien ?
Ce que j’ai ❤️
- Le jeu est beau
- C’est assez contemplatif
- C’est assez difficile finalement
- La courbe de progression quand on s’habitue à la mécanique
- C’est hyper original
- L’ambiance autour de la table à la révélation des cartes océan
- Les compagnons qui apportent un twist intéressant
Ce que j’ai 💔
- Il faut avoir une pièce bien éclairée si vous ne voulez pas utiliser la lampe de votre smartphone
- Les cartes océan qui ont tendance à se salir vite (traces de doigts, poussière)
- Le mélange des cartes pas facile
Design
J’adore le design de Dive ! Je trouve le jeu hyper beau, on ne se lasse pas de le regarder. Les couleurs en camaïeux de bleu, les tortues vertes et rouges qui ressortent bien dans cette mer, les dessins de décors avec notamment cette grosse baleine, cela donne un sentiment de zenitude très agréable.
Les cartes océans sont très bien designé, c’est à la fois assez difficile de distinguer le niveau de profondeur des animaux, mais c’est également étrangement évident. C’est assez difficile d’explique cela par écrit. Certaines cartes ont des trous ce qui peut induire les joueurs en erreur sur la profondeur réelle d’un requin, c’est assez bien vu. Les gros animaux comme la baleine peuvent aussi gêner la programmation, mais tout cela est voulu par les auteurs.
On reconnait bien les animaux, pas de soucis à ce niveau là, même s’il y a plusieurs espèces de requins, ils sont tous traités de la même façon. Les illustrations sont vraiment très belles.
Dans l’ensemble, Dive dégage une impression de beauté tout à fait remarquable, on adore !
Qualité du matériel
La version testée de Dive est un prototype, mais déjà, il était e très bonne facture, j’imagine que la version finale est encore meilleure. Aussi je ne m’étendrais pas sur cet aspect dans ce test. Notez tout de même que dans la version prototype, les cartes plastiques avaient tendance à se salir rapidement, aussi, l’utilisation d’un chiffon légèrement humide sur les cartes de temps en temps sera nécessaire.
Thème
J’aime beaucoup le thème de Dive ! On se retrouve bel et bien en train de plonger dans la mer en tentant d’éviter les requins et de s’agripper aux tortues et aux raies manta. Le fait qu’on soit en Polynésie lors d’un rite initiatique est très cool et original, nous avons beaucoup aimé ce thème. Il est difficile d’en trouver un autre, ce qui montre que ce thème est bien ancrée dans la mécanique.
Un rite de passage est un rite marquant le changement de statut social ou sexuel d’un individu, le plus généralement la puberté sociale mais aussi pour d’autres événements comme la naissance ou la ménopause. Le rituel se matérialise le plus souvent par une cérémonie ou des épreuves diverses. Tout espace peut devenir lieu de manifestation et d’organisation d’un rituel. Le rite est aussi la définition d’un temps différent qu’un temps ordinaire, un temps suspendu, où l’ordinaire se réorganise et se remet en place.
Le « rite de passage » se distingue du « rite initiatique » en cela qu’il marque une étape dans la vie d’un individu, tandis que le rite d’initiation marque l’incorporation d’un individu dans un groupe social ou religieux : le premier touche indistinctement tous les individus d’un même sexe tandis que le second les sélectionne.
Les rites de passage permettent de lier l’individu à un groupe mais aussi de structurer sa vie en étapes précises qui lui permettent d’avoir une perception apaisante de la condition mortelle de l’homme. Il s’agit de « fictions collectives qui ont pour but d’ordonner la nature ». En cela, ils participent à la symbolisation du monde pour le rendre plus familier, d’où leur caractère pacifiant et soulageant. Ce phénomène est donc un enjeu important pour l’individu, pour la relation entre l’individu et le groupe et pour la cohésion du groupe.
Au sein du rite se distingue une opposition entre affiliation lignagère et élective :
- l’affiliation lignagère est opposée de l’extérieur à l’individu, elle l’englobe et le contient. Il s’agit d’une affiliation où chaque individu a sa place, par exemple le cadre d’un groupe familial qui le transcende. L’identité sociale y est très affirmée et construite, ce qui implique des rapports de fidélité et de solidarité par des liens qui n’ont pas été choisis par l’individu.
- l’affiliation élective permet à l’individu de choisir de l’appartenance et de reconstruire le groupe auquel il appartient. Il peut s’agir de personnes que l’on considère appartenir à sa famille même si les liens créés ne sont pas de l’ordre du biologique. La dimension du choix des affinités y est donc plus forte.
Les rites de passage relancent l’action individuelle et sont parfois une manière de répondre à des moments de fragilité de l’existence. Ce sont des manières de donner sens à des moments de crise à travers des actions qui sont pensées avec les autres.
Dans les îles Salomon (Océanie), il y a un rituel d’initiation appelé Maraufu qui consiste à apprendre l’art traditionnel de la pêche à la bonite, poisson réputé sacré. À bord d’une pirogue, l’adolescent doit pagayer des heures pour atteindre la haute mer. Muni d’une simple canne et d’un leurre, il doit attraper un des poissons les plus rapides du monde : s’il revient avec le poisson sacré, il sera accueilli dans sa communauté comme un homme.
Mécanique
Qu’il est plaisant de jouer à Dive ! Et quelle surprise aussi ! Derrière une mécanique assez simple, se cache finalement pas mal de stratégie, et bien programmer ses plongées et évidemment la clef de la victoire.
Tant que vous êtes dans les eaux peu profondes, l’erreur est peu punitive : vous arrêtez votre plongée où vous en êtes et puis voilà (l’accumulation d’erreurs est par contre très préjudiciable, même en eaux peu profondes). Vous aurez alors tendance à programmer les 5 niveaux à chaque fois. Là où ça se corse, c’est en eaux profondes où la moindre erreur vous fait perdre le bénéfice de toute votre plongée.
Vous voyez donc que les choses se tendent significativement en fin de partie, car vous hésiterez souvent à programmer les 5 niveaux car se tromper à la 5ième cartes, vous fait tout perdre. Vous serez alors beaucoup plus prudent. C’est d’autant plus frustrant des fois, que plus le tas de cartes s’amincit, plus il est facile (ou trompeusement facile) de repérer les animaux.
Il faudra donc constamment surveiller l’avancement des adversaires, prendre des risques ou non en fonction. L’utilisation des tortues et des raies peut paraître anecdotique, mais il n’en est rien. Progresser d’un niveau ou deux c’est très utile. Rattraper le premier joueur avec la raie peut vous faire faire un sacré bond si vous êtes à la traine.
La révélation des cartes donne une super ambiance autour de la table, où certains vont exulter de joie, d’autres vont crier leur désespoir d’avoir pris trop de risques. Je trouve qu’il y a un petit aspect de stop ou encore dans Dive. Allez vous programmer loin au risque de vous tromper mais aussi d’avance vite ? Ou allez vus jouer la prudence mais avancer plus lentement ?
C’est ce dilemme omniprésent en fin de partie qui fait le sel de Dive. Si vous jouez avec les compagnons, ils apporteront une couche stratégique supplémentaire, mais aussi un peu de chaos. L’utilisation intelligente de ces compagnons peut vous apporter une victoire qui vous échappait avant.
On passe un super moment en jouant à Dive, les tours sont rapides et fluides, on joue tous ensemble, on discute sur ce qu’on voit, on bluff en disant aux autres la profondeur de tel ou tel animal, on donne le doute aux adversaires. Dive n’est pas un jeu d’ambiance mais elle s’invite inévitablement autour de la table pour notre plus grand bonheur.
Simplicité des règles
Les règles de Dive sont hyper simples, il s’adresse donc à un public familial. On peut même y jouer avec des enfants, à partir de 7 ans je dirais. Le livret est très bien fait et tout y est expliqué de manière claire et concise.
Mise en place / Rangement
Le jeu s’installe en un éclair et se range tout aussi vite. Le seul moment un peu long et un poil fastidieux, c’est le mélange des cartes, mais comme elles vont s’user, ce mélange se facilitera par la suite.
Quelle claque qu’est Dive ! Une claque ludique comme rarement on en a. Il est beau, il est original, il y a de la stratégie, les règles sont simples et accessibles. Bref tout y est pour que Dive devienne un des jeux qui va sortir le plus souvent à la maison. Il conviendra à toutes sortes de public. Ce jeu c’est du kif à l’état pur, foncez dessus, il doit intégrer votre ludothèque à tout prix !