[Independence Day] ProjetCarTylion, la 3ème Aube s’ouvre à nous

Dans la série Independence Day, qui se veut une présentation non exhaustive des éditeurs francophones, nous tenterons de nous infiltrer dans les arcanes de ProjetCartylion, jeune maison d’édition de jeux de société mais surtout un ensemble multiforme créateur et éditeur transmédia imprégné d’un univers médiéval dark fantasy derrière le projet « 3ème Aube » qui a influencé les jeux Conseil de Guerre et Infiltrés. Florian, un des fondateurs du projet va nous guider dans ce monde où la pression apocalyptique est omniprésente et où le fatalisme nous transporte, impuissant, à affronter certaines forces du mal. Rassurez-vous, rien de si pessimiste là-dedans et surtout tout y est prétexte au jeu et à la mise en scène.

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Tentons de percer à jour Projet CarTylion ! Florian, peux-tu nous parler de la genèse de cette maison d’édition récente ? Pourquoi ce nom Projet CarTylion et quelles sont les raisons, motivations ou opportunités de création de cette maison d’édition indépendante ?

La genèse du Projet CarTylion, c’est tout simplement mon adolescence et ma vie d’étudiant, car le Projet CarTylion était mon hobby depuis plus de 7 ans avant la création de l’entreprise : avec quelques amis, nous travaillions sur un univers d’ambiance médiévale fantastique en écrivant des histoires, faisant des illustrations, … Et puis un jour, suite à quelques rencontres motivées par le projet, on s’est dit qu’on allait réellement le créer ! Pour expliquer le nom « Projet CarTylion », je vais partir du deuxième mot « CarTylion », qui est le nom de la planète sur laquelle se passent les histoires que l’on raconte, « CarTylion » signifiant « 3ème Aube » dans l’une des langues fictives de cet univers. C’est donc le nom sous lequel on souhaite présenter notre univers. Et en réfléchissant à la création d’entreprise, on a souhaité garder le mot « projet » que j’utilisais habituellement pour désigner ce hobby, et qui nous a paru adapté pour représenter l’aventure dans laquelle on s’embarquait et différencier l’entreprise de l’œuvre !

Par rapport à ton parcours personnel pourquoi avoir choisi de travailler précisément dans l’édition de jeux de société ? Il n’y a d’ailleurs pas que le jeu de société dans Projet CarTylion, l’événementiel notamment. Peux-tu nous en toucher quelques mots ?
Le personnage de Florian

Je lis beaucoup, je suis passionné par les jeux depuis gamin et suis tombé très vite dans le jeu de rôle et l’événementiel médiéval et fantastique, donc depuis le début, je souhaitais développer le Projet CarTylion en transmédia : jeux de société, jeux vidéo, mais aussi romans, jeu de rôles, … La partie jeux de société est la première que nous avons développée, avec la sortie de Conseil de Guerre, notre premier jeu. Pourquoi ? Parce que cela s’est trouvé comme ça ! En fait, nous faisions beaucoup d’événementiel (sur des fêtes médiévales principalement) en 2018-2019 pour faire connaître notre projet et notre univers, et c’est à ce moment que nous avons commencé à présenter Conseil de Guerre, et le public a adoré ! Donc nous avons édité Conseil de Guerre aussitôt ! L’avantage d’un jeu de société c’est que ça ne requiert pas trop de personnes pour le créer, il est plus facile de débuter avec ça qu’avec un jeu vidéo par exemple.

Projet CarTylion, c’est une équipe ; peux-tu nous la présenter ? Y a -t-il un lieu de travail dédié ?

L’équipe est composée de plusieurs personnes : moi-même Florian, mais aussi Fleur qui s’occupe de tout ce qui est administratif et communication, Quentin qui est game artist et a illustré nos premiers jeux de société, Pierre-Yves qui travaille sur l’univers, Robin qui est notre animateur sur les événements, Mathieu, notre développeur jeux vidéo, et puis d’autres personnes qui ont des rôles plus ponctuels et qui nous aident à développer le Projet.
Nous sommes organisés en coopérative d’associés, c’est-à-dire que chaque personne est indépendante et s’engage pour porter le projet avec nous, en utilisant son temps, son expertise, mais aussi un certain investissement financier dans l’objectif de développer le Projet CarTylion.
Le lieu de travail dédié, où nous nous retrouvions très souvent avant la crise sanitaire, est à Aubervilliers (à côté de Paris), et on profite de la crise sanitaire pour y faire des travaux actuellement.

Voici quelques photos du temps où nous pouvions travailler ensemble : tests de jeux et petits déjeuners, c’est difficile la vie du Projet CarTylion !

Quelle est la démarche d’édition choisie par Projet CarTylion et ton point de vue au sujet des démarches non choisies ?

Pour nous, l’édition passe par le financement participatif qui est tout simplement un moyen d’aider à financer l’impression de nos jeux, ce sont des préventes et cela nous permet aussi de calibrer nos impressions en fonction du nombre de personnes intéressées. La coédition ne s’est jamais trouvée, on ne nous a pas proposé, ce n’est pas quelque chose que nous avons particulièrement cherché non plus mais nous sommes assez ouverts sur ce point. Le Print’n’play pourquoi pas, mais nous proposons déjà pas mal de contenu gratuit sur notre site web donc c’est vrai que pour l’instant on se concentre sur ce contenu gratuit. Pour l’instant nous n’avons pas particulièrement créé de jeu qui soit spécialement adapté à ce support, mais cela pourrait se faire par la suite.

Quels sont les choix de fabrication, les impératifs, les impondérables et les contraintes de fabrication à respecter ? Et grande question du moment qui fait débat au sein des éditeurs, comment Projet CarTylion s’intègre-t-il à la démarche d’écoresponsabilité ?

Étant engagé dans l’écologie depuis de nombreuses années, ayant participé à des actions de sensibilisation au sein de l’association Espace Terre, je ne me voyais pas faire fabriquer nos jeux de société en Chine… j’ai donc recherché un imprimeur en France, mais pour notre premier jeu de société cela s’est avéré compliqué de parvenir à une fabrication 100% française, nous avons donc trouvé une boîte française qui imprimait en Europe, pour rester le plus fidèle à nos valeurs. Le jeu étant imprimé en Allemagne, on limite les transports. Pour notre deuxième jeu, nous avons trouvé un imprimeur qui imprime tout en France ! Ce ne sont pas les choix les plus pertinents économiquement, mais il nous semble très important de respecter nos valeurs, et l’écoresponsabilité en fait partie.
D’ailleurs nous ne sélectionnons que des produits d’impression issus de forêts durablement gérées.
Côté événementiel, pour la création des animations, décors et accessoires, nous fonctionnons avec la Réserve des Arts et diverses autres chaîne de revalorisation, ce qui nous permet de faire nos créations presque exclusivement à partir de matériaux à qui nous donnons une deuxième vie.
Pour moi, il n’y a pas de débat, chaque éditeur fait selon sa sensibilité et chaque client fait ses choix d’achat. L’important c’est la transparence par rapport au client, pour qu’il puisse faire son choix en connaissance de cause.

Car je crois que c’est important pour Projet CarTylion, quelle est la ligne éditoriale choisie par Projet CarTylion ? Comment se font les choix des jeux à éditer ? L’illustration de cet univers ?

Le choix des jeux à éditer se fait en fonction de notre gamme existante car j’essaye d’avoir une gamme assez large pour débuter et pouvoir toucher des publics différents avec notre univers. Nous priorisons sur les jeux pouvant s’inscrire et développer l’univers de 3ème Aube, bien que ça puisse arriver qu’on regarde quelques autres jeux, nous ne sommes pas complètement fermés sur ce point. Nous testons les jeux avec toute l’équipe et faisons des tests auprès du public pour se faire pleinement un avis avant de se décider pour l’édition. Côté illustration, nous travaillons habituellement avec Quentin car il est associé de l’entreprise, il connaît notre univers. Après, nous travaillons souvent avec diverses freelances et nous sommes ouverts à de nouvelles collaborations pour certains projets, de plus nous sommes ouverts à ce que de nouvelles personnes viennent s’associer avec nous si notre univers les intéresse et qu’ils ont envie de le développer.

Comment un auteur de jeu s’y prend-il pour taper dans l’œil à Projet CarTylion ?

Je suis le premier auteur de jeux pour le Projet CarTylion, car je suis auteur et game designer de nos deux premiers jeux Conseil de Guerre et Infiltrés. Mais nous avons déjà signé avec deux autres auteurs : Alexandre Bouadroune pour un jeu de prise de pièces et Yves Charamel-Lenain pour son jeu Sagascade (qui a déjà été testé sous le nom de Rûnes).
Ainsi, si vous êtes un auteur de jeu et que vous voulez être édité par le Projet CarTylion, c’est assez simple, il suffit de se rencontrer, que le courant passe bien, que l’univers de 3ème Aube vous intéresse, que votre jeu nous intéresse et on est déjà bien engagés ! Pour les illustrateurs, nous cherchons principalement un style réaliste/semi-réaliste donc c’est évidemment un critère. Et je dirais que le critère principal est de se retrouver dans notre projet, de croire en la même vision.

Comment l’éditeur s’intègre-t-il globalement dans la conception des jeux qu’il édite ? À quelle étape joue-t-il le rôle le plus essentiel ?

L’éditeur a un rôle crucial : peaufiner le jeu pour le dévoiler sous son meilleur jour au public. Ça peut passer par plein d’étapes : playtests, finalisation du game design, ajout du storytelling, illustration, …
Mon rôle est d’abord d’intégrer le jeu à l’univers de 3ème Aube, je suis ce qu’on pourrait appeler Directeur de la Licence, mais aussi de peaufiner le game design du jeu avec l’auteur.

Combien de temps prend ou peut prendre en moyenne l’édition d’un jeu ?

C’est assez variable, pour notre premier jeu, il s’est passé à peine un an entre l’idée et la sortie du jeu, pour d’autres ça peut être un peu plus long, nous avons par exemple un jeu qui est signé depuis 2019 mais qui ne devait sortir que fin 2021 (et c’était la planification avant covid !).

Parlons un peu des jeux édités par Projet CarTylion

Conseil de Guerre : Chapitre 1 a été le premier projet. Quelles évolutions a connu ce jeu de cartes tactique et stratégique pour en arriver au produit final ? A qui s’adresse-t-il et peut-on en savoir plus sur l’univers graphique et la mécanique de jeu ? En comment a-t-il été accueilli ?

Le produit final de Conseil de Guerre est à la fois très proche de ce que j’avais imaginé et très loin des premiers prototypes réalisés. L’évolution a été très rapide pour Conseil de Guerre, notamment grâce aux playtests qui ont été très faciles à organiser grâce à des associations ludiques parisiennes très sympathiques ! Il y avait un gros travail d’équilibrage des cartes car c’est un jeu stratégique avec 88 cartes uniques. De plus, nous avons profité des playtests pour faire évoluer le graphisme en fonction des retours des joueurs pour arriver à la forme finale des cartes ! La mécanique du jeu n’a pas changé au long de l’évolution du jeu, mais par contre de nouvelles idées nous sont venues pour des extensions ou prochains jeux de la série Conseil de Guerre. Enfin, pour répondre à la question du public du jeu, comme nous avons pu le voir lors des playtests, ce jeu s’adapte à un public familial et peu initié aux jeux de société, car il est très facile à prendre en main (pour les enfants – il faut savoir lire sans problème), cependant il dévoile tout son potentiel stratégique quand il est joué par des joueurs habitués des jeux de stratégie, comme le prouve sa sélection dans la catégorie Experts au Prix Octogônes en 2019 !

La page du jeu sur le site ProjetCarTylion :

Parlons du jeu les Infiltrés, le 2ème projet mené à bien dont la sortie a été repoussée. Peut-on en savoir un peu plus sur ses péripéties de créations ? Présente nous l’univers graphique choisi et les multiples mécaniques de jeux qui en font son intérêt ludique.

Infiltrés devait sortir en mars 2020, et qui dit mars 2020 dit « confinement » donc galères d’autant plus que nous étions en train de finaliser les contrats d’impression et de distribution pour une sortie prévue en avril. Avec le confinement en mars 2020, tout cela a été stoppé net. L’année 2020 ayant été ce qu’elle a été, il était très difficile pour nous de se projeter dans l’impression du jeu et son lancement. Nous avons finalement trouvé le bon imprimeur en France en ce début 2021, et nous en sommes à la finalisation des planches d’impression pour une impression en ce moment.
Pour parler plus en détails du jeu en lui-même : c’est un jeu d’ambiance qui se joue jusqu’à 12 joueurs, et propose 5 modes de jeu différents. Les modes de jeu sont reliés par une thématique commune : le bluff.

La page du jeu sur le site ProjetCarTylion :

Peux-tu nous présenter Sagascade, un projet à moyen terme, ralenti par le Covid et qui murit tout doucement.

Sagascade est un jeu créé par Yves Charamel-Lenain, que vous connaissez peut-être par son jeu Above (Undécent a apprécié et en a fait une chronique). C’est un jeu de réflexion, un savoureux mélange entre les échecs et le Puissance 4, qui se joue de 2 à 4. Nous espérons pouvoir le sortir en fin d’année 2021 mais avec la crise sanitaire il est probable que la sortie du jeu soit décalée.

Le prototype Rûnes qui maintenant s’appelle Sagascade
Comment Projet CarTylion se fait-il le mieux connaître ? Comment se fait la distribution des jeux Projet CarTylion?

L’événementiel, que ce soit ludique, geek ou médiéval, a bien marché pour nous depuis le début de l’entreprise. Nous avons donc bien investi sur cette piste de communication.
Pour le moment, il n’y a aucune piste que nous avons abandonnées, nous essayons de saisir toutes les opportunités qui se présentent !

La distribution se fait sur les évènements ludiques, sur notre boutique en ligne https://www.projetcartylion.fr/boutique/, mais aussi dans un certain nombre de boutiques ludiques à travers la France. Nous ne travaillons pas (ou plutôt pas encore) avec un distributeur, mais nous étudions cette option.

Plus de festivals en ce moment. Comment arrive-t-on à compenser cela ?

Hé bien on ne compense pas. C’est un gros coup au moral ce manque d’événements, et nous avons perdu beaucoup de notre travail de présentation au public. Cependant 2020 nous a permis de mettre un coup de boost sur les contenus de notre site internet et de nouvelles personnes nous découvrent grâce à celui-ci.
On est en train de développer une version en ligne du jeu de société Conseil de Guerre afin qu’il puisse être facile d’y jouer dans des conditions comme celles actuelles mais nous n’avons qu’un seul développeur dans l’équipe et cela prend beaucoup de temps.

D’une manière générale, depuis ses débuts, quelles ont été les principales difficultés rencontrées pour Projet CarTylion ?

Hormis la covid, les principales difficultés ont été de se faire connaître par le public, comme vous le savez, le marché ludique est très dense et il fallait s’y faire une place ! Nous avons aussi eu des difficultés avec le turn-over au sein de l’équipe, lancer une entreprise ce n’est pas une aventure que tout le monde est prêt à vivre !

Comment vois-tu l’évolution du marché de l’édition du jeu ?

Déjà, suite à la crise sanitaire, j’ai bon espoir que les éditeurs se tournent beaucoup plus vers des solutions d’impression en Europe, ce qui ne serait pas plus mal économiquement pour l’Europe et écologiquement.
C’est un marché difficile, ou les petits ont très peu de résilience et peuvent rapidement disparaître, il faut y prendre garde, mais je pense que c’est aussi un marché en plein essor, le jeu de société intéresse et le public cherche toutes sortes de pépites pouvant le surprendre.

Pour conclure, qu’est-ce qui selon toi fait l’originalité d’un éditeur comme Projet CarTylion ?

L’originalité du Projet CarTylion c’est évidemment son univers d’ambiance médiévale dark fantasy ! Mais aussi son côté transmédia qui ouvre de nouvelles perspectives au jeu de société.

Propos recueillis par Laurent.

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