[Independence Day] Repos Production, pas de sieste à l’ombre du sombréro

Dans la série Independence Day qui se veut une présentation des éditeurs de jeux francophones, nous recevons Nicolas Pastor, chargé du marketing et de la communication chez Repos Production ainsi que Tanguy Gréban qui vont nous parler de la genèse, de la démarche éditoriale et des dernières sorties de cette maison d’édition belge à qui l’on doit, entre autres, les jeux Time’s Up, Ghost Stories, Last Bastion, Seven Wonders, Seven Wonders Duel, Concept ou Just One. Et cette fin d’année, bien que particulière pour tout le monde, se veut festive de la sortie du Hit revisité Seven Wonders pour son 10ème anniversaire et de l’extension Agora pour Seven Wonders Duel.

Nicolas et Tanguy, quand est-ce que débarque cette maison d’édition de jeux belge et peux-tu nous présenter ses fondateurs ?

Repos Production a été créé en 2004. Les deux fondateurs sont Cédrick Caumont et Thomas Provoost, deux passionnés de jeux de société.

Lors d’un voyage aux États-Unis, ils découvrent Time’s Up! et en tombent amoureux ! Ils obtiennent la licence du jeu pour l’Europe et créent Repos Production.

Présentez-nous la team des Belges à Sombrero (vous avez compris, une allusion au logo de Repos Production).

L’équipe est composée de 20 personnes travaillant dans différents domaines. On retrouve l’équipe éditoriale, en charge du développement et de l’édition des jeux, l’équipe de production, en charge des traductions, de la coordination de la fabrication et du transport des jeux, et l’équipe marketing, en charge de la promotion des jeux. À côté, nous avons aussi un pôle finance, un gestionnaire administratif et un gestionnaire informatique.

Où travaille cette équipe ?

Nous sommes presque tous installés à Bruxelles, près du centre-ville, juste à côté du musée de la BD 🙂 . L’un de nos collaborateurs vit et travaille au Canada, à côté de Montréal. C’est le seul à ne pas être directement dans nos locaux bruxellois.

Nicolas, par rapport à ton parcours personnel, pourquoi avoir choisi de travailler dans l’édition de jeux de société ?

Je suis arrivé dans le monde du jeu de société un peu par hasard. Je devais réaliser un stage de fin d’étude afin de valider mon diplôme. Au début, je voulais m’orienter vers le domaine du sport mais, après mûre réflexion, c’est le jeu de société qui l’a emporté ! J’ai donc décidé de postuler chez Repos Production en envoyant une candidature spontanée (il n’y avait aucune offre), une entreprise dont je n’avais pas entendu parler mais dont je connaissais une bonne partie des jeux. C’est ainsi que j’ai atterri dans ce monde fabuleux. ?

Car tout a un début… Peux-tu me parler de la genèse de Repos Prod ? Mais plutôt les motivations ou les opportunités de création d’un éditeur comme Repos Production ?

La passion ! Cédrick et Thomas sont tous les deux de grands passionnés de jeux de société. Après avoir découvert Time’s Up!, ils voulaient l’adapter en français, la version américaine étant culturellement trop différente pour les francophones. Créer une maison d’édition a donc été une évidence pour eux. Il fallait qu’ils se lancent dans l’aventure ! Mais le jeu a connu de très nombreux changements et de grandes évolutions en 16 années d’existence.

Comment le nom de « Repos Production » a-t-il été choisi ?

Cédrick et Thomas jouaient dans un club de jeux intitulé « Le Repos du guerrier » : Repos vient de là. Mais, comme un jeu est aussi un processus assez technique et rigoureux, ils ont ajouté « Production » en clin d’œil, pour créer un décalage amusant.

Quelles sont – ou ont été – les principales difficultés rencontrées par Repos Production ?

En 16 ans, Repos Production est passé du statut de mini société, où deux amis travaillent chez eux, à celui d’un studio de 20 personnes intégré dans le groupe majeur qu’est Asmodee. Et tout ça dans un marché qui a explosé en 16 ans lui aussi. L’évolution est donc continuelle, ce qui demande de s’adapter très régulièrement à tous points de vue. Il n’y a donc pas de grosse difficulté mais des petits défis constants et nouveaux.

Quelle est la démarche d’édition choisie par Repos Production ? Quelles sont les options choisies, abandonnées ou jamais envisagées ? Le financement participatif ? La coédition ? L’édition classique ? Le PNP ?

Principalement l’édition classique mais aussi, de plus en plus, des versions numériques. Et, depuis le confinement, le Print and Play, mais uniquement à titre promotionnel et gratuit. Nous avons déjà réfléchi aux autres formes d’édition, notamment le financement participatif, mais comme nous nous investissons à 100 % dans des projets auxquels nous croyons, faire des « faux » financements participatifs pour tester le marché ou avoir un peu plus de pub ne nous semble pas très honnête.

Quels sont les choix de fabrication, les impératifs, les impondérables, les contraintes de fabrication à respecter ? Comment Repos Prod s’intègre-t-il à la démarche d’écoresponsabilité ?

Nous nous efforçons de produire nos jeux en Europe, et avec des matériaux respectant le plus possible l’environnement. Par exemple, la nouvelle édition de 7 Wonders est fabriquée en Europe, le papier est labellisé FSC (forêts gérées de manière durable) et le thermoformage est en plastique recyclé.

Ce n’est pas toujours possible de produire en Europe puisque toutes les usines ne fabriquent pas les mêmes produits et puisque certains éléments ne peuvent être produits qu’en Chine, mais c’est un combat quotidien que nous essayons de mener. Pour un éditeur, le « meilleur prix » n’est vraiment pas une priorité ; les points capitaux sont : le délai de réimpression et de livraison, l’homogénéité des différents tirages, le respect des normes de qualité et de sécurité, etc. 

Quelle est la meilleure manière pour Repos Production de se faire connaître ?

Nous privilégions le contact et la relation humaine. Nous essayons de rencontrer le plus possible de journalistes spécialisés dans le jeu de société et le plus possible de joueurs. Nos jeux sont créés par des joueurs et pour des joueurs, nous voulons donc les rencontrer et les divertir ! Il n’y a qu’à venir nous voir lors des salons pour comprendre qu’on aime faire du bruit et des animations complètement absurdes ? C’est notre côté « belge à sombreros » !

Y a-t-il des moyens de communication à privilégier ? Certaines pistes sont-elles abandonnées et de nouvelles envisagées ?

Côté communication, nous nous tournons de plus en plus vers le numérique et les influenceurs, qui peuvent être un excellent moyen de communication auprès du grand public. Nous avons une community manageuse qui fait un travail incroyable sur nos réseaux sociaux et qui se démène pour créer chaque jour du nouveau contenu. Au sujet des influenceurs, nous essayons de rentrer en contact avec eux et de créer des partenariats, mais cela reste compliqué. Il s’agit de leur métier et pas toujours d’une passion. Le coût est de ce fait parfois très élevé.

Depuis janvier, Repos Production a été racheté par Asmodee. Qu’est-ce que cela a changé sur le plan de l’édition et de la distribution ?

Absolument rien. Nous sommes toujours maîtres des jeux que nous souhaitons éditer. Bien sûr, Asmodee s’occupe toujours de la distribution de nos jeux. Notre collaboration a commencé dès la naissance de Repos Production et, pour nous, c’est vraiment une évolution logique. Faire partie intégrante d’Asmodee nous a ouvert beaucoup de portes, en particulier au sujet de la promotion de nos jeux et des partenariats avec les différentes entités du groupe.

Mais, en fait, quelle est la ligne éditoriale choisie par Repos Production ? Comment se font les choix des jeux, des auteurs et des illustrateurs ?

Notre ligne éditoriale est de ne pas avoir de ligne éditoriale… Nous n’éditons que des jeux que nous aimons et que nous trouvons novateurs du point de vue de leur mécanique ou de leur matériel. Nous préférons sortir peu de jeux plutôt que de sortir des jeux à échéances fixes. Nous prenons le temps nécessaire pour les éditer et, si cela doit se compter en années, cela ne nous effraie pas. Le choix se fait en fonction de nos envies de joueurs, mais en restant dans un cadre familial (8 ans) ou « familial + » (10 ans) et en privilégiant les jeux d’ambiance.

Quelle relation Repos Prod a-t-il avec ses auteurs et illustrateurs ? Je pense notamment à Antoine Bauza, l’auteur de Ghost Stories, 7 Wonders, 7 Wonders Duel ou Last Bastion…
… ou à Ludovic Maublanc, l’auteur de Cash n’Guns, Cyrano ou Le Donjon de Naheulbeuk ?

J’espère que les auteurs apprécient autant que nous ces collaborations, mais c’est plutôt à eux qu’il faudrait le demander ?. Chaque relation est unique, les auteurs ne veulent pas tous s’investir de la même manière dans le développement et l’édition de leur création. Mais aucun jeu n’est imprimé tant que l’auteur n’a pas donné son accord sur la totalité des éléments du jeu.

Comment l’éditeur s’intègre-t-il dans la conception des jeux qu’il édite ? À quelle étape joue-t-il un rôle essentiel ?

Dès que le jeu est choisi et que le contrat est signé, notre travail débute. Nous commençons par de nombreuses phases de tests pour comprendre et connaître le jeu aussi bien que l’auteur et identifier avec lui les points forts et les points faibles. Ensuite, vient le processus de développement avec l’auteur. Nous lui donnons nos retours et nos ressentis sur les différentes évolutions. Nous essayons de toujours faire évoluer le jeu par petites touches pour ne pas nous perdre en chemin. Ce travail d’allers-retours mécaniques évolue jusqu’à ce que tout le monde soit satisfait du jeu. Commence alors le travail d’édition où nous faisons des choix (illustrations, règles, format de boîte et des éléments du jeu, icones, matériaux, choix des usines, etc.) que nous présentons à l’auteur. C’est le moment où nous nous approprions vraiment le jeu et où l’auteur voit son « bébé » grandir et prendre vie plus loin de lui.

Nicolas, quel est ton propre rôle dans ce processus ?

Je suis chargé des relations presse et de certains projets marketing. Je m’occupe donc de promouvoir les jeux existants et les sorties à venir. Mon rôle est de communiquer sur nos jeux afin de les faire connaître au plus grand nombre.

Combien de temps prend en moyenne l’édition d’un jeu ?

Une excellente question ! C’est très variable. Chez Repos Production, l’édition d’un jeu prend entre un et quatre ans avec une moyenne de deux à trois ans. Tout dépend du jeu, des idées que l’on a, des idées que l’auteur a, des retours lors des tests, de la complexité mécanique et technique, etc.

Parlons des jeux édités par Repos Prod.

Que de chemin parcouru depuis le début ! De Time’s Up! à Just One en passant par, entre autres, 7 Wonders… Quels sont les jeux qui, pour toi, ont marqué Repos Production et forcément le monde du jeu de société ?

Il y a tout d’abord eu Time’s Up!. L’entreprise s’est lancée grâce à ce jeu qui reste aujourd’hui l’un des piliers de notre gamme. Il y a ensuite eu Ghost Stories, qui est considéré comme l’un des jeux coopératifs les plus durs mais aussi comme l’un des plus grisants en cas de victoire ! En 2010, arrive 7 Wonders, le jeu de société le plus primé au monde. Ce jeu a permis à Repos Production de se faire un nom dans l’édition du jeu de société.

On peut aussi parler de son petit frère, 7 Wonders Duel, qui contribue à la renommée de la gamme 7 Wonders tout en offrant une expérience vraiment différente. Il y a aussi Concept, un jeu très particulier, qui illustre la diversité des jeux édités par Repos Production.

Et, enfin, il y a Just One, qui a permis à l’entreprise de remporter le très célèbre Spiel des Jahres !

Quel est le jeu qui est un peu une déception du point de vue de ses ventes malgré le potentiel qu’il peut avoir ?

Je dirais When I Dream qui a un fort potentiel et qui est très apprécié lorsqu’il est testé. Malheureusement, les ventes sont en deçà de nos espérances.

En quoi les prestigieuses récompenses reçues pour plusieurs des jeux Repos Prod ont-elles permis à Repos Production d’être finalement plus libre de ses choix ? Ou, au contraire, Repos Production s’est-il senti obligé de répondre à un marché ciblé ?

Nous ne faisons pas de jeux pour obtenir des récompenses. Une récompense est une distinction qui fait toujours très plaisir et qui rend hommage au long travail mené par l’auteur et l’équipe. Mais ce sont les ventes sur plusieurs années qui montrent si un jeu a vraiment plu et continue à plaire. Nous pensons qu’un succès ne se « calcule » pas, sinon il n’y aurait que des succès. Il est indispensable que le jeu nous plaise et qu’après des centaines de tests nous soyons toujours heureux d’en faire une partie tout en continuant à tester le jeu avec des joueurs qui le découvrent afin que le plaisir ne soit pas réservé aux « experts ».

Pouvez-vous nous présenter les sorties prévues pour la fin de l’année ? Comment ces projets ont-ils pu se concrétiser ?

Notre fin d’année promet d’être merveilleuse ! Nous avons beaucoup de nouveautés dans l’univers de 7 Wonders :
. La nouvelle édition de 7 Wonders ainsi que de ces extensions : 7 Wonders Leaders, 7 Wonders Cities et 7 Wonders Armada (avec une chronique très prochainement sur Undecent.fr)


. Nous avons aussi une nouvelle extension pour 7 Wonders Duel qui s’appelle Agora (voir le test sur Undecent.fr) et qui introduit les sénateurs ainsi qu’une nouvelle victoire grâce à la suprématie politique dans le sénat et un tout nouveau plateau de jeu !

Tous ces projets ont évidemment vu le jour grâce à Antoine Bauza et Bruno Cathala. Nous travaillons main dans la main avec ces deux auteurs afin de proposer au public les jeux les plus aboutis et les plus réussis possible !

Quels sont les projets prévus à plus long terme – au-delà de 2020 ou 2021 ?

Ça, c’est top secret pour le moment ! Mais je peux déjà vous dire qu’il y aura un jeu d’ambiance coopératif et qu’il ne va pas vous laisser indifférent ?

Comment un auteur ou un illustrateur de jeu fait-il pour taper dans l’œil de Repos Production ?

On nous propose énormément de jeux et nous avons près d’une quinzaine de projets en développement, donc ce n’est pas facile… Le mieux est de nous envoyer une vidéo de 1 à 2 minutes présentant les grandes lignes du jeu et montrant en quoi il est novateur par rapport à tout ce qui existe sur le marché. Si ce résumé nous intéresse, nous demandons les règles complètes et vient ensuite un prototype à tester. Si le jeu nous plaît toujours, on prend rendez-vous pour en discuter et voir si on s’accorde sur la direction que peut prendre le jeu fini.

Quel impact a – ou a eu – la crise liée à la Covid-19 sur un éditeur comme Repos Production ?

C’est clairement un bouleversement à tous les niveaux, mais surtout en ce qui concerne la promotion de nos jeux. Le contact réel n’étant plus possible, nous devons entièrement repenser notre manière de travailler.

Enfin, pour conclure, qu’est-ce qui selon vous fait l’originalité d’un éditeur comme Repos Production ?

Sa capacité à prendre son temps. Repos Production a pour principe de ne sortir un jeu qu’une fois que ce dernier est prêt. Nous prenons le temps de développer nos jeux afin de les rendre uniques et de proposer une expérience ludique qui, nous l’espérons, fera voyager les joueurs en les immergeant dans l’univers créé avec les auteurs de nos jeux.

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