[Independence Day] Aurora Games, l’éditeur qui mène l’enquête
Dans la série « Independence Day » qui se veut une présentation plus ou moins exhaustive des éditeurs francophones, nous avons le plaisir de recevoir Alexis Anne, fondateur de la maison d’édition de jeux Aurora Games. Il vient nous parler de la genèse, de l’évolution et des projets de cette jeune maison d’édition à qui l’on doit notamment Topiary, Phone Bomb, Crime Hotel ou actuellement la série des Crime Zoom. Partons dans ses traces pour recueillir ce qui fait l’ADN d’Aurora Games.
Car tout a un début, peux-tu nous parler de la genèse d’Aurora ?
L’envie d’éditer traverse les idées de tout joueur passionné. Mais pour qu’elle puisse se concrétiser, il aura fallu dans mon cas deux choses : les rencontres et l’opportunité.
Les rencontres, ce sont par exemple Yann Bartelheimer à l’époque chez Matagot qui avait besoin de prototypes. J’ai réalisé le prototype d’Aquasphère dont j’ai aussi traduit les règles. Et de fils en aiguilles, j’ai créé iLoveCrafts, un service de réalisation de prototype pour les éditeurs.
L’opportunité, c’est un plan de départ. En gros, un chèque pour quitter mon poste. Et un second chèque si je partais pour créer une société. Un congé de reclassement de 18 mois. Puis 24 mois de chômage. Bref, la sécurité financière pendant un peu plus de 3 ans.
Les rencontres, c’est aussi Emmanuel Beltrando qui m’expliquera la situation dans laquelle il avait lancé Moonster Games. Une situation assez similaire et même moins confortable que la mienne. Et le conseil d’essayer, au risque de simplement rater …
Et puis une fois la décision prise, je sautais sur chaque occasion pour demander à tel éditeur ses conseils pour échouer. Je crois que mon accroche était « s’il n’y a pas de recette pour le succès, il y en a beaucoup pour échouer. Alors quel serait pour vous la recette de l’échec ? ».
Tu as un pied dans le monde du jeu depuis quelques années avant la fondation d’Aurora (la fédération de petits événements, la participation au podcast Proxi-jeux, la fabrication de protos pour des éditeurs), par rapport à ton parcours personnel pourquoi avoir choisi de travailler précisément dans l’édition de jeux de société ?
Avec la réalisation de prototypes pour les éditeurs, j’avais déjà un pied dans le monde ludique. Mais on peut parler des twitapéros. Une autre sacrée expérience. Fun fact. Au premier twitapéro, il y a eu 30 participants. Au plus, j’en avais déjà rencontré 5. Les autres, j’avais au mieux échangé vaguement sur twitter avec eux. Et Emmanuel Beltrando était venu nous faire jouer à Koryo si j’ai bon souvenir.
Pourquoi ce secteur ? L’opportunité. On a tous des rêves. Aller vivre ailleurs. Vivre de sa passion. Mais rarement on a le sentiment de sécurité pour se lancer à le faire. J’ai eu la chance de recevoir cette sécurité sur un plateau. Je suis un grand pragmatique. Quand on me présente un projet, j’ai une liste de questions, de choses qui pourraient ne pas aller. La sécurité, c’était important pour moi. Je suis plutôt frileux. Enfin, je l’étais.
Et ma formation restait un atout. Avant, je travaillais dans le reporting d’entreprise. Faire de jolis rapports de performances pour piloter une entreprise. Du coup, calculer la rentabilité d’un projet selon des hypothèses de vente, ça me parlait. Et quand on lance son entreprise, c’est assez utile.
Aurora, c’est un seul homme derrière cette maison d’édition ou peut-on citer d’autres personnes ? Y a -t-il un lieu de travail dédié ?
- Je travaille tout seul, chez moi. J’avais un bureau dédié avec mon ordinateur, mon principal outil de travail. Mais récemment, ma compagne a emménagé avec moi. Et du coup, il fallait une chambre de plus pour les enfants. Du coup, fini la pièce dédiée. J’ai une petite table dans le fond du salon. C’est en projet de s’organiser pour mieux. Après, travailler de chez moi, c’était vraiment important pour moi. 2h de métro par jour, j’en ai fini, c’est l’horreur. Après, peut être que je louerai un petit bureau près de chez moi s’il le faut. Mais 90% de mon travail consiste à échanger des mails et/ou des appels téléphoniques. En vrai, ma petite table (que j’ai faite moi-même d’ailleurs) me suffit. 😊
- Maintenant, est-ce que je travaille vraiment seul ? Oui et non. Officiellement, je ne suis même pas salarié. Aurora engage 0 personnes. Mais je travaille énormément avec Stéphane Anquetil, l’auteur de la gamme Crime Zoom. Sur le premier, il a fait beaucoup plus qu’un travail d’auteur. Il a en grande partie édité le jeu. Pour les 3 suivants, il a aussi dirigé les illustrateurs, là encore, plus qu’un travail habituel d’auteur. Et puis on a d’autres projets de déclinaisons. Il est aussi directeur de collection. On vient justement de recevoir un scénario. Donc on s’appelle au moins une fois par semaine tout au long de l’année et plusieurs fois par jour pendant les bouclages.
- Autre personne avec qui je travaille beaucoup, mon graphiste Christopher Matt. Il y a des gens avec qui on aime travailler, avec qui tout se passe bien. C’est chouette de voir des idées proposées dès qu’on laisse le champ libre. Crime Zoom ne serait pas ce qu’il est sans Christopher.
- Et dans les réguliers, il y a aussi l’équipe Kudos qui participe aux relectures des règles de nos jeux. Pour Crime Zoom, on a même poussé le curseur en en retravaillant les règles.
- Et mon comptable aussi. Le comptable ludique en chef, Laurent Busson. On n’échange pas tous les jours mais c’est important un comptable.
Quelle est la démarche d’édition choisie par Aurora : le financement participatif, la coédition, l’édition classique, la localisation, le PNP (dont tu es un fervent utilisateur) ?
- Le participatif demande un effort important sur la communication. Et ce n’est pas le domaine de compétence dans lequel j’ai mis le plus de point. Du coup, j’y ai déjà pensé. Mais rien ne s’est fait à ce jour. Mais qui sait ?
- Les localisations, oui. C’est par la localisation de Topiary que j’ai commencé. En termes d’édition, ça m’a demandé de traduire 4 pages de règles. C’est plus facile forcément. Ça m’a permis de découvrir tout le reste. Après, le marché est saturé. Il y a beaucoup d’acteurs placés sur cette activité, bien plus séduisants que moi. Du coup, pas facile d’avoir des titres. Mais l’un dans l’autre, ce sont aussi des projets moins rentables. Du coup, je le vis bien.
C’est une merveilleuse journée ensoleillée, le moment idéal pour visiter les magnifiques jardins du parc Topiary à l’entrée de la ville. Relaxez-vous et laissez-vous transporter par la beauté de ses œuvres d’art !
Dans Topiary, les joueurs cherchent à offrir à leurs visiteurs le meilleur point de vue possible sur le parc. Il s’agit de proposer, à chacun, une belle ligne de vue qui permet d’apercevoir le plus de topiaires. Plus la valeur d’une tuile est élevée et plus le topiaire est grand et impressionnant.
Attention cependant car placer un visiteur face à un topiaire grandiose masquera ceux qui sont derrière. Il faudra donc être habile et prévoir les coups bas de vos concurrents.
Un jeu très accessible, mais diablement efficace, stratégique et sournois, pour toute la famille !
- Le PnP, c’est compliqué. J’en ai fait énormément. J’en ai même fait une chronique chez Proxi Jeux pendant 3 ans. En vrai, le plaisir de jouer est vraiment lié au matériel. C’est cool de jouer à un jeu topissime sur des cartes imprimées sur du papier ordinaire. Mais en vrai, c’est vachement plus cool d’avoir un matériel de qualité. Mais ça occupe. Le vrai plaisir que j’ai eu dans le PnP, c’est de produire. Une grande partie des jeux que j’ai réalisé n’ont jamais été joué. Plus que parmi les jeux que j’ai achetés. Du coup, le PnP est vraiment un marché de niche. Je ne l’exclue pas. Mais ça me saoule déjà de devoir passer 30 minutes à lire des règles avant de jouer. Alors s’il me faut en plus 1h de réalisation de matériel avant … Oui, je n’ai même pas parlé du nombre de jeux dont j’ai des fichiers pour pouvoir les faire. Ou de ceux imprimés en partie mais jamais terminés.
Quels sont les choix et contraintes de fabrication, les impératifs, les impondérables ?
Pour les localisations, on ne vous demande pas votre avis. Donc Topiary a été fait en Pologne. Crime Hotel et Rescue Polar Bear ont été fait en Chine.
Crime Hotel est un jeu de plis et de déduction pour 3 à 4 joueurs.
Dans un hôtel prestigieux situé au cœur des montagnes, un crime sanglant a été commis. Il n’y a aucune trace du meurtrier, mais le bruit du coup de feu et le cri d’horreur de la victime résonnent encore dans l’hôte. Le meurtrier se cache toujours dans une des chambres de l’hôtel, attendant le bon moment pour s’échapper.
En tant qu’enquêteurs, c’est à vous de découvrir dans où se cache le meurtrier. Votre seule preuve est le nombre de chambres vides que vous avez en main. Qui sera le premier à trouver la chambre du meurtrier ?
Lors d’une manche, les enquêteurs vont tenter d’identifier dans quelle chambre d’hôtel se cache un meurtrier. Pour cela, à chaque tour, ils devront jouer une des cartes chambres. Si le premier joueur joue la carte qu’il souhaite, comme dans tout jeu de plis, les autres joueurs devront respecter la couleur jouée (ici, l’étage). Les joueurs ayant joué la plus grande et la plus petite carte pourront faire une accusation sur le plateau de l’hôtel. Les autres joueurs iront chercher des renforts au poste de police. Ils auront alors la possibilité d’utiliser un des 5 pouvoirs disponibles. Après 5 tours, les jeux sont fait. On révèle les cartes restantes pour pouvoir identifier le meurtrier. Les joueurs marquent des points en fonction de la véracité de leurs accusations.
Après 3 manches, le joueur avec le plus de point remporte la partie.
De mon côté, c’est une question de possibilité. Crime Zoom, ce ne sont que des cartes, c’est produit en Pologne. Phone Bomb avait une boîte magnétique a été produit en Chine. Et la Chine, c’est devoir gérer les douanes. Et quand on n’a jamais fait, ce n’est pas simple. Donc si je peux éviter, j’évite. Et puis ce qu’on gagnait en coût de production est désormais en compétition avec les coûts de transports qui ont explosé.
Grande question du moment qui fait débat au sein des éditeurs, comment Aurora s’intègre-t-il à la démarche d’écoresponsabilité ? Y a-t-il des choix faits à contre cœur ?
En toute transparence, je m’autoriserai cette réflexion quand je pourrai me payer un salaire tous les mois. Après, Crime Zoom est produit en Pologne. Je ne pense pas faire pire que la moyenne. Sans doute pas mieux non plus. Mais j’arrive à vivre avec.
Avec 7 jeux au catalogue, quelle est la ligne éditoriale choisie par Aurora sachant qu’on y trouve les gammes Jeux mignons et malins, Party games nerveux et du jeu d’enquête ?
Si on trouve 3 « gammes », c’est par l’histoire de Aurora.
- J’aime bien les jeux mignons. C’est la première chose que je regarde sur un jeu à localiser. Est-ce que j’ai envie d’y jouer rien qu’en le voyant. Si oui, bah ça fait beau sur une table, ça arrête les gens sur un festival. C’était un premier critère de choix. Mais pour les localisations, la compétition est rude. Du coup, j’ai arrêté de me battre à coût de quantité. Pour la (plus) faible rentabilité de la chose, je préfère me concentrer sur des jeux qui ont vraiment du sens dans ma gamme. Et si je ne l’ai pas, tant pis … D’ailleurs, Rescue Polar Bear sera sans doute le dernier à rentrer dans la gamme « mignon et malin ». Parce que si c’est pour sortir un jeu dans cette gamme tous les 2 ans, autant laisser les spécialistes de la localisation s’en charger.
- Pour les party-games, j’avais vraiment craqué pour Phone Bomb. Je trouvais ça original et bigrement efficace. Premier jeu à développer, il aura mis longtemps à sortir. C’est difficile de s’arrêter sur des éléments finis. Le pire pour moi a été la boîte.
1 minute. 3 fils de désamorçage à identifier et à couper pour arrêter la bombe, ou abandonner vos coéquipiers et fuir ?Phone Bomb est un jeu faussement coopératif qui vous mettra sous pression et vous poussera à laisser ressortir toute votre fourberie.Pendant votre tour, vous jouez 2 cartes pour former un symbole, puis vous réalisez cette action sur l’application avant de passez la bombe au joueur suivant et de piochez 2 cartes. Pendant ce temps, les autres joueurs peuvent échanger leurs cartes.
Phone Bomb est un jeu hybride nécessitant l’utilisation d’une application mobile (téléchargeable grtauitement, compatible Android et iOS).
Aujourd’hui, j’ai encore Slips dans les tuyaux. Il clôturera sans doute cette gamme.
- Mais surtout avec Crime Zoom, j’ai découvert un univers de jeux qui me parle encore plus. Et on a tellement de projets en cours avec Stéphane qu’on doit faire des choix. Du coup, plutôt que d’utiliser mon énergie sur 3 gammes de jeux, autant essayer de faire vraiment bien une gamme. Alors voilà, le futur de Aurora, c’est de raconter des histoires, c’est de se retrouver immergé par les illustrations. Ce sont de nouveaux scénarios pour Crime Zoom. Mais c’est le décliner pour faire vivre des aventures. On a une enquête en pixel art moins enquête et plus exploration. C’est le décliner pour les petits. C’est proposer d’autres façons d’aborder les enquêtes avec un autre projet en cours de construction.
Crime Zoom est une gamme de jeu d’enquête en 55 cartes pour 1 enquêteur et plus et pour des parties d’environ 1 heure.
Chaque enquête vous propulse dans un univers différent, mais presque toujours sur une scène de crime.
Cette scène de crime s’étale sur plusieurs cartes pour former une grande illustration. Et pour enquêter, rien de plus simple. Prenez une carte pour la regarder de plus près. Un élément vous intrigue ? Retournez la carte et découvrez ce qu’est ce petit papier sur la table de chevet.
Une adresse ? Vous pouvez désormais aller prendre la carte qui correspond à cette piste. A moins qu’un autre élément sur la scène de crime ne vous interpelle encore plus ?
Dans Crime Zoom, vous mènerez votre enquête librement. Discutez entre joueurs pour choisir les pistes à suivre. Une fois l’enquête menée, répondez aux questions. Qui est le coupable ? Quelles preuves ? Son mobile ? Et laissez-vous raconter la véritable histoire.
Mais concrètement comment se fait le choix des auteurs et des illustrateurs ? Quelle relation Aurora a-t-il avec ces derniers ?
[Du côté des illustrateurs]
J’ai déjà dit que Stéphane Anquetil avait fait plus qu’un travail classique d’auteur. Parmi ce qu’il a pris en charge, le choix et la direction des illustrateurs. Stéphane m’a proposé des personnes brillantes pour les scénarios qu’il a écrit et j’ai toujours dit oui.
Mais pour lui libérer du temps pour d’autres projets, je vais reprendre ce travail pour une partie des scénarios. Du coup, je pourrai en reparler dans quelques mois. Enfin j’ai géré une bonne partie des illustrations de Oiseau de malheur. Mais là encore, le choix était celui de Stéphane.
Mes autres projets ont été graphiques. Du coup, c’est Christopher Matt qui était aux commandes. Tout simplement parce qu’il le fait bien, et que j’aime travailler avec lui.
[Du côté des auteurs]
Pour les auteurs, le choix se fait autour du jeu. Quand j’ai vu Phone Bomb, j’ai craqué immédiatement. Pour Slips d’Alexis Allard, je pense que je savais que je le ferai avant même d’y jouer. Des coups de cœurs.
Pour Stéphane, c’est différent. On a travaillé côte à côte pendant plusieurs années avant d’aboutir à un projet commun. On a quitté nos emplois presque en même temps. On a entrepris dans notre coin, mais on se partageait nos problèmes d’entrepreneur. Entreprendre, c’est facilement être seul. Et puis le temps allant, on a évoqué des projets ensemble. Et à force de retravailler tout ça, on a pu aboutir à Crime Zoom. Et maintenant, on sait qu’on fera d’autres jeux ensemble. Tant que c’est pour raconter des histoires … 😊
Pour donner un peu d’espoir aux acteurs professionnels du monde ludique, comment un auteur ou illustrateur de jeu s’y prend-il pour taper dans l’œil d’Aurora ?
Pour les auteurs, je vais être rude, mais je n’ai déjà pas le temps de m’occuper de tout ce que je voudrai. Alors c’est assez fermé. A moins d’arriver à me convaincre d’une perle de jeu narratif ou d’enquête ou d’aventure … Après, scénaristes, lancez-vous. De ce côté, si vous savez raconter une histoire de manière non linéaire en 55 cartes, je suis tout disposé à vous écouter. Mais ne tardez pas trop non plus. On travaille déjà avec 3, 4 personnes de ce côté. Et forcément, comme on ne pourra pas sortir 10 enquêtes par an … les premiers arrivés …
Pour les illustrateurs, savoir raconter une histoire, faire de jolies scènes avec des personnages expressifs. Plutôt dans un style réaliste, sérieux. Mais on voit avec Un écrivain mortel qu’on peut avoir de jolies choses colorées.
Comment l’éditeur s’intègre-t-il globalement dans la conception des jeux qu’il édite ? A quelle étape joue—t-il le rôle le plus essentiel ?
Je ne tirerai pas de généralité de mon expérience. Je pense qu’il est possible de faire à sa façon. Et le travail sur un jeu ne présume rien de celui sur un autre jeu.
Stéphane a par exemple réalisé une grande partie de l’édition du premier Crime Zoom. Mais j’ai géré l’ergonomie, le graphisme, ce que j’attendais dans les templates (= modèles) des différents types de cartes.
Après, l’éditeur, c’est celui qui choisit plein de choses. Le prix, le matériel, la qualité du matériel, la taille de la boîte. J’ai toujours écrit les règles de mes jeux. C’est ma façon à moi de m’approprier un projet.
L’éditeur choisit aussi à qui il destine le produit. Et cette décision a énormément de conséquences. Si c’est un jeu grand public, l’accompagnement du joueur dans les règles doit être plus important. Les illustrations seront sans doute plus lisses. Et l’important, c’est de faire comprendre ses choix.
Combien de temps prend ou peut prendre en moyenne l’édition d’un jeu ?
Joker.
Crime Zoom qui est sans doute le jeu avec le plus de succès de tout mes titres a eu le droit à une édition éclair. Idée de jeu mi-mai. Un prototype prêt 1 mois plus tard pour Paris est Ludique. Un retour vraiment excellent avec des gens qui voulaient nous le signer pour le monde sur place. 2 mois de vacances pour laisser retomber l’excès d’enthousiasme. 2 mois d’édition. 1 mois de bouclage. Donc 3 ou 4 mois selon si on intègre le temps de réalisation du prototype.
Et pour les autres jeux, très long. Parce qu’il est si facile de se faire happer par le temps ou de laisser le temps passer quand on butte sur un problème.
Parlons un peu des jeux édités par Aurora. Quel est le jeu qui a demandé le plus d’investissement en temps et en énergie pour arriver à son édition ?
Phone Bomb, le premier jeu développé. Le plus difficile a été de faire la boîte. Ecrire des règles reste un travail assez pénible quand on n’aime déjà pas les lire. Mais c’est définitivement la boîte qui me bloquait. Se dire que c’est ce que la majorité des gens verrons de votre jeu. Parce que les gens n’achètent pas tous les jeux dans une boutique. Oui, la majorité des gens ne connaissent que les boites des jeux. 😊
Quelle est pour toi la plus belle satisfaction dans tes jeux édités ?
Crime Zoom. J’ai failli le coéditer. Le syndrome de l’imposteur. Je savais que le jeu avait un véritable potentiel et j’avais peur de ne pas être à la hauteur. Et puis on l’a fait en 3 mois. Mais c’est vraiment avec les 3 dernières enquêtes que vraiment, je me dis qu’on a fait du bon travail. On a retravaillé les règles sur lesquelles on avait eu quelques retours. Le score principalement qui était un peu obscur, pas assez explicite. Et là, je me dis qu’en le coéditant, le jeu n’aurait pas nécessairement été mieux.
Y a -t-il un jeu du catalogue Aurora qui mérite à ton avis de rencontrer davantage de public ? Et pourquoi.
Crime Zoom. Le confinement a ralenti plein de choses dont l’édition des 3 dernières enquêtes. Mais maintenant, c’est le temps qui va s’en charger. C’est l’avantage d’une gamme forte. Sortir de nouvelles enquêtes, c’est redonner de la visibilité aux précédentes. Et puis du coup, la communication se poursuit après la sortie. Parce que si elle ne sert pas pour les enquêtes déjà sorties, elle prépare les nouvelles à arriver.
Parle nous de tes dernières sorties dans la série des Crime Zoom.
Arf, difficile de parler librement sans risquer d’en dire trop.
No furs, c’est une enquête plus adulte. N’y jouez pas avec des enfants de moins de 16 ans, il y a quelques cartes qui vous mettraient mal à l’aise. Mais c’était carte blanche pour Stéphane. C’est la chance d’être un petit éditeur et de pouvoir se permettre d’aborder tout et n’importe quoi (tant que ce n’est pas n’importe comment).
Un écrivain mortel, c’est un hommage à Agatha Christie. Et puis elle est magnifiquement illustrée par Lucie Dessertine. Une enquête très colorée, avec plein de scènes puisqu’on peut se rendre dans les différentes pièces du manoir (vous le savez dès la mise en place).
Oiseau de malheur, c’est une critique de l’entre-soi. Mais je préfère ne pas en dire plus pour ne pas risquer de dévoiler trop de choses. Illustrée tout en 3D.
Peux-tu nous présenter les futures sorties prévues, Slips, Rescue Polar Bear, Rapid Falls ?
Rescue Polar Bear, c’est un coopératif dans lequel chaque joueur va diriger un bateau. On doit se déplacer, récupérer des ours, récupérer des données scientifiques tout en surveillant la fonte de la glace. Les bateaux ont des particularités qu’il faudra utiliser à bon escient. 60 minutes si tout va bien mais les parties peuvent être bien plus rapides.
Slips, c’est un jeu de défausse en simultané. Simple et efficace. Un jeu dont on enchainera les parties pour la revanche, puis la revanche de la revanche, puis …
Rapid Falls, c’est le projet de plus tard. Un projet très ambitieux, trop pour nos moyens d’aujourd’hui. Parce qu’il est facile de s’éparpiller dans plein de choses. Et si les dialogues étaient disponibles en audio pour plus d’immersion ? Et si on avait différents formats de matériel pour les preuves ? Et si on avait des choses sous enveloppes ? Mais on le fera un jour, c’est sûr. 😊
Y a -t-il des projets à plus long termes dont tu peux nous parler ? Y a-t-il des projets qui te tiennent à cœur dans le long terme ?
Même si ce n’est pas qu’à long terme, Crime Zoom nous permet de nous projeter. Aujourd’hui, il n’est pas encore en GSS (grandes surfaces spécialisées type Fnac, Cultura, …) même si ça ne devrait pas tarder. Il arrive aussi à l’étranger mais on attend la sortie des boîtes. C’est important de voir les boîtes, ça rend les choses concrètes.
Et puis on doit continuer d’alimenter la gamme. On commence à travailler avec des scénaristes. C’est tout nouveau pour moi. Et pour libérer du temps avec Stéphane pour d’autres déclinaisons, c’est absolument nécessaire.
Et justement, ces autres déclinaisons. La gamme aventure est bien avancée. On a un prototype à moitié illustré. Mais il va falloir le finaliser, le tester, le régler. On ajoute à Crime Zoom des objets et leur utilisation. Alors forcément, on va scruter les retours des joueurs pour utiliser ça de la manière la plus intéressante.
Et puis on a un projet qui commence à se concrétiser. Un Crime Zoom encore plus immersif, un peu plus long avec la possibilité de fins différentes. Pour l’instant, le prototype n’est pas prêt. Mais beaucoup de choses ont déjà été décidées.
Bref, de l’enquête, encore et toujours, sous toutes les formes qu’on pourra, tant qu’on estime qu’elles apportent un nouveau dans l’expérience de jeu. 😊
Comment Aurora se fait-il le mieux connaître ? Y a -t-il des pistes de plus en plus abandonnées pour un éditeur comme Aurora ? et d’autres qui sont de plus en plus envisagées ?
Avec la fin des salons, j’ai tenté de faire plus de concours. Alors soyez informés que je ne ferai plus de concours sur twitter. J’ai triplé mon nombre d’abonnés. C’est merveilleux … les bots à concours … Enfin anecdotes à part, oui, plus de concours, sur facebook et instagram. Et pas seulement moi. L’organiser avec des reviewers.
Après, la communication, c’est aussi beaucoup de petites choses par-ci par-là. Surveiller les réseaux sociaux. Répondre quand on parle de nos jeux. Essayer de raconter une anecdote de temps en temps. Il faut juste arriver à prendre l’habitude de le faire régulièrement. C’est cette régularité qui me manque aujourd’hui.
Et sinon, à chaque nouveau jeu, c’est plus de contacts. Alors je commence à savoir qui pourra me faire une interview de moi ou de l’auteur du jeu. Prendre plus de temps de ce côté vu qu’il n’y a plus les salons pour rencontrer les gens.
Comment se fait la distribution des jeux Aurora ? Quelles sont les avantages et les contraintes d’un circuit de distribution utilisé par Aurora ?
Mon distributeur a changé de nom. C’est donc désormais Néo Ludis qui s’occupe de la distribution des jeux Aurora. J’ai signé avec eux avec Phone Bomb. Ils croyaient dans le projet. Ils m’ont soutenu avec un achat ferme conséquent. C’est ce qui m’a permis l’audace d’un stand de 30m2 à Cannes en 2020. Pour information, en 2019, j’avais une table.
Être soutenu par un distributeur, ça facilite beaucoup de choses. Savoir qu’un jeu est déjà vendu, c’est sécurisant. Ça permet de travailler différemment. Bien sûr, cette sécurité se paie. Mais c’est gagnant-gagnant pour tout le monde.
Ce point aura été crucial à ce moment de la vie d’Aurora. Parce que sans sécurité, je n’aurai pas osé faire les mêmes choix. Aujourd’hui, ma sécurité, c’est Crime Zoom. Il devrait me permettre de vivre de mon travail d’éditeur très prochainement. Du coup, achat ferme ou dépôt vente … ça ne fait plus une si grosse différence que ça.
Mais pour se lancer, pour oser l’impulsion de jouer dans la cour des grands, c’était important. Du coup, j’en profite pour remercier Arnaud Bourez. Son partenariat a été très important dans le développement d’Aurora.
Quel impact a (ou a eu) la crise liée au Covid sur un éditeur comme Aurora ? Plus de festivals en ce moment. Comment arrive-t-on à compenser cela ?
Plus de salons, c’est une grosse perte de visibilité mais c’est aussi beaucoup d’économies. Du coup, il faut trouver d’autres façons de se faire voir. Et du coup, pour moi, ça a été de prendre encore plus de temps pour échanger avec les reviewers en tout genre (blogs, youtube, facebook, instagram, …).
Pour les ventes, soyons clair, le confinement a tué des jeux dans l’œuf. Crime Zoom est sorti la semaine du confinement. Flop … Puis il est ressorti après … Flop, parce qu’il était déjà sorti. Heureusement, les retours sont très bons et du coup, il n’est pas mort dans l’œuf. Mais les choses ont pris beaucoup plus de temps.
Et puis pour compenser les ventes, il y a eu les aides de l’Etat. J’ai la chance de m’en sortir bien de ce côté. Donc le retard de développement d’Aurora a été compensé par une enveloppe non négligeable de cash. Je reste plutôt épargné.
D’une manière générale, depuis ses débuts, quelles ont été les principales difficultés rencontrées pour Aurora ?
Le choix des priorités. Je pense que c’est la clé de l’entreprenariat. C’est la loi de Pareto. 20% de vos actions génèrent 80% des résultats. Il est tellement facile de perdre du temps dans plein de choses inutiles … Qui plus est quand on travaille seul. Je n’ai personne pour me dire que j’ai perdu une semaine pour rien.
Forcément, j’ai fait des erreurs, j’ai eu des partenariats peu efficaces, j’ai consacré du temps sur de mauvais projets. Et puis il est toujours difficile de dire non ou de revenir en arrière. Mais entreprendre, c’est être responsable de tout ce qui nous arrive. Parce que personne d’autre que vous ne devra en subir les conséquences.
Mon graphiste est malade la semaine de bouclage ? Le jeu ne pourra pas arriver pour le salon ? C’est MA faute. C’est à moi d’anticiper les retards, les plannings pour que les choses importantes puissent se faire en temps et en heure. Au passage, ceci n’est qu’un exemple. Par contre, on a bel et bien raté Noël avec les 3 dernières enquêtes. Et quelques soient les micro raisons derrière tout ça … c’est moi qui l’assume. C’est de MA faute.
Comment vois-tu l’évolution du marché de l’édition du jeu ?
Franchement, je vais m’abstenir de l’analyser. J’essaie de me concentrer sur quelque chose qui me parle et de le faire bien. Et quelque soit l’évolution du marché, si je fais de bons jeux bien édités, les gens seront contents d’y jouer. 😊
Pour conclure, qu’est-ce qui selon toi fait l’originalité d’un éditeur comme Aurora ?
Je pense qu’avec Crime Zoom on a réussi à faire un jeu qui soit véritablement narratif, qui ne ressemble pas aux autres jeux. On cherchait une véritable expérience d’enquête, quelque chose de libre dans l’exploration de l’histoire. On voulait de belles grandes scènes pour une immersion rapide et efficace. On voulait une mécanique minimaliste pour qu’on l’oublie à peine la partie commencée.
Le défi sera maintenant d’arriver à proposer d’autres déclinaisons tout en gardant ce qui nous plaît dans Crime Zoom. 😊
Propos recueillis par Laurent.