[Independence Day] Flip Flap Editions, l’éditeur renversant

Ricochet ? Pile Poil ? Robby One ? Crazy Time ? Ca vous parle ?
Dans la série Independence Day, Cyril Blondel vient nous présenter Flip Flap Editions, sa maison d’édition de jeux de société qui a maintenant dépassé l’âge de raison. Pleins feux sur l’univers ludique de Flip Flap qui entremêle mécanismes ludiques simplissimes pour effets grandissimes !

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Tentons de percer à jour Flip Flap Editions ! Car tout a un début, Cyril Blondel, peux-tu nous parler de la genèse de Flip Flap ?

Au départ, j’étais auteur uniquement, depuis 2009. Après quelques projets, j’ai commencé à créer en m’imposant la mécanique du retournement de cartes : on sort un paquet, on retourne une carte et l’interaction entre le recto dévoilé et le verso du paquet doit permettre de jouer. Que peut-on créer comme effet avec juste cela ? Sont nés ainsi une première série de 5 jeux, que j’ai commencé à présenter à des éditeurs. Le problème est que je ne voulais pas casser la série, en faire un concept de création identitaire. Le déclic est venu quand, lors d’un concours ludique, j’ai rencontré Blackrock. Cherchant de nouveaux projets à distribuer, ils m’ont incité à garder la série en l’éditant moi-même afin qu’ils la distribuent. Ainsi, j’ai créé Flip Flap Editions en 2013, le terme « flip flap » évoquant la mécanique de base de la gamme, le retournement de cartes. La même année sortait Zebulon et Tête de linotte, puis Pile Poil (ces deux derniers jeux ayant ensuite été cédés temporairement à Cocktail Games pour un travail à l’export). Il y a depuis 11 petits jeux, et deux autres gammes créées (Trucs de Fous et Ricochet).

Par rapport à ton parcours personnel pourquoi avoir choisi de travailler précisément dans l’édition de jeux de société ? Et en parallèle de cette maison d’édition, il y a aussi de l’animation à la création ludique, de la muséographie… Peux-tu nous en toucher deux mots ?

Je suis de formation scientifique côté scolaire, mais avec un fort bagage animation en parallèle. Aussi, le croisement des deux m’a amené à travailler dans une structure culturelle d’éveil scientifique. D’abord animateur, je suis ensuite devenu concepteur d’exposition (muséographe). Dans ce cadre, je devais créer des modules ludiques pour expliquer des expériences scientifiques ou générer des parcours de visiteurs originaux. Petit à petit, avec l’émergence de Tric Trac entre autres, j’ai commencé à m’intéresser au secteur ludique comme source d’inspiration. Puis un jour Cocktail Games a posté dans le forum « création » de Tric Trac un appel à projet concernant un jeu sur le thème de la cuisine. Je n’ai pas répondu de suite mais je bouillais de le faire tant ce type de commande correspondait à mon travail. Puis, quand 6 mois après j’ai vu que Cocktail Games relançait l’annonce faute de projet, j’ai envoyé 10 phrases d’un concept de jeu à Matthieu D’Epenoux, et 48 heures après j’avais un contrat d’auteur dans la boite ! Sans proto ! Ainsi naquit « L’atelier des chefs », un des plus gros échecs de Cocktail Games ! 😉 Puis avec mon projet suivant j’ai remporté le concours de Boulogne (2011). Là je me suis dit que peut-être avais-je quelques compétences à développer dans ce secteur.

Aujourd’hui, je continue surtout la création sur mesure de certains jeux pour des institutions ou sociétés, en gardant ce plaisir de travailler « à la commande ». C’est une source d’inspiration intéressante de se faire imposer son thème ou son public, car on sort de sa zone de confort.

Flip Flap c’est un seul homme derrière cette maison d’édition ou peut-on citer d’autres personnes ?

Oui il n’y a qu’un seul homme, qui bosse de chez lui, face à une fenêtre, à la campagne ! Pas de lieu dédié, juste un bureau et un ordi dans un banal salon et quelques boites sur les protos en cours. Bien sûr je ne travaille pas seul pour réaliser un jeu, et j’aime travailler les gammes avec les mêmes personnes afin de conserver une identité forte pour chacune. Ainsi côté visuels, Marie-Gabrielle Verdoni est en charge des jeux Courts mais Brefs, Gaétan Noir et David Boniffacy pour la gamme Trucs de fous, et Mathieu Clauss pour la gamme Ricochet.

Quelle est la démarche d’édition choisie par Flip Flap et ton point de vue aux sujets des démarches non choisies ?

Pour ma part, j’ai besoin de travailler par gamme et avec le maintien d’une certaine identité. Disons que j’aime à croire que parfois la « marque Flip Flap » puisse servir de repère sur la qualité d’un jeu. Mon modèle à l’époque était Cocktail Games, facilement identifiable avec ses boites métal dont il était précurseur, avant de se diversifier. Je conserve ainsi un doux mélange entre travailler sous contrainte qui paradoxalement permet aussi de créer autrement, là où on n’irait pas forcément naturellement. Sur la durée, travailler une gamme change aussi la manière de voir l’édition, car on peut faire des projets croisés entre ses propres jeux, travailler une image de marque plutôt que défendre à perte chaque boite de jeux, et ainsi créer un focus au sein de la profusion actuelle. Je ne suis pas dupe et installer une marque ou une gamme prend du temps. Mais j’aime aussi dire aux auteurs que je signe que je porterai leur jeu sur la durée, en changeant les formes, en changeant la com’. Un bon jeu est un bon jeu, qui parfois ne trouve pas tout de suite son public. Regardez Lucky Numbers chez Tiki Editions dernièrement, qui cartonne sur sa réédition.

Pour les démarches non choisies, cela offre la liberté de saisir n’importe quel proto, mais le pendant est peut-être de tenter des « coups » avec un jeu qui chasse l’autre en fonction du succès. A l’inverse, le succès d’une gamme (comme Ricochet) me permet en parallèle de passer du temps à chercher comment valoriser les autres gammes pour les faire perdurer, que les jeux ne meurent pas, exercice difficile en ces temps de profusion.

J’ai démarré avec l’édition classique sans vraiment choisir, c’était encore comme cela il y a quelques années. La co-édition pourrait me tenter notamment pour des jeux auxquels je crois, mais que je ne peux intégrer dans les gammes actuelles. C’est une des voies de développement, plus tourné vers des « coups » dans ce cas. Le financement participatif demande des compétences différentes de campagne en amont d’un projet, l’inverse de mon circuit actuel, donc trop de changement. Pour le reste, il ne faut jamais dire jamais, mais globalement j’aime être un artisan, tranquille, ne pas produire en masse, m’accrocher à ce en quoi j’ai cru pour mieux le porter. Je sors deux jeux par an, cela oblige de bien réfléchir en amont. Je ne souhaite pas conquérir le monde.

Quelles sont les options d’éditions choisies par Flip Flap ? Y a -t-il d’autres à envisager et certaines qui n’intéresse pas Flip Flap ?
Parle-nous un peu des choix de fabrication de Flip Flap.

C’est un des avantages du travail par gamme, car on peut produire en cumulant différents jeux de même format en petite série, avec les avantages de la grande série (4 x 2500 jeux vaut à peu près la même chose qu’un seul jeu produit en 10 000 exemplaires). Donc les impressions et la gestion des stocks est de plus en plus simple avec le temps, les premières années servant à établir la collection qui s’autorégulera. Avec un choix de fabrication en Europe pour avoir un lien facilité.

Justement, grande sujet qui fait débat au sein des éditeurs, comment Flip Flap s’intègre-t-il à la démarche d’écoresponsabilité ? Y a-t-il des choix faits à contre cœur ?

La conception des jeux est essentiellement faite de papier/carton, et la production faite en Europe. Je ne mets pas de sachets zip plastique dans les boites. Produire en France n’est pas viable aujourd’hui sur mes productions, et l’amélioration à l’avenir serait d’éliminer aussi la cellophane sur les boites pour avoir uniquement des stickers. Pour le moment, la limite est celle des usines qui peuvent ou non le faire. On y travaille.

Avec 15 jeux au catalogue, quelle est la ligne éditoriale choisie par Flip Flap sachant qu’on y trouve les gammes Courts mais Brefs, Ricochet et Trucs de fous ?

Travailler sur des gammes avec critères forts permet un tri rapide des protos. S’il y a une interaction des cartes recto verso, en 52 cartes, cela peut être un jeu court mais bref. S’il y a de la surcharge cognitive, cela peut être un truc de fous. Quant à Ricochet, c’est projet trop personnel pour être délégué.

Pour entrer dans une gamme Flip Flap, le jeu doit posséder a minima le cahier des charges de base de chaque gamme, puis ne pas faire doublon avec un jeu déjà présent, être original, et provoquer ce regard cherchant l’horizon lointain, dans un silence, en ouvrant une porte… 😉

Etant toi-même auteur de plusieurs jeux (dont les derniers Ricochet 1 et 2 et Pile Poil), comment l’éditeur s’intègre-t-il globalement dans la conception des jeux qu’il édite (je pense surtout aux jeux qui ne sont pas les tiens) ?

En tant qu’éditeur, tout dépend l’état du jeu que tu reçois. S’il est bien réglé, a minima tu dois chercher dans quel décor il va s’épanouir au mieux, en lien avec la gamme dans laquelle il est et de l’illustrateur en charge. Si tu constates des défauts, des rééquilibrages, des routines etc… On travaille avec l’auteur pour parvenir à la meilleure version, avec de nombreux tests.

Dans le meilleur des cas donc le jeu peut sortir un an après, deux ans s’il y a besoin de réglages minutieux.

Parlons un peu des jeux édités par Flip Flap.
Quel est le jeu qui a demandé le plus d’investissement en temps et en énergie pour arriver à son édition ?

Robby One ! Environ 5 ans de réglages, de tests, d’univers différents…très difficile à régler.

Communiquez avec vos voisins de droite et de gauche en même temps ! Vous êtes piloté par l’un, pendant que vous pilotez l’autre !
Sans parler, juste avec vos pieds, vos bras et vos yeux.
Saurez-vous gérer l’émission et la réception pour fabriquer vos robots correctement ? Un jeu d’animation en mode coopératif ou compétitif, jusqu’à 12 joueurs.

La règle du jeu de Robby One

Parle-nous de la belle surprise Ricochet qui a mis en avant le jeu d’associations d’idées. Comment t’en est venue l’idée ; quelles ont été les étapes pour en arriver au résultat final ?

Le jeu est venu suite à la longue recherche sur la Chouette d’or (chasse au trésor lancée en 1993 – la plus longue du monde à ce jour) sur laquelle je travaille beaucoup, et qui est fortement basée sur les jeux de mots et association d’idées entre autres. Les sensations qui y sont vécues sont celles présentes dans Ricochet, qui m’a servi initialement à traduire aux non chercheurs de chouette ce que j’y vivais.

En savoir plus sur la chouette d’Or :

Dans la nuit du 23 au 24 avril 1993, un homme qui se fait appeler Max Valentin enterre un coffret contenant une chouette en bronze, quelque part en France. Où ? C’est la question qui taraude depuis vingt-cinq ans «chouetteurs» et «chouetteuses», les participants à cette chasse au trésor toujours irrésolue. Au bout : un million de francs, soit l’estimation à l’époque de la chouette d’or, d’argent et piquée de rubis et de diamants de 50 centimètres d’envergure, le véritable prix à réclamer une fois sa réplique trouvée. En un quart de siècle, personne n’a trouvé la solution aux onze énigmes du livre Sur la trace de la chouette d’or, dont la première édition a été publiée le 15 mai 1993. Cela en fait la plus longue chasse au trésor encore en cours dans le monde.

https://lachouette.net

La chronique complète sur le dernier Ricochet – Le profil de l’Homme sans visage – est ici sur Undécent.fr.

A part Ricochet qui est une belle satisfaction, y a -t-il un jeu du catalogue Flip Flap qui mérite à ton avis de rencontrer davantage de public ? Et pourquoi ?

Crazy Time ! Ce jeu est une pure tuerie, et une expérience ludique dont on ne ressort pas indemne. Un truc à vivre !

Quelque part dans l’univers, il existe des êtres qui comptent les heures pour permettre au temps de s’écouler. L’éternité étant très longue, pour égayer cette activité, ils ont inventé un jeu dont les règles changent à chaque partie ! Ce jeu c’est Crazy Time !
Comptez les heures et retournez des cartes qui ont des incidences sur les heures suivantes…et les règles s’accumulent jusqu’à vous rendre fou ! Un jeu original avec 3 niveaux de jeu et variantes par équipes ! Mode de jeu en équipe inclus, jusqu’à 14 joueurs !

La règle du jeu de Crazy Time

Parle nous de ta dernière sortie Pile Poil.

Pile Poil est une réédition du même jeu sorti en 2014, créé avec mon fils Léo qui avait 13 ans à l’époque. C’est un jeu flash dans lequel il s’agit de trouver des mots à partir d’une image, mais en ayant un nombre de syllabes ou de lettres imposé. Un pur jeu de vocabulaire qui surprend, tant on se dit qu’il est à notre portée…et pourtant, on sèche parfois devant le défi, repoussant les limites à notre vocabulaire. Le jeu a été édité pendant 5 ans par Cocktail Games. Il revient chez Flip Flap relooké.

La règle du jeu de Pile Poil

Y a -t-il des projets à plus long termes dont tu peux nous parler ? Y a-t-il encore du Ricochet dans l’air ?

Oui, deux autres Ricochet sont prévus : Un « Ricochons » (Ricochet-Cochon) pour les +18 ans en fin d’année. Un langage moins châtié dans une enquête sulfureuse. Pas de grossièreté dans le jeu…sauf quand vous résoudrez les rébus ! 😉 Puis un Ricochet Junior, pour les 8-14 ans, début 2022. Pour la gamme des jeux courts mais brefs, celle-ci va être réorganisée prochainement sous forme de packs thématiques, mais je ne suis qu’au début du remaniement. On en reparlera. 😉 Pour les trucs de fous, il y a deux jeux en tests, mais ils n’ont pas la priorité en raison de la situation sanitaire, car ce sont des jeux d’animation à nombreux.

Y a-t-il des projets qui te tiennent à cœur dans le moyen et/ou long terme ?

Poser la gamme Ricochet dans le temps…et trouver la chouette d’or d’ici peu !

A part avec ce magnifique et superbe futur article sur le blog Undecent.fr (sic), comment Flip Flap se fait-il le mieux connaître ? Je vois par exemple qu’il y a eu beaucoup envois de démo de Ricochet par exemple auprès des boutiques. Quel investissement cela a-t-il demandé ?

Pour Ricochet, oui les jeux de démos se sont avérés indispensables et efficaces. 12 000 jeux de démos ont été lancés chez les ludicaires  ! Cela a représenté un coût important pour un lancement, mais le pari a réussi. La forme de Ricochet permet aussi une com via les réseaux sociaux : création de championnat en ligne, de live etc.

La communication pose beaucoup de question dans la profusion actuelle. J’ai tendance à limiter les vidéos car il y a en désormais trop, en privilégiant le contact direct avec les ludicaires, ou quelques influenceurs vraiment influant désormais.

La distribution des jeux Flip Flap se fait par Blackrock Games ? Y-a-t-il des contraintes liées au fait d’être lié à ce géant de la distribution ou au contraire c’est « tout benef’ » pour un petit éditeur comme Flip Flap ?

La force d’un distributeur comme Blackrock, c’est qu’avec un catalogue fort, il devient un incontournable des boutiques, organise des rencontres professionnelles permettant d’expliquer et présenter ses projets, et possède en son sein une équipe de commerciaux très présents sur le terrain. C’est effectivement un vrai confort pour un éditeur que d’avoir un distributeur fort. C’est le nerf de la guerre aujourd’hui. Editer devient assez simple avec les moyens actuels, mais passer tous les filtres pour arriver jusqu’aux joueurs, c’est une autre affaire ! 😉

Quel impact a (ou a eu) la crise liée au Covid sur un éditeur comme Flip Flap?

La crise du Covid a eu deux conséquences : d’une part favoriser la sortie de Ricochet, (malheureusement) bien adapté à la vie confinée, idéal seul ou en couple, jouable en ligne…et de l’autre, freiner les jeux d’ambiance et d’animation que sont les trucs de fous Robby One et Crazy Time. Ces deux jeux devront être remis en avant une fois que nous serons sortis de cette crise. Ce sont typiquement des jeux de bars ludiques, de festivals, de groupes, et en plus de toucher ! Tout pour plaire actuellement ! 😉

D’une manière générale, depuis ses débuts, quelles ont été les principales difficultés rencontrées pour Flip Flap?

Flip Flap n’a fait que croître durant toutes ces années, et Ricochet vient poser une assurance en tant que locomotive. Pour le moment, pas de difficultés. Je reste assez positif pour le jeu au sens global, mais j’ai aussi des craintes concernant les différences entre les tops et les flops qui devient plus grande, et donc pour la survie des auteurs et éditeurs qui en découlent.

Comment vois-tu l’évolution du marché de l’édition du jeu ?

Avec les rachats d’acteurs ludiques par les grands groupes, le milieu est en pleine mutation. A voir comment un artisan peut continuer à faire son bout de chemin.

Pour conclure, qu’est-ce qui selon toi fait l’originalité d’un éditeur comme Flip Flap ?

Des partis-pris forts, et la recherche de mécanismes ludiques simplissimes pour un effet grandissime !

Propos recueillis par Laurent

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