Independence Day : Igiari, objection votre honneur !
Dans le cadre de la série « Independence Day » qui se veut être une présentation plus ou moins exhaustive des éditeurs francophones, nous avons le plaisir de recevoir Raphaël Bernardi qui va nous parler de la maison d’édition de jeux Igiari.
Présente-nous Igiari et son équipe.
Igiari est né en mars 2015 juridiquement mais l’idée de créer une maison d’édition pour localiser et rééditer des jeux est plus vieille que cela. J’en suis le fondateur et également l’associé unique.
Officiellement je gère quasi tout : Recherches des nouveautés, préparer les contrats, suivi de projet et de fabrication, traduction, animation en festivals, community manager, création des affiches pour les réseaux sociaux, SAV, comptabilité … Les seuls choses que je ne fais pas : Le design, l’infographie des jeux et la création du site web.
Officieusement, plusieurs personnes m’aident de différentes manières : Ma compagne m’aide pour les nouveautés, me donne son avis sur les jeux pour m’encourager sur les projets ou au contraire me freiner et m’avertir ; Yolaine Glenisson de UniCorn Wishes, une amie qui est designer-infographiste freelance mais que j’embauche sur quasi chaque projet d’Igiari ; Laetitia, une amie également qui m’aide dans la relecture et la correction depuis peu pour avoir un français quasi parfait dans les règles. Une équipe plutôt féminine du coup.
Quelles sont les raisons, motivations ou opportunités de création d’un éditeur comme Igiari ?
L’envie de republier d’anciennes perles ludiques tombées dans l’oubli avec un design plus moderne et celle de localiser en version françaises des hits étrangers. J’ai failli travailler pour Filosofia à l’époque où ils ont ouvert un bureau en France où j’aurais pu apporter ma vision des jeux à localiser, mais finalement c’est Monsieur Guillaume de Tric Trac qui a eu le poste, amplement mérité. Du coup, j’ai décidé de monter ma propre société pour localiser les jeux que j’avais repéré.
Comment a été choisi le nom Igiari ?
De Phoenix Wright : Ace Attorney. J’étais au Japon en Novembre 2014, au Capcom Bar, un bar de l’éditeur de jeux vidéo Capcom (Street Fighter, Resident Evil, Okami …). En France, les serveurs et serveuses apportent la commande (normal). Là-bas, dans des bars thématiques, ils jouent également la comédie pour mettre en scène et divertir les clients. En l’espèce, ils jouaient des scènes cultes de jeux vidéos de Capcom dont Phoenix Wright : Ace Attorney où le jeune avocat crie « Objection ! » au procureur adverse. En japonais, cela se dit « IGIARI » (prononcé I GUY A RI). Quand je cherchais un nom au moment de la création, j’avais plein d’idée mais rien ne collait à l’identité que je voulais donner. Puis je suis retombé sur un tweet à propos de ce bar avec le #Igiari. « I GUY A RI, I GUY A RI, hey mais ça sonne bien ça, en plus ça veut dire objection et vu que je vais des jeux un peu salaud à forte interaction, c’est parfait. Et ça me rappellera mon Master 2 de Droit, même si on n’objecte pas dans les tribunaux français. »
Quelle est la démarche d’édition et de fabrication choisie par Igiari ?
L’édition classique car à l’époque les Kickstarters existaient mais ce n’était pas monnaie courante. Puis des KS pour certains projets spécifiques à cause de certains paramètres : Faible ampleur du projet, coût /rentabilité de la création, diffusion directe à l’international.
Pour la qualité, toujours ce qu’il y a au dessus de la moyenne et en dessous de ce qu’il y a de mieux pour avoir de la qualité évidemment mais à un prix de fabrication correct pour garder un prix final assez bas. Tous nos jeux sont entre 10€ (Invictus) et 30€ (Onitama).
Pour le packaging, nous faisons tout pour avoir des boites de tailles identiques pour identifier directement le type de jeu.
Et nous préférons faire des boites calibrées pour le contenu. Nous préférons les petites boites bien remplies que les grosses boites remplies de vide juste pour avoir plus d’exposition en boutique et en profiter au passage pour gonfler légèrement le prix dû à la taille de la boite et prendre les joueurs et joueuses pour des cons /vaches à lait …
Y a -t-il des localisations, de la réédition ou de la rethémisation ?
Uniquement cela à ce jour :
- Intrigue, Templari et Vabanque en réédition. Pour Templari, il y a eu une rethématisation. Le jeu se nommait Don d’abord où il fallait acheter des quartiers de Chicago par la mafia, puis le jeu est devenu Serengeti où il fallait acheter des objets d’art africain. Le jeu est devenu Templari où il faut acheter des reliques maudites de templiers.
- Art of War, Overseers, Onitama et ses extensions, Mondrian, Soviet Kitchen, Invictus et RRR en localisation.
Comment Igiari se fait-il le mieux connaître ?
Tous les moyens possibles : Animations en festivals, rien ne remplacera le contact avec le public, en bars à jeux, en boutiques, réseaux sociaux, vidéos promotionnelles, la presse spécialisée. Ne rien négliger car tous le monde ne s’informe pas de la même manière, il faut donc toucher le plus de monde possible de toutes les manières possibles.
Y a -t-il des pistes de plus en plus abandonnées pour un petit éditeur ? et d’autres qui sont de plus en plus envisagées ?
Travailler avec les gros éditeurs étrangers qui ne prennent pas la peine de répondre pour les localisations, quand bien même leur partenaire habituel ne fera pas la version française. Du coup, je me tourne vers les jeux que personne connait, qui buzzent peu mais qui ont du gros potentiel.
Mais en fait quelle est la ligne éditoriale choisie par Igiari ? Comment se font les choix ?
4 points essentiels :
- Des règles simples, faciles d’accès,
- Des parties courtes, en dessous de l’heure,
- De l’interaction forte entre les joueurs.
- Des graphismes atypiques où l’univers est fort, qu’ils se démarquent des autres jeux du marché.
Si en jouant au jeu, les rires, de légères tensions et l’envie d’y rejouer sont là, alors c’est bon signe !
Comment l’éditeur s’intègre-t-il dans la conception des jeux qu’il édite ?
Pour les localisations, nous faisons attention à tenir compte du marché pour le packaging, du prix pour qu’il soit positionné correctement face à des jeux similaires, et nous faisons attention à la traduction pour que la règle soit compréhensible quitte à changer totalement la forme. Pour Art of War, c’était le premier jeu traduit, j’ai traduit « bêtement » les règles car je les trouvais compréhensible, mais pas le public malheureusement. Nous avons dû publier une version 2 sur le site pour aider à mieux comprendre le jeu. Désormais, pour les traductions, je ne fais pas que traduire, je réexplique, je réécris s’il le faut. Bref, je localise, j’adapte.
Pour les rééditions, il faut trouver le nouveau style tout en gardant l’esprit original. Revisiter comme dirait n’importe quel chef d’émission culinaire.
Combien de temps prend l’édition d’un jeu ?
Cela varie de la partie partenaire. Avec Souya NAITO, l’auteur d’Invictus, que je connaissais avant avec Art of War, entre la signature, la traduction, la production, le jeu est sorti 6 mois après sa signature. Pour RRR, notre nouveauté, le jeu existe depuis 2010. J’ai repéré le jeu en 2013, lors de mon premier voyage au Japon (la naissance du nom d’Igiari était lors d’un second voyage là-bas). En 2014, avant la création, j’ai contacté Japon Brand, l’intermédiaire japonais. Des réponses positives pour dire oui-oui mais sans réelles suites. Il a fallu 6 ans pour le voir débarquer en version française.
Peux-tu justement nous présentez ta nouveauté RRR ?
RRR, Royauté Vs Religion – Révolution est la dernière sortie à ce jour d’Igiari. C’est un jeu pour 2 joueurs, de type abstrait, de placement de tuiles et de majorité. Créé par Seiji KANAI (Love Letter) et Hayato KISARAGI (L’Ambition des Rois). Le but est d’avoir la majorité d’alliés dans le Royaume (le plateau de 9 cases donc impossible d’avoir une égalité). Chaque personne a un set de 7 tuiles au début, les pouvoirs sont les mêmes mais les illustrations changent pour le thème (Royauté / Religion, exemples : L’un a le Roi, l’autre le Hiérophante, l’un a le château, l’autre le temple …) et 5 tuiles neutres communes aux deux joueurs sont placés entre eux. A votre tour de jeu, vous jouez soit une de vos tuiles, soit une tuile neutre commune, vous la placez sur le Royaume et soit vous appliquez son effet intégralement, soit pas du tout. Puis c’est à votre adversaire. Et ainsi de suite jusqu’à remplir le Royaume de tuiles entièrement face visible. Certaines tuiles permettent de tuer, d’autres de convertir des ennemis en alliés, d’autres de réactiver un pouvoir visible, d’autres de bloquer des zones d’effets … Bref tout est visible, 0 part de chance, à vous de placer les bonnes tuiles, au bon endroit, au bon moment. La règle c’est par ici.
Présente-nous Not Not, ta première création en cours de développement.
Not Not est la première création. Il est adapté du jeu vidéo indé du même nom, disponible sur smartphones et Nintendo Switch. Il est développé en collaboration avec l’éditeur du jeu vidéo AltShift. Le but est de coller au plus près de la mécanique du jeu vidéo et retrouver cela autour d’une table. Dans le jeu vidéo, un personnage est au centre d’un cube et doit aller dans une direction correspondant à la demande : En haut, en bas … Simple ? Mais après, cela se complique de plus en plus : Pas en bas, pas à droite. Léger temps de réflexion mais toujours simple ? Après, la double négation intervient, Pas pas en haut. Une double négation, c’est … une affirmation donc en haut. Toujours simple ? Après interviennent les couleurs mais pas spécialement la même que le mot en question : Pas pas rouge, Vert, Pas bleu … Vous commencez à comprendre le « mindfuck » maintenant du jeu. En jeu de société, il y aura donc 4 cartes, chacune autour du paquet et une personne lancera les dés de contraintes et il faudra taper le plus rapidement sur une carte répondant aux critères. Il se peut que parfois, plusieurs cartes soient possibles, parfois aucune …
Car l’argent c’est aussi le nerf de la guerre ludique, comment se vendent les jeux Igiari ? En fait quels circuits de distribution ont été choisis ? Et quels sont ceux qui fonctionnent le mieux ?
Les jeux Igiari se vendent plutôt bien. Le premier tirage de Soviet Kitchen est parti en 14 jours pour dire.
Pour nos circuits de distribution, cela se passe d’abord avec Gigamic car ils avaient distribué il y a longtemps la version allemande d’Intrigue (notre premier jeu que nous avons réédité en français).
Puis nous sommes passés chez Novalis désormais, du groupe Asmodee France pour plus de libertés pour la France et donc Asmodee Benelux pour le Benelux. C’est avec ces deux derniers que cela fonctionne le mieux.
Enfin pour conclure, qu’est-ce qui fait l’originalité d’un éditeur comme Igiari ?
La passion avant l’argent. La société étant petite, il n’y a pas beaucoup de charges donc, pas besoin de produire beaucoup pour la faire tourner. Donc chaque jeu est édité, produit car nous l’aimons et non car nous devons produire afin de payer nos charges. Un catalogue où nous ne regrettons rien, où nous aimons tous les titres publiés et où nous espérons que le public les aimera autant que nous nous les aimons. Certaines personnes partagent leur passion des jeux via un blog, une chaine Youtube … Nous, c’est via l’édition.
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