[Entretien avec] Bruno Faidutti – Version 2.0 – Quand Citadelles vous colle à la peau

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Un blockbuster ça vous colle à la peau

Si on devait présenter Bruno Faidutti à un joueur nouvellement converti aux jeux de société dits modernes – c’est-à-dire sauvé du côté obscur de la force et donc du Monopoly, de la belote et autres Uno -, on pourrait le qualifier de Monsieur Citadelles avec ses centaines de milliers de titres vendus dans le monde depuis sa sortie en 2000, déclinés en 4 éditions en France.

Un peu comme un Antoine Bauza avec 7 Wonders sorti en 2010 ou le regretté Klause Teuber avec Les Colons de Catane, sorti en 1995, le blockbuster colle à la peau.

Sur le Stand Matagot à Paris est ludique (PEL), son dernier jeu Grail Cup était d’ailleurs présenté « par Bruno Faidutti – l’auteur de Citadelles ».

D’ailleurs petit retour sur le jeu Citadelles

C’est un jeu que j’ai beaucoup pratiqué il y a quelques années. En ce moment un peu moins, il y a eu beaucoup d’autres jeux depuis, et j’en ai moins eu l’occasion. Mais tout le monde ne le connait pas, je m’en suis rendu compte dans mon cercle de joueurs. Il faut dire que c’est un jeu qui a plus de 20 ans.

Dans Citadelles, chaque joueur est à la tête d’une ville. Pour remporter la partie, il faut construire la ville la plus belle possible c’est-à-dire avec les plus beaux quartiers.

Le jeu se compose de cartes Quartier coûtant de 1 à 6 pièces d’or réparties en cinq familles (noble, marchand, militaire, religieux ou merveille) et de 8 cartes Personnages possédant chacune un pouvoir spécial.

Le succès du jeu tient dans l’originalité du tour de jeu. Le premier joueur choisit secrètement une carte personnage et passe les autres au joueur à sa gauche et ainsi de suite jusqu’au dernier joueur. Une phase de draft en somme. L’intérêt est que personne ne connaît exactement le personnage des autres (sauf à avoir certains indices en fonction du nombre de joueurs – le dernier à choisir mettra un personnage de côté ou avec la présence face visible de cartes personnages au centre de la table).

Ensuite, les joueurs jouent les personnages dans l’ordre suivant :

  1. Assassin
  2. Voleur
  3. Magicien
  4. Roi
  5. Évêque
  6. Marchand
  7. Architecte
  8. Condottiere

Là, je vous parle du jeu de base, car avec les extensions, d’autres personnages peuvent s’immiscer. La plupart des nouvelles éditions contiennent d'(ailleurs des nouveaux personnages et lieux.

À tout moment pendant son tour, un joueur peut utiliser le pouvoir spécial de son personnage (voler, assassiner, échanger, empêcher de construire, détruire un quartier …).

Il doit prendre deux pièces d’or ou piocher une carte Quartier au choix parmi deux. Enfin, il peut construire un quartier et un seul (sauf l’Architecte) dans sa ville en posant une carte de sa main et en dépensant le nombre de pièces correspondant au coût de la carte Quartier ; précision que l’on peut oublier, on ne peut pas avoir deux quartiers identiques (sauf si une carte nous y autorise).

Le jeu se termine lorsqu’un joueur a construit huit quartiers (et il n’est pas possible au Condottiere de détruire ce huitième quartier dans le dernier tour de jeu). La victoire se fait au nombre de points apportés par les quartiers.

Je me souviens de parties justement … mémorables.

Une liste de jeux à faire pâlir

Sans parler des nouveautés, nombre de ses autres jeux sont encore au catalogue et pourraient faire pâlir majorité des auteurs actuels. Normal quand on est dans le métier depuis plus de 30 ans.

  • Le Roi des Nains
  • Mascarade
  • L’Ambition des Rois
  • Raptor

Préambule. Venons-en à l’entretien avec l’auteur du jour

Cher Bruno,

Il m’arrive de suivre votre travail de game designer en consultant vos articles sur votre site Bruno Faiddutti.com. Une manière de faire le point sur votre travail autour de la conception de vos différents jeux – parfois avec des passages qui revêtent même une certaine forme de diatribe -.

Depuis le début du confinement en 2020, date de votre première interview sur Undécent.fr, de l’eau a coulé sous les ponts, parfois même par-dessus. En 3 ans, le professeur de lycée que vous êtes, spécialiste es sciences sociales et sommité incontestable de la connaissance des Licornes et de leur non existence, portera un regard surement mi désabusé, mi enjoué sur le monde du jeu tel qu’il existe en 2023, en France comme à l’étranger.

Le bilingue que vous êtes – tout du moins à l’écrit, n’ayant pas testé votre oral – saura nous donner un avis surement étayé à ce sujet, avec le recul qui fait l’apanage des grands sages.

Cet update, cet entretien version 2, nous permettra d’en savoir un peu plus sur le prolongement de votre parcours et – je pense – en intéressera plus d’un, auteur, joueur, éditeur. Un état des lieux circonstancié, avec pourquoi pas une tentative d’introspection qui pourrait être bienvenue pour vous, pour moi, pour le monde ludique.

Un entretien qui se voudra un tantinet taquin, pour mieux révéler la substantifique moelle du dinosaure ludique aux quarante ans d’édition, mi-homme mi-singe à qui on ne devrait pas apprendre à faire la grimace.

Problématique : N’est-ce pas de l’aréopage que l’on tire l’enseignement des plus compétents ? De ce fait, tel un archonte ou un eupatride, Bruno Faidutti arrivera-t-il à nous convaincre qu’il peut jouer le rôle du sage qui saura nous expliquer les ficelles du monde du jeu actuel ?

Attention. 3, 2, 1, le tapis de jeu est déroulé, les dés sont lancés, les cartes sont tirées. C’est parti.

En guise d’échauffement, quelques données chiffrées histoire d’impressionner

Bruno Faidutti a près d’une centaine de jeux différents au compteur (la liste sur BGG en référence 121 par ici => boardgamegeek.com/boardgamedesigner/125/bruno-faidutti/linkeditems/boardgamedesigner).

Il pense avoir vendu environ trois millions de Citadelles, sans en être sûr. Il faut dire qu’il ne suis pas cela de très près.

Quelle est la part (ou le nombre) des jeux que vous n’avez pour le moment pas édité en français/ou en France ? Parmi l’actualité de Bruno : Whale to Look chez Oink Games au matériel tout mimi et Halloween Party un pur jeu de bluff édité par Trick or Treat Studios. Mais des jeux sortis à l’étranger ! Une tendance ?

Bruno : Ils sont de plus en plus nombreux. Je suis assez à l’aise en anglais, du moins à l’écrit, et rédige donc mes règles dans cette langue, ce qui permet plus facilement de présenter mes prototypes à tous les éditeurs. Comme, en outre, l’univers du jeu de société est fait de références relativement récentes et mondialisées dès l’origine, il n’y a pas de différences significatives entre les jeux créés et vendus en Europe, en Amérique ou en Asie.

Ces derniers temps, je voyage moins, et du coup je me retrouve à croiser plus fréquemment les éditeurs français. Il se pourrait donc que je me retrouve de nouveau à créer surtout pour le marché français.

Une fois un jeu signé chez un éditeur, ce n’est pas moi qui m’occupe de trouver des licences dans d’autres pays, même si j’insiste toujours pour faire moi-même une éventuelle traduction française des règles.

  • Whale to Look

Dans Whale to Look, les joueurs emmènent des touristes observer les baleines et les orques, mais il faut viser juste pour apercevoir les animaux. La baleine est toujours dans le coin où il y a le plus de poissons, la grande orque dans celui où il y en a le moins, et chacun à son tour, avant d’envoyer un bateau, peut regarder l’une des cartes qui constituent la mer et voir le nombre de poissons qui y figurent.

  • Halloween Party

Dans Halloween Party, le principe est tout simple. Chaque joueur a une main de cartes et, à son tour, pose une carte personnage face cachée devant un autre joueur en disant « toc toc toc ! ». Le joueur devant lequel est posé la carte doit alors choisir entre ouvrir la porte, et laisser le personnage entrer, rejoignant ainsi sa petite fête de Halloween, ou refuser d’ouvrir, auquel cas le personnage s’en va chez le joueur qui avait d’abord joué la carte.

Bien sûr, si la plupart des convives sont bienvenus, et certains, comme les musiciens, particulièrement appréciés, d’autres doivent être évités avec soin, comme les ivrognes ou le terrible chevaliers ans tête. La pioche étant face visible, chacun finit par savoir plus ou moins quelles cartes les autres joueurs ont en main, et l’on peut essayer de deviner ce qu’ils nous proposent.

C’est donc un jeu de bluff tout simple, accessible aux plus jeunes mais assez fourbe pour séduire les joueurs avertis.

On reconnait là une des mécaniques favorites de Bruno Faidutti : le bluff et l’absence de maitrise totale.

La plus grosse déception de Bruno ? Waka Tanka, vous connaissez ?

Bruno : Waka Tanka est sans doute le jeu qui m’a le plus frustré. De tous mes petits jeux de cartes, et j’en ai fait beaucoup, c’est celui que je préfère. IL ne s’est absolument pas vendu, et a une note moyenne de 6,2, donc pas terrible sur le boardgamegeek. Je ne désespère pas de voir un éditeur s’y intéresser à nouveau, éventuellement avec un thème plus au goût du jour.

Dans Waka Tanka, encore un jeu de bluff, on joue des cartes faces cachées en essayant de les faire passer pour d’autres.

Ls joueurs ont en main des cartes représentant des animaux, et doivent s’en débarrasser en les jouant devant les totems correspondants.

Bien sûr, les endroits où l’on peut jouer et les cartes que l’on a en main ne correspondent pas toujours, et les autres sorciers ont tout intérêt à prendre le tricheur la main dans le sac.

Le jeu le plus abouti ? Treasure of the Dwarves

Treasure of the Dwarves sort l’an prochain chez Trick or Treat Games, aux Etats-Unis.

Bruno : Mon jeu le plus abouti est sans doute Treasure of the Dwarves, qui sort l’an prochain chez Trick or Treat Games, aux Etats-Unis. C’est une grosse boite, un jeu un peu ambitieux comme je n’en fais plus guère, et dans lequel on retrouve un peu tout ce qui, je pense, fait mon style – un thème fantastique traité avec humour, des enchères, du bluff, des possibilités d’embêter les autres joueurs, une tension permanente.

Un jeu pour 3 à 8 personnes pour des parties de 45 minutes à 1 heure.

C’est dans les montagnes du royaume des nains que vous trouverez les meilleures affaires ! Dans Le trésor des nains, vous mettez des trésors en vente, puis vous évaluez les offres secrètes des autres joueurs. Examinez attentivement leurs offres, car une fois que vous avez pris connaissance d’une nouvelle offre, vous ne pouvez plus revenir à l’offre précédente. Certains trésors ne valent que des points ; d’autres offrent des capacités spéciales. Seul le plus malin des négociateurs sortira vainqueur du jeu !

Tout le monde est impliqué à chaque tour de jeu alors que vous réfléchissez à la manière de collecter des pièces, des pierres précieuses et des trésors magiques. Il est important de savoir ce que vaut votre trésor, mais il est tout aussi important de savoir à qui s’adresser en premier !

Il reprend certains éléments du jeu de cartes stratégique Dreadful Circus de Portal Games en les améliorant.

On se dort la pilule sur une île des caraïbes, à tranquillement siroter des cocktails en encaissant ses droits d’auteurs annuels ? Profondément réducteur ?

Oui, c’est réducteur car Bruno est encore professeur de lycée et il n’a pas fait comme Benoît Turpin par exemple, auteur de Welcome to, professeur d’Histoire jusqu’il y a peu, qui a tout plaqué pour vivre du jeu. Courageux.

Licornes, Métamorphoses d’une créature millénaire, est publié par les éditions Ynnis.

Bruno : Je suis toujours prof d’économie et de sociologie en lycée, mais à mi-temps, et j’ai récemment ressorti ma thèse d’histoire pour en tirer un livre sur les licornes. J’aime bien le métier de prof, et je crois que j’aurais eu du mal à supporter d’avoir pour seule activité professionnelle le jeu, qui n’a pas ou très peu d’utilité sociale – et je suis convaincu que ceux qui prétendent lui en donner une en faisant du jeu politique ou pédagogique sont soit des escrocs, soit des naïfs. L’enseignement est aussi un milieu où l’on croise des gens très différents, des gens de tous âges, qui enseignent ou étudient des trucs différents et ont donc des centres d’intérêt très différent. Dans le milieu du jeu, à l’inverse, les gens ont un peu tendance à tous se ressembler.

Cela fait une vingtaine d’années que je pourrais vivre de mes droits d’auteur. Même s’ils sont assez irréguliers, ce qui peut être un problème quand on discute avec son banquier, ils me rapportent bien plus que mon salaire de prof. Donc, oui, j’ai choisi de continuer à enseigner – mais je prends quand même ma retraite l’an prochain, alors que j’aurais pu prolonger un peu.

Imprévisible et irrégulier : c’est comme cela que Bruno Faidutti conçoit un jeu

Bruno : je ne m’astreins à rien du tout et je travaille de manière très irrégulière. Lorsque j’ai a une idée, je peux bosser une douzaine d’heures sans interruption. Mais je peux aussi attendre les idées pendant plusieurs semaines, voire parfois quelques mois.

Tout de même, Bruno essaie quand même assez régulièrement de suivre les nouveautés ludiques, en regardant plusieurs fois par semaine ce qui se passe sur Boardgamegeek.

Bruno : Souvent, c’est en jouant à d’autres jeux que j’ai une idée, quand je me dis « je n’aurais pas traité cela comme ça », ou « on pourrait mélanger avec ça » ou « si on prenait ce problème par l’autre bout ».

La rémunération, une préoccupation centrale comme le pensent certains ?

Pour Bruno c’est plutôt non.

Pour reprendre le questionnement de Matthieu Baiget dans un article de 2020 publié sur Ludovox :

« Comment donner une plus grosse part à l’auteur ? Retirer un intermédiaire et donner sa part à l’auteur ? Augmenter la taille du gâteau ? Réduire la part de l’éditeur au profit de l’auteur ? Recalculer les parts de tout le monde au profit de l’auteur ? ».

https://ludovox.fr/dossier-comment-mieux-remunerer-les-auteurs-de-jeux-de-societe/

Et de citer Bruno sur un post récent de sa page Facebook :

« Les enseignants et les écrivains ont le même problème lorsqu’ils demandent un salaire équitable.
Enseignants : Quoi ? Vous faites un travail socialement utile et vous voulez aussi être bien payé ?
Écrivains : Quoi ? Vous faites un travail passionnant et vous voulez aussi être bien payé ? »

Bruno Faidutti :

Les auteurs sont payés en droits d’auteur, donc en proportion des ventes, comme les écrivains. Ils ont généralement des pourcentages un peu inférieurs aux leurs, ce qui est un peu logique car le travail de l’éditeur est plus long et plus complexe.

Honnêtement, je ne dirais pas que nous sommes mal payés. Je me suis essayé un peu à l’écriture, je connais pas mal d’écrivains, dont certains qui ont un peu de succès. Nous sommes payés de la même manière qu’un romancier pour quelque chose qui demande beaucoup moins de travail. Écrire un roman, même relativement bref, cela demande beaucoup, beaucoup plus de boulot, et de temps, que concevoir et tester un jeu de société. Franchement, en comparaison des écrivains et même des auteurs de musique, les auteurs de jeux ne me semblent pas à plaindre. D’ailleurs, ceux qui abandonnent leur autre activité pour ne plus vivre que de cela sont proportionnellement bien plus nombreux parmi les auteurs de jeux que parmi les romanciers. Si je compare avec les enseignants, c’est encore plus net. Je consacre beaucoup plus de temps à la préparation de mes cours qu’à la conception de jeux, et c’est clairement moins rentable.

Trop de jeux tue le jeu ?

Le problème qui se pose dans le jeu de société est le même dans tous les secteurs de création culturelle, c’est la concentration des ventes sur quelques titres, quelques hits. Il faut donc faire un bon jeu, mais il faut aussi avoir de la chance, sortir au bon moment, chez le bon éditeur, etc.

Le résultat est que les revenus tirés de la création sont extrêmement concentrés sur quelques jeux, et qu’un auteur ne peut pas espérer en vivre tant qu’il n’a pas eu au moins un succès, un Evergreen.

Bruno a eu la chance d’en avoir trois ou quatre, mais il lui a fallu trente ans pour cela, et Citadelles continue à représenter à lui seul entre le tiers et la moitié de ses revenus.

Bruno : La pratique de plus en plus répandue des droits progressifs, c’est à dire d’un pourcentage qui augmente avec les tirages, tend à accroître ce déséquilibre, mais c’est aussi ce qui permet à des éditeurs de continuer à prendre des risques. J’ y suis donc aussi favorable. Cette rémunération en droits d’auteur me convient, et je ne vois pas trop ce qui pourrait efficacement la remplacer. Le salariat, ou la facturation à la tâche, sont assez rares parce qu’ils n’encouragent pas la créativité.

Ils sont bien plus fréquents dans le jeu vidéo, mais les créations y sont plus souvent un travail d’équipe, et les investissements des studios sont plus élevés.Et pour les rééditions, les choses ne devraient pas être différentes.

Unicorn forever ! Mais pourquoi pas un jeu sur les Licornes ?

Bruno fera peut-être un jour un jeu sur les Licornes, lui que l’on peut considérer comme un des plus grands spécialiste à son égard, mais il n’en est pas certain.

Bruno : Faire un bon jeu sur un sujet que l’on connait bien n’est pas garanti, loin de là. Pour faire un jeu, il faut simplifier les choses à l’extrême, travailler avec des clichés, ce qui est très difficile sur les sujets dont on est spécialiste.

Beaucoup de profs vous diront, de la même manière, que les thèmes qu’ils maîtrisent le mieux sont ceux qu’ils enseignent le moins bien !

Tout doit commencer par la règle

C’est peut-être trop facile de dire qu’il faut commencer par écrire la règle d’un jeu avant tout, venant de la part d’un agrégé en sciences sociales, thésard émérite, assimilable reconnaissons-le comme faisant partie d’une frange de l’élite intellectuelle, et de donner ce conseil alors que les neurosciences nous diraient peut-être de faire le contraire.

Ne dit-on pas que c’est à force d’être testé qu’un jeu évolue et que sa règle s’en trouve forcément modifiée ? Bruno n’a-t-il pas rencontré moult autres auteurs faisant autrement et réussir tout aussi bien ? Ne peut-on pas plutôt comprendre cette doxa comme étant simplement de se mettre d’accord sur une mécanique qui marche et de simplement la mettre par écrit pour ne pas l’oublier.

Bruno : Je ne prétends pas que ce soit la meilleure solution pour tous les auteurs, mais j’estime qu’avoir en permanence une règle écrite, que je mets à jour après chaque test, m’aide énormément. Cela me force à une certaine rigueur.

Les auteurs qui, comme mon ami Bruno Cathala, ne rédigent leurs règles qu’à la fin, quand le jeu est terminé, sont généralement ceux qui ont eu une formation scientifique. Ce n’est pas mon cas, et je dois donc me forcer un peu pour rester rigoureux.

Le dernier relecteur, c’est Bruno lui-même

Un jeu, au bout du compte, ce n’est qu’une règle. Bien sûr qu’une règle doit, comme tout texte, être relue, de préférence par un relecteur professionnel qui maîtrise à la fois les références ludiques et la grammaire, et ils ne sont pas si nombreux. Ceci dit, et la règle est ici la même que pour les livres, Bruno fait toujours une dernière relecture sur le pdf mis en page, en anglais et en français.

On pourra retrouver un developpement de cet aspect sur le blog de Bruno Faidutti en suivant le lien suivant : https://faidutti.com/blog/blog/2022/03/26/ecrire-et-traduire-une-reglewriting-and-translating-rules/

L’anglais avant tout ?

Bruno : je ne crois pas aux théories quasi ésotériques qui voudraient que l’on pense différemment en fonction de la langue que l’on parle au quotidien, autant il constate que certaines langues sont plus adaptées à exprimer certains concepts ou certaines idées. C’est ce que Voltaire appelait le génie de la langue, « son aptitude à dire de la manière la plus courte et la plus harmonieuse ce que les autres langues expriment moins heureusement ». 

De ce point de vue, l’anglais me semble bien plus adapté à l’écriture de règles de jeux que le français – sachant que je ne peux comparer que les deux langues que je maîtrise suffisamment pour les utiliser à l’écrit.

J’essaie de me procurer les jeux qui sortent en anglais, quitte à payer un peu plus cher, parce que je sais que les règles seront plus faciles à lire et à comprendre – et exemptes d’erreurs de traduction, mais c’est un autre problème.

Je rédige mes règles en anglais parce que c’est plus direct, plus bref, et que les ambiguïtés sont plus rares. L’anglais a par ailleurs, surtout dans les domaines un peu techniques et le jeu en est un, un vocabulaire plus riche.

Mais attention, Bruno n’est ni pour, ni contre l’utilisation de termes anglais dans les règles. Il pense simplement qu’il faut toujours aller au plus simple, et notamment quand un simple mot anglais ne peut être rendu en français que par une périphrase (exemple : le terme draft). En revanche, il trouve un peu ridicule les cas où des termes anglais sont utilisés là ou existe un mot français équivalent.

L’univers d’un jeu, c’est du ressort de l’éditeur

Bruno : C’est l’éditeur qui paie l’illustrateur, il est donc logique que ce soit lui qui le choisisse. J’apprécie qu’on me demande mon avis, et je le donne, mais je ne suis en rien fâché si l’éditeur ne le suit pas. De toute façon j’estime ne pas être très bon juge de la qualité d’une illustration.

Toutefois, il est très content d’avoir enfin un jeu comme Grail Cup, qui vient de sortir, illustré par John Kovalic, illustrateur notamment des jeux Munchkin ou Cash and Guns.

Bien sûr, Bruno a eu quelques déceptions, mais le plus souvent les éditeurs font bien leur travail.

Bruno : C’est d’ailleurs assez logique, ils ont autant que les auteurs intérêt à ce que les jeux se vendent.

Ainsi qu’il s’agisse du matériel ou des illustrations, je pense que des jeux comme Waka Tanka, Ménestrels, Venture Angels, Vabanque, Tonari, l’Ambition des Rois ou Trollfest – qui sont pourtant passés assez inaperçus, ce qui est un peu frustrant – ont été parfaitement édités.

« Il y a des jeux qui m’impressionnent« 

Bruno nous l’avoue :

Je ne joue plus à tout, il y a trop de sorties. Même en me limitant aux jeux dont je suis certain qu’ils sont bons, qu’ils en valent la peine, je n’y arrive plus. Je ne veux pas passer plus d’une ou deux soirées par semaine à jouer. Après, de temps en temps, il y a des jeux qui m’impressionnent, que j’aurais aimé faire – récemment, cela a été le cas avec Cursed Court, Night Parade of a Hundred Yokai ou Vaalbara.

  • Cursed Court

Les intrigues et les scandales de la grande noblesse du royaume sont une obsession pour tout le royaume. Plus particulièrement pour la petite noblesse, dont les fortunes peuvent être élevées – ou brisées – par ce qui se passe à la cour.

Dans Cursed Court vous devez tenir compte d’informations publiques et cachées, dont certaines sont partagées entre plusieurs paires de joueurs, lorsque vous misez votre influence limitée sur chaque saison de l’année. Au fur et à mesure que les machinations des neuf principaux nobles sont révélées, votre fortune va et vient. Au bout de trois ans, un vainqueur est couronné.

  • Night Parade of Hundred Yokai

Le roi Enma est introuvable. Son terrible château du Mont Feu étant vide, des clans asymétriques de demi-dieux oubliés depuis longtemps vont lever des armées et se battre pour conquérir les cœurs dans les îles du Japon.

Choisissez parmi 4 factions asymétriques et invoquez de nouveaux yokai en réalisant la parade nocturne la plus efficace. À chaque tour, activez l’une de vos parades pour envoyer des meeples hanter les îles, se déplacer et s’affronter. Dès qu’une île compte un certain nombre de yokai, les habitants construisent un sanctuaire pour les apaiser, renvoyant ainsi vos meeples dans votre zone de jeu. Une fois qu’un joueur a construit 5 sanctuaires, les joueurs restants ont un dernier tour, puis le jeu se termine et les points de victoire sont marqués en fonction des cartes cachées pour déterminer le vainqueur.

  • Vaalbara

Sous-continent de Vaalbara, ère néolithique. Votre tribu part explorer des terres inexplorées afin d’y établir des villages sédentaires. Utilisez les différents talents de votre tribu pour optimiser votre développement, étendre votre territoire et asseoir votre hégémonie !

Tous les joueurs disposent du même jeu de 12 cartes représentant les membres de leur tribu. A chaque tour, les joueurs choisissent secrètement une carte. Dans l’ordre d’initiative des personnages révélés, les joueurs vont pouvoir activer leurs pouvoirs et s’emparer d’un des Territoires disponibles. Chaque type de Territoire a sa propre façon de marquer des points (collection, paire, diversité, risque…).

Il sera difficile de choisir entre jouer les meilleurs pouvoirs et prendre des initiatives importantes au moment le plus opportun. Après 9 tours, le joueur qui a le plus de points remporte la partie et réunit les tribus du continent sous sa bannière !

Trop d’équilibre rend un jeu ennuyeux

Pour Bruno, on peut toujours optimiser un peu plus les réglages. Cependant un jeu peut être présenté dès qu’il y a plaisir à y jouer. Si, en plus, ses amis testeurs ont envie de rejouer, c’est que le jeu est vraiment bon.

Bruno : Quant à l’équilibre, c’est un concept utile mais dont il faudrait se méfier, car quand un jeu est trop équilibré, il peut devenir ennuyeux. C’est aussi pour cela que je fais surtout des jeux pour des joueurs assez nombreux (souvent à 3 minimum jusqu’à souvent 8), dans lesquels le problème de l’équilibre intrinsèque ne se pose pas vraiment – l’équilibre est créé par les décisions des joueurs.

Treasure of Dwarves vs 6 Suspects

Bruno : Treasure of Dwarves (Le Trésor des Nains), qui devrait paraître fin 2023 ou 2024 est le jeu qui a connu le plus de versions mais c’est surtout parce qu’il est passé chez plusieurs éditeurs, qui ont souvent suggéré des pistes de développement. S’il était sorti plus tôt, il ne serait sans doute pas aussi abouti.

Les jeux qui ont marché presque tout de suite, qui n’ont pas connu beaucoup de développement, sont plutôt des petits jeux de cartes, comme 6 Suspects, le premier jeu au format à la mode, 18 cartes, qui arrive bientôt chez Matagot.

Le top 5 des jeux de Bruno Faidutti qui fonctionnent le mieux

  1. Citadelles
  2. Mascarade et Diamant
  3. Le Roi des Nains et Raptor

Ce sont des jeux qui sont installés et qui, même si les ventes connaissent des hauts et des bas, ne vont sans doute pas disparaître. Whale to Look démarre très fort, mais est-ce que cela va durer ?

Bruno Faidutti + Serge Laget : un duo complémentaire

Serge Laget nous a quitté il y a peu, Bruno avait conçu avec lui des jeux comme Mystère à l’Abbaye, un des premiers jeux modernes de déduction à la Cluedo mais aussi, Kheops, Castel – Castle, Argo ou Ad Astra qui ressort dans sa version Artemis Odyssey.

Bruno : Serge était vraiment un type adorable, gentil, toujours prêt à donner un coup de main. Nous nous complétions assez bien, car il était plus intéressé par la stratégie, et par les parties avec peu de joueurs, tandis que je faisais surtout des tests avec des joueurs nombreux et me focalisait plus sur les interactions entre les joueurs.

  • Mystère à l’Abbaye

C’est un jeu mettant en scène une enquête policière, sur le mécanisme de base du Cluedo, mais dans une abbaye au Moyen Âge, dans une ambiance proche du roman de Umberto Ecco le Nom de la rose. Il sera réédité par les Italiens de Mojito Games suite à la campagne de financement récemment réussie.

Le tour de jeu se compose de plusieurs phases :
1/ le joueur actif avance la cloche d’un cran sur la carte « messe ». S’il vient de recevoir la pile, il pose la cloche sur la case 1. Si la cloche est sur la case 4, le joueur sonne la messe.
Si la messe est sonnée, toutes les figurines sont placées dans l’église. Chaque joueur donnera des cartes « suspect » de sa main à son voisin de gauche. On pioche une carte évènement et on applique les effets. La carte « messe » est mise sous le paquet et la cloche posée sur la nouvelle carte « messe » dévoilée. Le joueur actif change, et un nouveau tour commence.
2/ chaque joueur déplace son moine d’une ou deux cases. Si un moine termine son déplacement dans une case occupée par un autre moine, celui-ci peut poser une question. Le joueur adverse n’est pas obligé de répondre. S’il le fait, il pourra à son tour poser une question.
3/ le joueur pourra effectuer l’action correspondant à la case où se trouve son moine. Par exemple, piocher des cartes dans le Scriptorium, faire des révélations dans le Capitulum, piocher des cartes « suspect » dans le parlatorium, etc…
Des indices !
Les moines qui habitent le monastère ont des caractéristiques, un ordre, un rang… Lorsque vous posez des questions, vous allez pouvoir aborder ces signes comme par exemple « Combien de gros moines as-tu en main ? »… En procédant par élimination, et en vous aidant de vos notes, vous allez forcément vous faire une idée sur le coupable…

  • Kheops

Les règles sont simples et les tours de jeu rapides : on place un ouvrier (ou momie / prêtre … ou pharaon pour le joueur blanc) puis on ajoute une tuile au chantier de la pyramide, enfin on complète sa main de tuiles en piochant une tuile pyramide …

Quand on place son ouvrier on peut, si on se place sur une action immédiate, réaliser l’action qui peut être :
– réorienter une tuile couloir ou salle
– échanger de position entre 1 de vos ouvrier et un ouvrier adverse
– déplacer un de vos ouvrier

Une fois la pyramide construite on regarde les différents à comptabiliser : on retire le réseau maudit, on compte le nombre d’ankhs et chaque joueurs gagnent le carré du nombre d’ankhs, on regarde les réseaux pour déterminer le joueur majoritaire et on fait quelques petits calculs par réseau …

  • Castel

Castel est un jeu de pose de cartes où il faut se débarrasser au plus vite de sa main.

Elles représentent les personnages que l’on croise tous les matins dans un château : un roi, bien sûr, mais aussi un chevalier, une favorite, une princesse, un traître, une fée, un héraut, un espion etc.

Toutes ces cartes ont des effets en rapport avec leur fonction, et permettent généralement de renvoyer des cartes dans les mains de leur possesseur.

  • Argo

Dans le jeu Argo, vous dirigez une équipe d’astronautes qui se réveille de stase cryogénique dans une station spatiale inconnue. L’ordinateur de bord annonce qu’il a réveillé tous les humains présents car une présence hostile extraterrestre a été détectée dans la station! Il faut explorer la station pour trouver les navettes de sauvetage et fuir avant que tout le monde ne se fasse dévorer!

Mais voila, il y a plus d’astronautes que de navettes, et la compétition pour être parmi les survivants sera sans pitié! Certains n’hésiteront pas à précipiter leurs camardes dans les griffes des horribles extraterrestres pour les ralentir, et pour diminuer le nombre de concurrents. Attention cependant, si trop d’astronautes meurent, la partie s’arrète immédiatement et ce sont les extraterrestres qui l’emportent!

Argo est un jeu compétitif, avec un seul gagnant, mais les joueurs peuvent perdre face au jeu s’il ne coopèrent pas un minimum entre eux. Chaque astronaute perdu augmente le score des extraterrestres et s’ils ont plus de points que le gagnant, la partie est perdue! Les couloirs et pièces de la station Argo sont exigus, et il faut jouer des coudes et pousser les autres pour se frayer un chemin jusqu’aux navettes.

La mécanique de poussées et d’activation de pièces permet de mettre en place de très belles combinaisons, et garantit des situations différentes à chaque partie. Tout le monde reste en jeu jusqu’à la fin, car si un joueur est éliminé cela met fin à la partie.

Trop de bons jeux mais certains qui sortent du lot

Bruno : Il n’y a pas seulement trop de jeux, il y a trop de bons et même d’excellents jeux. Du coup, ça change tout le temps !

Je reviens d’un long week-end de jeu chez des amis, et les jeux que j’y ai le plus apprécié étaient Iki, Vaalbara, Sides, Heat, Le Clan des Loups, Parade of a Hundred Yokai…. Bref, presque tous ceux auxquels nous avons joué.

  • Iki

Iki se déroule à Edo (Tokyo) pendant la période du même nom (1603-1868). Dans le quartier de Nihonbashi, se trouve le marché le plus animé de la ville. De nombreux commerçants aux activités variées installent leurs étals et attirent une foule de clients. Non loin de la grande rue, se tient un marché aux poissons, où les bateaux apportent leurs cargaisons et où résonnent les appels des acheteurs et des vendeurs. Dans des maisons autour de la grande rue appelées Nagaya, habitent des artisans et des marchands, aux compétences diverses et nécessaires à la vie quotidienne des habitants d’Edo.

Une partie de Iki dure 13 manches : les 12 premières représentent les 12 mois de l’année et se déroulent de la même manière. La 13ème manche, le Nouvel An, se joue de manière un peu différente. Chacun des 12 premiers mois se déroule en 3 phases :

La 1ère phase « Mode de Vie », où les joueurs décident de leur position sur la piste Ikizama.

La 2ème phase « Actions » où les joueurs A) Recrutent un Personnage ou Perçoivent leur Revenu, puis B) déplacent leur Oyakata et effectuent des transactions dans la Grande Rue.

La 3ème phase « Événement et fin de manche » se déroule différemment selon le mois :

L’étape « Fin de manche » se déroule chaque mois.
Le Bilan des Comptes est effectué à la fin des mois 3, 6, 9 et 12 (c’est-à-dire à la fin de chaque saison).
Un Incendie a lieu à la fin des mois 5, 8 et 11

  • Sides

Sides est un jeu d’ambiance coopératif, de 2 à 9 joueurs, dès 10 ans, pour des parties d’environ 45 minutes, édité par Captain Games.

Dans Sides, on découvre toute la richesse de la langue. Il y a toujours une solution, une issue, un mot encore meilleur. La recherche de l’indice parfait devient votre but ultime. 

Pour réussir à faire découvrir aux enquêteurs un mot, les autres joueurs, les témoins, communiquent des indices qui doivent commencer par une des lettres qui se trouve aux deux extrémités de la ligne de Cartes-lettres.

Après chaque indice, les enquêteurs discutent et proposent, ensemble, une réponse. S’ils trouvent la solution, alors les enquêteurs changent et un nouveau mot est à découvrir. S’ils n’ont pas trouvé, un nouvel indice leur est proposé avec une nouvelle Carte-lettres. Une estimation de leur réponse est également apportée par les témoins.

Moins vous dépensez d’indices, plus vous pourrez faire deviner de mots et ainsi, obtenir un meilleur score.

  • Le Clan des Loups

Le Clan des Loups est un jeu de programmation, où les joueurs et joueuses vont devoir « construire » leur deck afin de planifier leurs actions. Celles-ci vont dépendre des types de cartes disponibles lors de son tour, et comme certaines actions demandent plusieurs cartes avec la capacité de prévoir à plusieurs tours ce qu’on va essayer de faire, tout en se laissant des marges de manœuvre pour changer de plan, si nécessaire. 

Le Clan des Loups est également un jeu d’expansion, où il va falloir construire (ici placer des tanières) et augmenter son nombre de personnages (ici de loups), pour pouvoir effectuer plus d’actions ou avoir plus de possibilités.

Les joueurs vont devoir trouver le bon mix pour s’étendre et gagner de l’influence, quitte à faire l’impasse sur certaines phases du jeu, pour marquer plus mais plus tard.

  • Heat

Heat est un jeu de course automobile qui se déroule dans les années 60 où vous pourrez vous affronter sur 4 circuits : USA, France, Grande-Bretagne et Italie.

Vous retrouverez des sensations ludiques similaires à Flamme rouge avec ce jeu, notamment la gestion de main et l’aspiration.

Appréhension du risque et prises de risque, gestion au mieux de la surchauffe et du refroidissement de votre bolide pour bénéficier de Boost ou avoir la possibilité de sauter un rapport seront les qualités qui vous seront demandées.

Bien sûr le hasard de la pioche est forcément présent et ne sera pas du goût de tout le monde, gérez au mieux votre main pour le limiter.

Le jeu propose une bonne courbe d’apprentissage avec un mode expert beaucoup plus profond.

S’ils n’en restait qu’un … ou deux

Bruno : Le Poker et Cosmic Encounter sont des jeux culturellement essentiels. Ils sont à l’origine de presque tout ce qui s’est fait depuis trente ans, et sont tous deux des jeux ouverts, qui encouragent les variantes, la créativité.

  • Rencontre Cosmique (Cosmic Encounter)

Dans Cosmic Encounter vous incarnez une race extra-terrestre ayant pour but la domination de la galaxie.

Le plateau de jeu se présente sous la forme d’une spirale galactique en rotation autour d’un trou noir. Chaque joueur reçoit un système planétaire de 5 planètes, 20 unités représentant ses forces de colonisation et un pouvoir spécial qui lui est propre : son pouvoir extra-terrestre.


Pour parvenir à imposer sa domination sur la galaxie les joueurs devront coloniser 5 planètes en dehors de leurs systèmes planétaires, c’est à dire sur les planètes de leurs adversaires. Les joueurs devront donc s’affronter au cours de rencontres cosmiques qui décideront du sort des mondes connus.
La résolution de ces rencontres se fait par l’intermédiaire d’un jeu de cartes selon une méthode qui n’est pas sans rappeler la classique ‘bataille’, mais à laquelle viennent s’ajouter des cartes aux effet spéciaux et les pouvoirs extraterrestres qui peuvent changer du tout au tout le résultat d’une rencontre.
Les protagonistes d’une rencontre peuvent aussi jouer de diplomatie pour inciter les autres joueurs à s’allier avec eux en échange de la promesse de récompenses. 

L’actualité du moment de Bruno Faidutti : Grail Cup et Artemis Odyssey

  • Grail Cup (Matagot)

Grail Cup est un jeu de course reprenant la mécanique de draft de personnages de Citadelles.

Ce sont les chevaliers de la Table Ronde qui cherchent à atteindre le château du Graal, avec l’aide de leurs amis l’Enchanteresse, l’Écuyer, Merlin, la Forgeronne, le Dragonnier, la Princesse, le Prêtre, la Fée et la Licorne.

Ces alliés choisis permettront d’avancer plus rapidement, de s’informer des possibles pièges, de s’y préparer, de changer sa place dans la course avec un autre personnage… Le jeu est plus léger, plus rapide que Citadelles.

  • Artemis Odyssey (Grrre Games pour la localisation / Grand Gamers Guild)

The Artemis Odyssey est une revisite du jeu Ad Astra, un jeu de gestion et d’expansion que Bruno Faidutti a conçu il y près de 15 ans avec Serge Laget.

Un contrat pour cette nouvelle version a été signé il y a quelques années avec l’éditeur américain Grand Gamers Guild qui a développé le jeu en étroite collaboration avec les auteurs.

C’est un peu la suite de The Artemis Project (Super Meeple) de Daryl Chow et Daniel Rocchi, un jeu de stratégie dans lequel les joueurs ont pour mission de construire la colonie la plus prospère d’Europe, la lune gelée de Jupiter.

The Artemis Odyssey est présenté plus dynamique que son prédécesseur Ad Astra, notamment grâce à des tours plus brefs et des déplacements plus rapides, avec un matériel moins sombre et donc plus lisible.

Pour Grand Gamers Guild “L’objectif est de le moderniser mécaniquement et visuellement, comme nous l’avons fait avec Endeavor : Age of Sail (et leur partenaire Burnt Island Games).”

Pour résumer, dans The Artemis Odyssey, devenez la plus grande Compagnie de la galaxie en découvrant de nouvelles planètes et en établissant des comptoirs prospères. Vous accomplirez votre volonté d’expansion et de richesses grâce à une mécanique ingénieuse de programmation cachée de cartes Actions sur un plateau commun.

Le système de production et d’exploitation des ressources du jeu est emprunté à Catan mais sans l’utilisation de dés ni la géographie d’un plateau de jeu. Situer l’action dans l’espace a permis d’éliminer les situations de blocage assez fréquentes dans Catane.

La production de ressources a été rendue dépendante des choix des joueurs et a permis d’éliminer la plus grande part du hasard. Le fait que ces choix soient faits avec des cartes jouées faces cachés introduit en revanche un peu de bluff et de psychologie, évitant de ce fait que cela ne devienne trop calculatoire.

Avec The Artemis Odyssey, nous avons donc à faire à une sorte de Catan mais plus complexe.

Comment cela se passe-t-il concrètement ? Les Actions seront révélées dans un ordre prédéfini et profiteront à l’ensemble des joueurs et joueuses, en donnant un avantage à la personne qui l’a jouée. Vous allez donc parfois compter sur le fait qu’un adversaire a besoin de jouer telle action tôt dans le tour pour ne pas avoir à la planifier vous-même et ainsi optimiser votre manche, mais sans en avoir la garantie évidemment.

5 types d’actions seront jouables réparties dans un deck de 11 cartes pour chaque joueur : 3 cartes de récupération de ressources (en fonction de sa présence de vaisseaux, colonies ou Usines sur les planètes), 1 pour les échanges de ressources par négociations ouvertes, 2 pour voyager en payant le coût de déplacement, 1 pour construire colonies, usine, vaisseaux ou terraformeurs et 4 servant à scorer sur un élément particulier (ressources identiques, planètes contrôlées, nombre de vaisseaux en jeu par exemple).

Le jeu se joue de 1 à 5 joueurs et même par équipe, à 6 ou 8.

En guise de conclusion hors entretien : The Artemis Odyssey ou la fin d’une polémique stérile ?

Une polémique a surgi concernant la traduction de la règle en français du jeu. Comme vous avez pu le lire plus avant, Bruno Faidutti aime proposer ces règles jusqu’au bout et encore plus s’il s’agit de traduction. Cependant, l’éditeur grenoblois Grrre Games, qui se charge de la localisation intégrale du jeu, n’a pas demandé à Bruno Faidutti d’en faire la traduction puisqu’il n’y avait rien de convenu à ce sujet.

Bruno Faidutti a proposé sa traduction, jugeant celle de Grrre Games moins aboutie. Bien qu’aillant entendu certaines remarques de Bruno Faidutti afin de saisir ce qui ne convenait pas, la traduction n’a pas été retenue par Grrre Games qui a rédigé la règle différemment.

La divergence sur la manière de rédiger une règle est plus ou moins la base de cette polémique, Bruno Faidutti préférant éviter les redondances d’explications en proposant une règle plus littéraire alors que Grrre Games a pris le parti de proposer des précisions de règles en complément de chaque cas général. Bruno Faidutti, ayant ses principes, appellera à préférer la version américaine de la règle – donc sa règle.

Toujours est-il que The Artemis Odyssey, en français comme en américain, est un très bon jeu de programmation qui mérite plus qu’une polémique et plutôt un coup de projecteur comme il n’en n’a pas eu pour sa première version – d’autant plus que cette version est encore meilleure.

Sorti en français, pour le marché francophone, sa règle satisfera tout acquéreur. Et celui qui n’arrivera pas à la comprendre – ce que je doute, pour l’avoir lue – pourra lire celle de Bruno Faidutti sur son blog. D’aucuns diront, deux explications valent mieux qu’une 🙂

A bon entendeur lecteur.

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1 réponse

  1. Cheesus dit :

    Waouh, excellent entretien, très complet ! J’ai hâte de voir arriver Treasure of the Dwarves, merci pour l’info 😀

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