[Entretien avec] Gorobei, illustrateur haut en couleur

Aujourd’hui nous avons le plaisir de recevoir Emmanuel Martin dit « Gorobei », talentueux dessinateur de BD dont vous êtes le héros (Pirates, Hocus Pocus, Your Thème Park, Kuala…), de Bushido, Atama Gardiens des esprits ou Dofus Monster, et illustrateur inspiré des jeux de société en Print and Play Inkalam ou Licornizer chez Superlude ou de Kuala (devenu Baïam) chez Blue Orange.

Peux-tu te présenter rapidement et donc nous résumer ton parcours ? D’où te viens ton surnom ou pseudonyme Gorobei ?

Auteur, illustrateur, né en 1982, breton bien installé à Toulouse. Bac S, master de langues étrangères appliquées. Pas mal de voyages, avec notamment une vie d’expatrié grâce à mon père et son métier. Mon pseudonyme, je l’ai choisi pour les forums (CFSL, Catsuka, GK board…), et l’ai gardé par la suite avec mes premiers travaux pros. Etant fan du cinéma de Kurosawa, avec une affection particulière pour le personnage de Gorobei des « 7 samouraïs », je me suis dit si ce n’est pas pris, c’est pour moi !

Est-ce que le dessin a toujours été une évidence pour toi ?

Oui, enfin en tout cas assez tôt, dès le primaire, et une fois de retour en France. Pas mal chahuté plus jeune sur mon physique dodu, j’ai trouvé dans le dessin un formidable médium pour m’exprimer, et finalement me faire des amis.

Parle-nous de ton rapport au jeu : es-tu toi-même joueur ? Si oui, as-tu des jeux favoris ?

Pour être franc, non. Cela m’arrivait de temps en temps plus jeune, mais finalement surtout du jeu de rôle, et sinon je reste un bon client de Trivial Pursuit ! Aujourd’hui, je n’ai pas de temps pour me lancer en tant que joueur, encore que cela pourrait changer avec ma fille. Ma fascination première sur le monde du jeu de société, c’est le graphisme, il y a une grosse liberté, et bien sûr les mécaniques, il y a quand même tellement d’ingéniosité !

Est-ce que passer par une école d’illustration à Nantes t’a apporté beaucoup de choses après avoir bourlingué à droite à gauche ?

Cela m’a apporté ce que je cherchais, d’ailleurs j’ai choisi de ne pas aller au bout du cursus, en ne faisant qu’une année. Comment fonctionne la lumière, comment s’articule un corps, les perspectives,  les couleurs, bref tout un tas de bases académiques essentielles pour tricher le mieux possible !

Tu as fait beaucoup d’illustrations de BD (Pirates, Hocus Pocus, ou Bushido …), travaillé pour des agences de pub ou pour Ankama Presse (Dofus mag, Akiba, Tchô ! Mag …) ; comment en es-tu arrivé à passer à l’illustration de jeux de société pour Superlude ?

Cela n’a pas été vraiment recherché. J’avais un œil sur cet univers, sans franchement m’y projeter. Néanmoins, les BD dont vous êtes le héros, comme Pirates ou Hocus Pocus avec Makaka et Kuala (appelé Baïam maintenant) chez Blue Orange, m’ont permis de mettre un pied dans le ludique.

Superlude m’avait approché il y a un certain temps, mais ça n’avait pas pu se faire à l’époque. Aujourd’hui, tout est bien aligné, et nous pouvons collaborer à tout feu !

A ton avis, d’où sors-tu ton style inimitable très coloré, jovial et plein de Peps ? Quelles sont tes inspirations ? Et as-tu quelques dessins à nous montrer ?

Je n’en sais trop rien quand j’y réfléchis. Compte tenu que je m’abreuvais (et toujours), des Hellboy de Mignola, des BD de Bill, Gobi et Fabien Mense de Catfish Deluxe, ou encore des cultissimes Dragon Ball de Toriyama, dont les traits sont nettement plus nerveux que le mien. Peut-être que tout s’est arrondi avec Dofus, et Ankama, qui a joué pas mal dans ma construction graphique.

Quelle part des techniques numériques et des techniques traditionnelles utilises-tu ? Et ton approche technique a-t-elle évoluée ?

Aujourd’hui, il n’y a plus de traditionnel dans mon processus, je fais tout sur écran tactil et avec un logiciel adapté. Cela n’a pas toujours été le cas, il fut un temps où tous mes croquis étaient travaillés à la mine rouge, encrés puis scannés, et la mise en couleurs, elle, a toujours été réalisée informatiquement. Maintenant j’ai certes préservé le geste, mais il n’y a plus de papier. Sauf en dédicaces !

Comment s’organise une collaboration avec un éditeur ? Qui choisit l’illustrateur, est-ce l’auteur ou l’éditeur ? Comment cela s’est-il passé pour Inkalam et Licornizer ? Et pour ces derniers as-tu joué au jeu avant de l’illustrer ?

J’ai dû démarché les éditeurs seulement en début de carrière, petit à petit des scénaristes sont venus me chercher, ou alors tout simplement l’on s’est rencontrés et appréciés, pour ensuite se lancer dans une collaboration avec l’espoir de signer. Pour le jeu de société, je n’ai jamais rien fait de tel. À chaque fois c’est l’éditeur qui est venu à ma rencontre, pour me proposer un projet qu’il voulait porter, et sur lequel il voyait mon style coller. Pour Inkalam et Licornizer, nous avions avec Superlude déjà quelque chose sur le feu, « Myriades », donc nous étions déjà en contact. Avec le confinement, Superlude est arrivé avec une idée et un modèle séduisant au regard de la situation d’abord, mais de manière générale aussi. Et comme je l’ai précisé avant, je ne suis pas joueur, cela dit j’ai regardé les règles, on m’a briefé aussi, mais non je n’ai joué à aucun jeu que j’ai réalisés !

Illustrer un jeu de société est-ce plus différent que d’aborder l’illustration d’une BD par exemple ? Y a -t-il plus ou moins de contraintes ?

C’est complètement différent ! Les codes narratifs sont différents, les intentions et donc les contenus  sont gérés tout à fait autrement. La BD est très codifiée, le sens de lecture, le mode de lecture, les rythmes, il y a un champs relativement large d’expression, mais au final on expérimente assez vite ses frontières. Le jeu, c’est un travail d’illustration, lequel va évoluer avec les mécaniques, en ça je dirais que c’est plus fun, et plus évolutif potentiellement. Mais ce sont deux exercices bien différents, ça c’est sûr selon moi.

Penses-tu que le fait de participer à la série Print n’ Play Time de Superlude te fait travailler différemment par rapport à la conception d’un jeu de société qui sort en boutique ?

Pour l’instant, je dirais que non. Il y a la volonté de proposer des choses imprimables chez soi selon un modèle que l’on pourrait trouver en boutique, dans une belle boîte et un packaging qui claquerait. Mais si à l’avenir Superlude propose une version solide de Licornizer et d’Inkalam, je répondrais peut-être autre chose ! Haha !

Continues-tu la BD ? Arrives-tu à vivre de l’illustration ? Et y a -t-il un système de droit d’auteurs dans l’illustration du jeu de société comme un auteur ?

Bien sûr je continue dans la BD, chez Dupuis et Makaka notamment. Je vis de ma passion, je dessine toute l’année durant, quasiment. Alors, il existe des royalties ou des droits, il me semble que c’est quelque chose d’assez récent, longtemps les illustrateurs touchaient un fixe et point. Cela dit la part visuelle prend une telle place dans la réussite d’un jeu, que cela aurait été injuste que cet intervenant n’ait pas droit à ce principe financier.

Peux-tu nous donner des informations sur ta participation à Myriades de Romaric Galonnier et Benoît Turpin toujours chez Superlude ? As-tu d’autres projets dans le monde du jeu ?

Oh, ce n’est pas très compliqué, j’illustre le jeu ! Beaucoup d’éléments sont posés et finalisés. Il nous reste une partie à traiter. Plus complexe à l’écriture, mais aussi plus intéressante, car elle porte sur du mode solo. Et c’est bête, mais un jeu de société qu’on peut jouer seul, ben je trouve ça très cool ! Je continue de faire des BD dont vous êtes le héros chez Makaka/Blue Orange – la prochaine sera d’ailleurs destinée spécifiquement aux plus jeunes. Je suis de nouveau sur le pont avec Morning et le jeu BUURN. Ensuite, et bien nous verrons ce qui se profile côté jeu, car je n’en sais pas plus !

Y-a-t-il un projet à plus ou moins long terme qui te tient à cœur mais que tu ne peux pas encore réaliser ?

Il y avait eu un projet que j’avais monté avec un ami – je dois garder son nom secret, au cas où un jour on le fait – en fait c’était une BD concept qui aurait intégré le lecteur de façon active au récit. Il s’en découlait plein de principes et de mécaniques, qui auraient fait de ce projet quelque chose d’incroyable ! Mais je ne perds pas espoir, le dossier est dans un tiroir, nous saurons le ressortir au bon moment j’en suis certain !

Y-a-t-il un auteur de jeu et un scénariste de Bd avec lequel tu aimerais travailler ?

Et bien non je ne crois pas. Enfin , c’est clair que si Mignola me contacte avec un p’tit scénar…. Mike, si tu me lis.

Allez, as-tu un scoop à nous donner ?

Ma moustache est fausse. Non, elle est vraie je rigole.

Pour continuer cette interview, je te propose de sortir le jeu “Questions de merde” de chez le Droit de perdre.

Ma femme a sélectionné 3 cartes, prêt ?

Première carte

Quelle serait ta dernière phrase à un ami avant de le trahir ?

On est souvent déçu par les gens, les amis, ça va ça vient, c’est pas ça qui compte.

A quoi reconnaît-on une relation qui va foirer ?

Quand le couple veut participer à un jeu de télé-réalité.

Quel serait ton nom de scène dans l’industrie du X ?

Gros Robert.

Deuxième carte

Comment signaler gentiment à quelqu’un qu’il a mauvaise haleine ?

« Prends un chewing gum Emile. »

Si tu étais un grand méchant, quel but maléfique poursuivrais-tu ?

Mettre des orties dans tous les rouleaux de PQ du monde.

Quel est le huitième péché capital ?

7 ça suffit bien assez non ? Les petits pois sinon. C’est n’importe quoi.

Dernière carte

Pourquoi Dieu a-t-il créé l’homme avant la femme ?

Encore faut-il croire à ça. Après j’imagine que son référentiel était une figure masculine, en supposant que Dieu soit masculin.

Si ton nom de famille devait être ta meilleure qualité, comment t’appellerais-tu ?

Fiable ?

A quoi reconnait-on un con ?

Ca ose tout.

Chers lecteurs, si vous avez aimé les dernières questions de cette interview, vous pouvez les retrouver dans le jeu “Questions de Merde “ chez Le Droit de Perdre.

questions de merde

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