[Carnet d’éditeur] Two Manta, épisode 1 – le grand plongeon !

La naissance d’une maison d’édition de jeux…

Two Manta c’est l’histoire de deux joueurs passionnés, Vincent Lafarge et Romain Foucault, qui décident de se lancer et de monter leur maison d’édition de jeux : Two Manta.

Préambule : il ne s’agit pas là de littérature mais d’un carnet de bord, une espèce de journal intime qui nous permet de dire pourquoi on fait ce qu’on fait, d’où on vient,… et qui fait qu’aujourd’hui on est là. Cette histoire ennuiera probablement pas mal de monde et ne trouvera au final que peu de lecteurs mais nous avions à cœur de partager notre projet, notre vision et notre expérience. Et peut-être que certains prendront plaisir à suivre cette aventure …

Au commencement il y avait les cartes…

Cette histoire naît alors que Vincent est ingénieur dans une grande entreprise à Paris et que Romain dirige à Rodez (Aveyron) l’entreprise familiale créée par son père. Une rencontre ne serait pas née sans un jeu de cartes : Warhammer Conquest, le LCG de Fantasy Flight Games. A l’occasion d’un déplacement de Romain dans la capitale, un tournoi crée la rencontre, après que le Helldrake de Vincent “Tukar’s” aura anéantit les troupes de Romain “Elmios”, les deux burent une bière, puis plusieurs autres la fois d’après et chaque tournoi à Paris, Lyon, Milan ou Rodez fut l’occasion de renforcer une amitié sincère entre les deux.

Une amitié née du jeu mais qui s’est poursuivie en dehors des jeux de cartes. Jusqu’au jour où Romain propose à Vincent de rejoindre son entreprise d’environ 250 personnes pour diriger la partie fabrication, production, logistique (sic : des compétences intéressantes aussi dans le monde du jeu non ?). Vincent est de ses hommes assez fou pour accepter ce genre de défi et faire déménager sa famille au fin fond de la campagne aveyronnaise.

La collaboration au quotidien

Une amitié peut-elle résister à un lien de hiérarchie et au fait de se voir tous les jours au travail ? Oui et chaque repas ou café était une occasion de plus de parler de jeux, de tournois, de stratégie, d’idées de designs,… et de prolonger les soirées avec les autres copains de la bande. Mais c’était aussi l’occasion de voir quelles étaient les valeurs de l’autre dans le travail, si le câblage et les aspirations étaient les mêmes. Tous deux motivés par le fait de réunir les gens, de prendre des décisions dans le sens du client, mais également tous deux horripilés par les mêmes comportements.

Mais comment vient-on d’une situation de rêve au saut dans le vide ?

Oui, nous avions une situation de rêve, de bons salaires, des collègues supers, un cadre de vie génial avec l’assurance d’un emploi stable. Le tout avec chacun une famille à charge. Mais il y a un mais. Il y a tout d’abord un secteur d’activité (la santé) qui ne nous apportait plus satisfaction. Il y a également eu le COVID, avec les changements que cela a eu sur la société, les multiples discussions qui nous ont amenées à rêver de notre futur, puis il y a eu le décès de Chris, notre grand ami. Un truc qui nous rappelle que la vie est courte.

Alors comment ce saut dans le vide s’est produit ? Tout d’abord Romain qui a pris la décision personnelle de changer pour reprendre sa couleur, son envie, sa liberté et pour exprimer sa fantaisie. Puis lorsqu’il a fallu évoquer à Vincent ce choix et pourquoi pas la possibilité de monter une maison d’édition, la réponse fut immédiate : “Non tu ne la monteras pas en solo, nous le ferons à deux !”.

Les gars vous êtes bien rigolos mais vous avez chacun une famille…

On entend encore nos femmes nous rappeler ce petit détail. Mais c’était un détail. Nous abandonnions délibérément une situation enviée par nombre de personnes pour nous jeter dans une aventure ô combien risquée, et avec des perspectives de rentabilité dont il vaut mieux ne pas rêver… Mais le frisson, c’est la seule chose qui compte. L’envie de faire, de créer, d’exprimer ce qu’on veut. La sensation d’être 100% libre de faire ce qui nous plaît et d’être en accord avec nous-même.

Notre volonté est simple : apporter au secteur ludique notre envie, notre expérience venue d’ailleurs, notre créativité et surtout notre motivation de faire plaisir aux joueurs autant qu’on se fait plaisir. Nous ne cherchons pas la gloire, ni la richesse, juste le plaisir.

La constitution de l’entreprise…

Bon ben une fois qu’on a tous les deux choisi de changer d’univers, de nous lancer dans la grande aventure, vu qu’on est passionnés et que nos anciens taffs prenaient tout notre temps voir plus, et qu’on ne fait pas les choses à moitié… on quitte nos jobs respectifs.

Mais notre ambition est forte : vivre du chômage le temps de construire l’entreprise (vive l’ARE et vive la France) et de la faire fonctionner, puis vivre avec nos économies un temps si ce n’est toujours pas suffisant pour pouvoir commencer à nous payer !

Les piliers de l’édition

Quand nous nous sommes mis en tête notre projet, nous nous sommes largement documentés. Nous avons lu, cherché, échangé sur le sujet. Nous avons regardé la croissance du marché (21% pendant le COVID, 10% environ depuis), le volume de sorties annuelles (entre 800 et 1000 jeux par an en France) et nous nous sommes projetés.

Nos échanges avec différentes personnes du milieu ont mis en avant 4 piliers nécessaires pour devenir éditeur :

• La passion du jeu de société (le plus simple 🙂)
• Savoir gérer financièrement une entreprise. Ne confondons pas le chiffre d’affaires et le bénéfice.
• Savoir gérer des projets de sa conception à la réalisation finale. Un jeu est un grand projet unique à lui seul.
• Maîtriser les règles du commerce et du marketing. Un exercice difficile mais vital dans le monde du jeu au vu du rythme grandissant des sorties.

Un duo de choc ? À défaut d’être chic !

Romain connaît la gestion d’entreprise, le commerce, le marketing, le management, le droit. Il aime le risque, les trucs à la con qui le font rire, mais il fonctionne au coup de coeur, à la passion.

Vincent connaît la production, les cahiers des charges, la logistique, la relation avec la Chine. Il a une mémoire d’éléphant, et il est cartésien. Il lui faut des chiffres pour le rassurer même s’il sait foncer quand il faut.

Un duo complémentaire et à qui il manquera essentiellement les compétences en graphismes pour être autonomes dans l’aventure ! Une association à 50/50, car c’est la seule formule que nous avons envisagée.

Le choix du statut juridique

L’étape de la création officielle d’une entreprise est très importante dans le cycle complet. Et c’est bien normal car le choix des différents statuts juridiques va avoir un impact pendant toute la vie de l’entreprise. Et force est de constater qu’on peut rapidement être perdu dans toutes les options disponibles et en plus sans vraiment connaître les différences. SAS, SA, SARL… il y en a pour tous les goûts !

Alors pour choisir, mieux vaut être bien entouré et c’est là qu’intervient le meilleur ami des chiffres : l’expert comptable. C’est la première personne que nous sommes allés voir et avec lui, nous avons constitué notre SAS. A tous ceux qui voudraient se lancer dans cette belle aventure, n’oubliez pas cet allié !

Bon quel nom pour notre boite…

Nous sommes deux… On a donc le Two assez évident. Pourquoi la Manta ? Symbole de sagesse, de liberté. Cela représente le grand plongeon dans une nouvelle aventure, l’aspiration de nager dans une eau qui correspond à ce que l’on recherche. Mais surtout c’est une référence à… nos raies. Que l’on remarque si souvent quand on est assis à une table de jeu. C’est l’argument qui a su convaincre Vincent.

Nous nous appellerons donc Two Manta.

Une approche sérieuse quand même !

On a des idées loufoques certes – et de l’auto dérision. Mais nous sommes sérieux dans notre approche, nous voulons faire les choses bien. Et pour cela il y a besoin d’argent pour être considérés comme fiables par nos banques ou par nos partenaires. Alors on a décidé d’investir personnellement une somme importante ou tout du moins suffisamment pour être crédibles par les distributeurs, les fabricants, les auteurs,… Bref le milieu. On ne veut pas faire un jeu et voir comment ça se passe mais on souhaite s’implanter et durer.

Two Manta c’est pas le poisson, c’est la passion !

Alors de fil en aiguille, les éléments concrets ont pointé le bout de leur nez : un logo, une présentation pour les partenaires, une autre pour les institutionnels, un espace de travail, et un site web à notre image.

Mais tous ces éléments n’ont au final que peu d’importance car ce qui compte c’est ce que nous produirons. Nos jeux. Nous serons jugés dessus et c’est tout naturel ! Ce qui fait une transition idéale vers… quels sont nos futurs jeux ?

La ligne éditoriale

Éditer des jeux c’est cool ! Mais quel type de jeux ? Vous l’avez peut-être compris nous sommes des joueurs à tendance experts, capables de passer des nuits à jouer / optimiser ou à traverser le monde pour faire des tournois, mais est-ce que c’est ça que nous voulons éditer… je sens que la réponse approche !!

Des jeux familiaux… mais pas que !

Rapidement nous avons écartés 3 types de jeux :

• Les jeux enfants, on en a 2 chacun à la maison et on a notre dose même si on les adore !
• Les jeux experts, car on ne souhaite pas faire des jeux pour nous ou tout du moins qui s’adressent à un nombre trop faibles des joueurs.
• Les jeux qui viennent de nous. On ne s’auto-édite pas ! On veut pouvoir garder un œil critique sur nos jeux davantage que sur nos enfants.

Ce que nous voulons c’est contribuer à faire grandir le secteur et amener les familles à devenir de plus en plus joueuses. Avec notre touche à nous naturellement. Pour cela on veut tout d’abord éditer des jeux familiaux, qui permettent de faire découvrir le hobby à différents types de personnes mais qui ne soient pas des jeux simplistes pour autant. Mais nous voulons aussi des jeux taquins où on puisse se faire des coups fourrés et que l’interaction soit présente.

Et naturellement petit à petit nous glisserons aussi vers des jeux initiés, car un peu plus joueurs, avec un peu plus de richesse de mécaniques, bref de quoi satisfaire davantage les joueurs que nous sommes tout en créant une passerelle pour les familles.

Comment trouver nos jeux ?

On entend souvent les éditeurs dire qu’ils sont noyés sous les mails de propositions de prototype. Quand personne ne nous connaît objectivement ça va. Spontanément les gens ne se lèvent pas le matin en se disant tiens je vais écrire à Two Manta et c’est normal. Alors comment trouver nos jeux dans ce contexte ?

Premièrement les festivals et concours. Nous les avons écumés Montpellier, Toulouse, Paris, Parthenay, Boulogne-Billancourt… De nombreuses tables d’auteurs permettent de tester des protos de jeux, avec au milieu de belles surprises, et des médailles pour les jeux qui tournent le mieux… une inspiration ?

Deuxièmement la veille sur Internet et sur les réseaux sociaux. En approchant les grands événements comme Essen, des auteurs partagent parfois leurs créations sur les réseaux de designers pour avoir les commentaires de la communauté de créateurs. L’occasion parfois d’intercepter une idée prometteuse…

Et enfin les connaissances, les rencontres qui font qu’on voit des gens, qui connaissent des gens, et on voit de nouveaux prototypes.

Mais du coup y a-t-il vraiment du choix ?

Certaines personnes nous ont déconseillé les concours ludiques, car les bons jeux ne passeraient pas par cette étape. Mais force est de constater qu’on a trouvé quelques pépites. Et c’est bien normal. Car ceux qui ne passent pas par là, ce ne sont pas ceux qui ne sont pas créatifs mais ceux qui ont plus de mal à frapper à la porte des éditeurs car en manque de notoriété dans le milieu.

Pour autant des jeunes pousses pleines de talent il y en a. Et on en a trouvées ! Alors peut-être que leurs repères ne sont pas les mêmes que les vieux baroudeurs du secteur mais c’est en forgeant qu’on devient forgeron et c’est pareil pour nous. Du coup trouver un jeune auteur pour publier son jeu ça nous va bien, entre novices … 🙂

Alors quel fut notre premier choix, comment on l’a identifié et où est-ce qu’il nous mène ?

Tant de questions qui auront leurs réponses dans un futur carnet de développement appelé Alvéola (attention spoiler sur le jeu).

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