[Matos] Studio Twin Games, ou la fabrique artisanale du pion de joueur pour sublimer une expérience de jeu
Dans l’univers du jeu de société, il existe de plus en plus de joueurs adeptes de la personnalisation (une customisation que l’on peut appeler le pimpage) ; on pourrait appeler ces joueurs des « ludo-pimpeurs ». Ils cherchent à sublimer l’expérience de jeu en « transformant » le matériel de leurs jeux favoris. Cela peut passer par la décoration, l’optimisation ou le rangement (le pimp my box) lorsqu’on aborde l’aspect pratique du pimpage. Pour ce dernier point je vous laisse aller faire un petit tour dans l’article paru en 2020 sur Undecent.fr sur les sociétés françaises Techmake et Pimeeple .
Souvent on veut un jeu bien à soi, qu’on serait encore plus fier de montrer à ses amis, des amis qui pourraient presque nous envier. Attiser la convoitise. Je sais, ce n’est pas bien. Je ferai acte de contrition. Ou alors plutôt un jeu presque unique qui susciterait un engouement important, un petit quelque chose qui offrirait un attachement particulier à ce jeu qu’on apprécie particulièrement et pourvoir le partager aux autres.
Studio Twin Games : Le Twinple au cœur du jeu
Dans cet article il sera question d’une personnalisation très accessible, à savoir le remplacement d’une pièce de jeu essentielle : les pions des joueurs. Et on ne manquera pas dans l’article de donner notre avis à leur sujet !
Aide mémoire de votre rôle, ou simple agrément esthétique, à vous de choisir
Nos jeux préférés, on les adore et on est souvent attentif au matériel, et parfois il manque un petit quelque chose pour rendre nos parties encore plus immersives. Car les pions joueurs, ce sont parfois de simples jetons, des pions en bois peu avenants ou des pièces de plastique basiques. Pour avoir vu à de nombreuses reprises sur des groupes Facebook des photos de passionnés de jeux de société parler des Twinples leur permettant d’agrémenter leur expérience de jeu, j’ai voulu en savoir plus sur cette entreprise artisanale française.
Nous allons tenter de percer à cœur cette société créée par David Allanic – dit David « Tween » de son surnom – qui tente d’embellir à sa manière et de renforcer l’expérience de jeu en lui ajoutant donc une plus-value : le pion personnalisé, le Twinple.
Studio Twin Games : du trophée des cocktails d’Or au Twinple pour en arriver à l’édition d’un jeu : Althing
La création en 2009 de Studio Twin Games est plus ancienne que les Twinples (2014). Et la genèse, c’est tout simplement une rencontre avec Matthieu D’Epenoux (Coktail Games) et les Cocktails d’Or.
Le Cocktail d’Or c’est le prix de l’éditeur de jeux COCKTAIL GAMES qui récompense ses propres éditions. L’idée est de mettre en lumière ses propres coups de cœur ludiques. Cette remise de prix est scénarisée avec humour et légèreté autour d’un cocktail dînatoire lors du Festival International des Jeux à Cannes.
D’ailleurs, plus tardivement c’est le Pion d’Or que studio Twin Games réalisera.
Le Pion d’Or© est une récompense décernée à un jeu de société en fonction du nombre d’exemplaires vendus dans le monde. Une récompense internationale, aux critères objectifs sans partialité à l’image des Disques d’Or© dans l’industrie de la musique
La structure de Studio Twin, en auto-entreprise, n’a, à l’origine, été conçue que pour cela : créer un cocktail d’Or unique pour la 3e édition de cette soirée mythique du festival de Cannes. Et le nom est tout simplement lié au pseudo de David « Tween », qui vient des temps anciens du lycée où ses petits camarades n’écrivaient pas correctement l’anglais. Il est aussi lié au fait qu’à cette époque il « s’amusait » avec son comparse Nicolas à créer des protos de jeux. Ils se voyaient – à deux – éditeur dans le futur ; après tout pourquoi pas, Ils étaient alors bien jeunes.
2014 : l’envol de Studio Twin avec les premiers Twinples
Studio Twin games a réellement pris son envol avec la création des premiers Twinples en 2014 et les 6 premiers modèles de pions joueurs du jeu coopératif l’Ile interdite que David affectionne particulièrement.
Puis il s’est affirmé en 2018 avec la mise en production interne d’une grande partie des modèles et le passage en SASU (Société par Actions Simplifiée Unipersonnelle). Aujourd’hui c’est une nouvelle étape que Studio Twin franchit en éditant leur « premier jeu » avec des Twinples dedans : Althing et même des boites de magie.
A la base, la passion des figurines
Studio Twin Games n’est pas réellement issu d’un « choix de travailler dans le secteur du jeu ». C’est arrivé petit à petit, de fil en aiguille, de rencontres en rencontres, l’envie de passer des étapes est venue. A l’origine, David est surtout un passionné de figurines, qui a évolué vers le jeu de plateau au grès des rencontres et des amitiés, jusqu’à finalement changer d’orientation professionnel en 2016, pour aujourd’hui travailler pleinement dans le secteur du jeu de société mais qui, de son aveu, est très vaste finalement. Il nous rapporte qu’il en apprend encore tous les jours. Et il faut dire aussi que le milieu ludique a énormément évolué depuis les premiers Twinples.
Une production 100% artisanale française
On peut totalement parler de production artisanale Française, tous les Twinples sont fabriqués en France depuis le début. Même si au tout début ce n’est pas Studio Twin Games qui les produisaient. C’est en très grande partie le cas aujourd’hui à quelques exceptions près (depuis peu), pour des raisons de volumes et de temps et puis David nous avoue que c’est agréable de retravailler avec des personnes que l’on apprécie.
Le process de production est le moulage basse pression de résine dans un moule souple silicone. Contrairement à un moule rigide en acier pour le plastique, nous avons donc la souplesse des petits tirages sans les contraintes de contredépouilles moyennes lors de la conception des pions. Studio Twin essaye néanmoins d’optimiser au maximum plusieurs aspects de la chaine de création pour permettre un Twinples abordable, en comparaison d’une figurine 28mm dont la technique de moulage est sensiblement la même.
L’avis d’Undécent.fr sur les Twinples
- Les pions sont de très bonne qualité, très bien détaillés, pas de bavure.
- L’encombrement est moyen par sa taille relativement petite (2,5 cm). Le pion est très stable, équilibré avec des couleurs bien tranchées. Pas de soucis donc pour les daltoniens par exemple.
- Il est possible de les peindre.
- Il y a un choix impressionnant de modèles passe-partout aux thématiques variées. Médiéval, fantastique etc … Plus de 350 modèles différents ont pu voir le jour !
- Les Twinples que j’ai eu en main offrent un très bon rendu et une belle plus value pour un prix tout à fait correct compte-tenu qu’il s’agit en plus d’une fabrication française. En général les 4 pions sont à 7-8 € et lorsqu’il y a plus de matériel cela passe à 12-15 € (Les Ruines de Narak, Fertility, Colt Super Express) pour arriver à une vingtaine d’euros pour de multiples pions comme dans Inflexible Normandie. Franchement ça a une autre allure que des pions tout lisses qu’ils soient en bois ou en plastique.
- J’ai ainsi pu améliorer l’expérience de jeu de Dice Forge, le Désert Interdit, Pandémie, les Taxis de la Marne et Istanbul (avec ses extensions). Et des pions plus génériques qui peuvent convenir à plusieurs jeux. Après les avoir utilisés, dur de revenir en arrière avec les pions de base !
- La proposition de pion pour Clank! est plutôt originale et rend très bien.
- On peut certes regretter que la matière soit à base de ressources issues de la pétrochimie mais des pions en bois ne pourraient pas apporter cette finesse et la résine est toujours moins quantitative que le plastique au niveau de la production. On est ici sur du sur-mesure en flux tendu.
- Comme le dit si bien David sur le site Studio Twin : « joueur averti ou non, une fois que vous y prendrez goût, vous ne pourrez plus vous arrêter » !
Ça se passe où et avec qui ?
Le lieu de travail principal est le sous-sol de la maison de David et son équipe a bien évolué au fil des ans, même si, dans les faits, elle n’a pas de salarié aujourd’hui. Flavien et Margot sont présents quotidiennement, quand d’autres sont là de manière plus ponctuelle mais néanmoins indispensable : Bérengère, Nicolas, Jimmy, Wilfrid, Bernard, Marianne, Marine, Nathalie, Mireille et d’autres. Les apports de chacun forment un tout qui permet à Studio Twin games d’être là et de progresser en permanence. Ne pas sous-estimer les petits apports et petites discussions qui souvent amènent, parfois bien plus tard, à des évolutions significatives.
De la sculpture faite main à la conception 3D par ordinateur
Au commencement, tous les Twinples étaient sculptés à la main par David. La base étant le pion classique en bois qu’il venait « habiller » avec un médium bi composant qui sèche à l’air. En général c’est du milliput (une pâte à modeler époxy), ou du green stuff (un mastic époxyde), ou les deux. Depuis, la 3D est entrée en ligne de compte avec des composants sculptés sur ordinateur, plus simples et rapides à concevoir en 3D plutôt qu’à la main. Certains modèles sont intégralement sculptés en 3D, comme les prochains Twinples du jeu Mini Rogue. Aujourd’hui Flavien seconde Davis là-dessus (à quatre mains pour Inflexible Normandie par exemple), voir réalise les modèles intégralement (la proposition pour Clank ! par exemple). La forme du début évolue beaucoup ces derniers temps, pour répondre au mieux aux différentes demandes et contraintes de sculptures. Une fois le « master », la pièce sculptée, ou imprimée réalisée est ensuite coulée dans du silicone puis dupliquée en résine teintée dans la masse. C’est David qui s’occupe de cette étape. Ensuite vient l’emballage, et là c’est fonction du volume ou des modèles, sous licence ou intégrés dans la base universelle du Studio. Ce sont pour la plupart leurs petites mains qui vous préparent toutes ces boites.
Être écoresponsable avec de la résine … pas évident … mais moins quantitatif que le plastique
En toute honnêteté, Studio Twin Games a du mal à s’intégrer dans une démarche complète d’éco responsabilité. Ce qui semble important pour David, c’est d’arriver à produire en France, en petite et moyenne série, un produit qualitatif à un prix raisonnable. La résine reste un dérivé de produit pétrochimique, ce qui n’est pas forcément écolo en soit. C’est moins quantitatif que du plastique. Et bon, si le bois ou le jeu vient de Chine, est-ce mieux ou moins bien ? Comment prend-t-on en compte l’impact du transport ? La question est vaste et complexe.
Reste que la plupart des Twinples sont produits en flux tendus et donc il n’y a pas de « surstock », voire de stock réel de la plupart des références. Dans le cadre de contrats de licence ou du Twinples unitaire pour les salons, Studio Twin produit toujours un peu en avance, pour avoir de la réactivité, mais cela reste relativement faible et maitrisé. Le stock réel serait plus sur les éléments de packaging, pour la plupart en carton et imprimé en Europe, hormis le fameux sachet zip … mais là Studio Twin travaille avec les standards pour réduire au maximum son impact.
Ainsi, dans le cadre de l’édition de leur nouveau jeu Althing, il paraissait évidant pour Studio Twin que l’imprimeur devait se trouver en Europe. L’écoresponsabilité est une ligne de conduite où l’on marche sur un fil, tout en essayant de répondre au mieux aux attentes des joueurs. Studio Twin a également fait le choix de limiter l’emballage au juste besoin pour réduire les déchets (emballage du produit et emballage d’expédition).
Pas un Twinple, mais une gamme de Twinples
Pour faire simple, il y a le « Twinples originel » celui conçu à l’origine pour les jeux coopératifs l’Ile interdite et Pandémie, respectivement sous boite licence et proposition studio. Ce format, c’est le pion, habillé. Ce format Sa morphologie a évolué, avec les pions pour Dice Forge ou Magic Maze par exemple, pour coller à des designs imposés. Elle introduit même de nouveaux types de réflexion, avec les « Token représentifs » comme pour les jeux Nemeton ou Fertility, ou les « meeples habillés » comme la proposition de Clank!. On peut dire que l’on passe encore une étape avec ceux à venir en aout de Mini Rogue chez Nut’s publishing.
Les fers de lance de la production Studio Twin
Il y a quelques modèles de gamme qui fonctionne mieux que d’autres ; ce pourrait être le Twinple « Roi avec sceptre » de la collection studio qui est le modèle le plus produit car il sert à beaucoup de jeux. Pour les Twinples spécifiques à certains jeux, c’est assurément les Twinples pour Celestia, Dice Forge et Magic Maze. Et la collection proposée pour Pandémie dans son ensemble. La proposition à venir pour les Ruines de Narak est plutôt très attendue et celle pour Inflexibles Normandie a très bien démarré. D’autres modèles et formats sont en cours de réflexion ainsi qu’une rationalisation de plusieurs modèles (350 depuis 2014 tout de même !). Beaucoup de nos fans veulent collectionner ceux qu’ils préfèrent et il faut que Studio Twin se renouvelle et s’adapte aux demandes.
Les choix de Studio Twin : La passion du jeu, des demandes de joueurs et des rencontres d’auteurs
Les choix de conception des premiers twinples était liés aux jeux auxquels David jouait personnellement. Puis les pions de ses prototypes de jeux ont donné la gamme collection qui n’est pas affiliée à un jeu donné. Les discussions et demandes des joueurs ont permis de faire des « packs propositions » permettant de regrouper par exemple, un elfe, un nain, un barbare et une magicienne pour jouer à Magic Maze et plus tard ont donné lieu à une boite sous contrat.
Studio Twin rencontre des auteurs et beaucoup de personnes du monde du jeu de société. David a adoré faire les petits archéologues pour Archéologia, ou le marchand d’Yspahan. Shakespeare créé pour Ystari est un bon souvenir également. Studio Twin a aussi créé spécialement pour des boutiques. Chaque modèle a sa petite histoire de rencontre, son idée délirante, voir simplement une anecdote de sculpture.
Studio Twin Games édite également des jeux de société ! D’abord Catch The King.
David nous parle de cette expérience qui est devenue réalité.
Là encore, on en revient à la base, le Twinples est un pion de jeu. Je joue. J’ai donc déjà envie moi-même de me laisser contaminer par ma propre passion. Pour Catch the King, c’est « à cause » d’un manga, Vinland Saga, que j’adore et qui en montre un. À la suite de recherche je retrouve le jeu. C’est le Hnefatalf, un vieux jeu nordique disparu donc les règles nous sont tout de même parvenues. Mais voilà, après plusieurs tests et recherches sur différentes versions, notamment le tabblut, le jeu a pour moi un défaut d’équilibrage dans ses règles actuelles. J’ai mi 2 ans à mettre le doigt dessus et inventé des variantes au passage. Après à force de parler du projet, les gens montrent de l’intérêt, on cherche des solutions pour rendre le projet viable et on se lance au petit bonheur dans un projet d’édition un peu fou et absolument pas rentable, mais tellement plaisant. Aujourd’hui je suis très content du succès d’estime de ce jeu très particulier qui fait qu’il continue à vivre petit à petit et avec des retours très positifs.
Quand vous commencez à mettre le doigt dans un engrenage, cela donne le petit nouveau : ALTHING
Il suffit d’une rencontre et d’un projet alléchant et dynamique, présenté au bon moment et hop vous avez le début d’une belle histoire comme Althing avec Flavien Champenois. La situation sanitaire passant par-là, ce projet qui n’aurait pas dû voir le jour sur Kickstarter, car il n’en possède aucun code, et il s’est pourtant vu crédité d’un engouement fort sympathique. C’est un jeu de course, avec roulement de main sur fond de deckbuilding. Prévu initialement à deux, il a été développé à trois ou en solo contre Thorfinn, un joueur fictif. Les parties sont annoncées rapides et nerveuses et donnent envies d’en refaire. Le test est bientôt prévu sur Undécent.fr. Chacune apportant une nouvelle épopée et donc une jouabilité différente et renouvelée. C’est ce qui a séduit David dans ce jeu pour en faire la 2ème expérience d’édition de Studio Twin.
David nous dit :
Quand vous enchainez trois parties d’affilées avec votre femme d’un proto et que vous avez envie d’y rejouer et de développer le jeu, c’est forcément bon signe. Non ?!
Althing a répondu à l’appel du public (après un financement en Kickstarter) et est sorti le 18 juin, porté auprès de vos ludiquaires préférés par la maison de distribution Néoludis.
Il y a aussi une rencontre là encore, comme celle de Jimbreizt qui fait que Studio Twin édite des boites de magie depuis l’année dernière.
Studio Twin : c’est le contact sur les salons, les ventes sur Philibert, dans certaines boutiques et des commandes sur leur site Internet
Studio Twin et ses twinples s’est fait connaitre petit à petit sur les salons et via leur premier client boutique : Philibert. David remercie Mickael pour sa confiance au tout début de ce projet car ce weekend là à Cannes il y a 6 ans, il s’est passé beaucoup de choses sur le petit corner du stand Cocktails games. Depuis Studio Twin vend via son site ou dans plusieurs boutiques Françaises, en Allemagne, en Suisse, en Belgique, en Angleterre, aux Etat Unis, en Espagne, etc… Leur communication a pour base les réseaux sociaux, type Facebook, Instagram, Twitter.
L’originalité de Studio Twin Games ?
Le collectif et la passion du jeu sont notre force. Le plaisir de la création et l’histoire qui en découle font notre originalité. C’est très dur comme question !!
David Allanic
Propos recueillis par Laurent.