[Entretien avec] Vincent Dutrait
Aujourd’hui j’ai l’immense honneur d’interviewer le génial Vincent Dutrait, un illustrateur prolifique de grand talent qui a travaillé sur Museum chez Holy Grail Games, QueenZ chez Mandoo Games, L’île au Trésor chez Matagot, la couverture de Robinson Crusoé chez Portal Games, Atlantis Rising chez Elf Creek games, Naga Raja chez Hurrican, Space Gate Odyssey chez Ludonaute, Solenia chez Pearl Games, et bien d’autres!
Bonjour Vincent, tout d’abord un grand merci pour ton travail, je dois avouer que j’adore tes illustrations!
Peux tu nous décrire ton parcours? Que faisais tu avant d’illustrer des jeux de société?
J’ai étudié l’illustration et l’infographie à l’Ecole Emile Cohl. Diplôme en poche en 1997, j’ai commencé par illustrer des livres jeunesse. Puis en parallèle du jeu de rôle (Dungeons & Dragons, Pathfinder), de l’enseignement (dans la même école d’ailleurs) et petit à petit je me suis mis à l’illustration de jeux de société. Et cela fait une dizaine d’années que je m’y consacre pleinement voire exclusivement.
Illustres-tu d’autres choses?
Avant oui, comme expliqué au-dessus mais plus maintenant. Que des jeux désormais.
Travailles-tu à l’ancienne ( papier/crayon ) ou utilise-tu l’outil informatique?
Je travaille toujours à l’ancienne comme on dit, crayons, peintures et pinceaux sur papier pour la majorité de mes réalisations. Je ne dessine pas sur ordinateur mais utilise et maîtrise ces outils pour préparer mes illustrations à l’impression et/ou pour m’occuper du graphic design des jeux – qu’en j’en prends en charge la réalisation complète -, des règles, fichiers de production, etc.
Tu habites actuellement en Corée du Sud, qu’est ce qui a motivé cette expatriation?
Disons en premier lieu une motivation sentimentale, mon épouse étant coréenne, et d’un autre côté, je préfère le confort de vie au quotidien en Corée, à mon rythme et pour mes besoins et envies.
Qu’est-ce qui te plaît le plus dans ce pays?
Une forme de dynamisme ambiant, un vivre ensemble civique, respectueux et responsable, une culture et une histoire riches et présentes.
Peux tu nous décrire l’art sud-coréen, quelle sont les différence et les points communs avec l’art européen?
Ouhla, vaste question… Je vois dans l’art coréen une forme d’épure, un traitement très graphique des choses, de l’essence des choses, jusque dans la langue coréenne d’ailleurs, qui m’inspire beaucoup. Une approche peut-être plus “terre-à-terre”, plus sensible et proche du réel, de la nature et moins imagée, moins interprétée que dans l’art européen.
As tu illustré des jeux sud-coréens qui n’existent pas en France?
Non je ne pense pas… Il me semble que tous les jeux que j’ai illustrés ici en Corée ont ou vont être publiés en France petit à petit, les éditeurs avec qui j’ai collaboré ayant tous des partenaires en France et en Europe, aux US.
Quel est le jeu qui t’as posé le plus de soucis à illustrer? A l’inverse avec quel jeu as-ti pris le plus ton pied?
Hmmm c’est délicat car les deux ne sont pas incompatibles. Pour la petite phrase, je ne travaille pas sur des jeux qui ne m’intéressent pas ou ne me plairaient pas à illustrer.
Disons qu’il y a des jeux qui peuvent être logistiquement compliqués à illustrer (de part le volume d’illustrations ou des difficultés rencontrées sur le thème ou son histoire) mais plaisant à illustrer car ils me permettent de m’évader ou de découvrir/apprendre. Et d’autres jeux peuvent être très “simples” et fun à mettre en images mais dans une ambiance ou un relationnel pénible qui mine la réalisation.
Je crois que celui qui m’a posé le plus de soucis, c’est peut-être Broom Service mais plutôt sur le fond car c’était la première fois que je travaillais avec un éditeur allemand et je ne m’attendais pas à me retrouver confronté à autant de différences et contradictions “culturelles”, que ce soit pour l’agencement et la représentation des choses ou par l’angle d’approche à définir (complications que j’ai rencontrées à nouveau par la suite avec d’autres éditeurs allemands d’ailleurs).
Et dernièrement c’est Detective: City of Angels qui m’a le plus transporté, autant dans la phase de préparation et recherches à la découverte du Los Angeles de 1940 que dans les relations avec l’éditeur et l’auteur, puis dans la réalisation pure et dure et la retranscription par l’image de ces atmosphères et personnages, carton plein !
En tant que joueur, quel est ton jeu préféré? Pourquoi?
Les Aventuriers du Rail. Parce que c’est certainement un des premiers jeux “modernes” que j’ai découvert et apprécié. Et parce que je ne m’y ennuierai jamais, toutes éditions confondues, que j’y gagne ou que j’y perde, je retrouve toujours un sentiment gratifiant d’accomplissement et une sacrée tension.
Dans les jeux plus récents, j’ai eu un gros gros coup de cœur pour les Charlatans de Belcastel et Everdell.
Peux tu nous partager un scoop?
Malheureusement non, à l’heure de la communication savamment orchestrée et contrôlée – sic – je ne peux pas dire grand chose des projets en cours…
Pour continuer cette interview, je te propose de sortir le jeu “Questions de Merde”.
Je tire 3 Cartes, prêt?
Voici les questions de la première carte:
Que faut-il faire pour avoir moins peur de la mort?
L’ignorer tout simplement.
Quel petit luxe as-tu envie de t’offrir?
L’acquisition de quelques gros et beaux livres à ajouter à ma collection d’artbooks (pas loin de 500), comme “The Art and Science of Ernst Haeckel” ou “The Star Wars Archives, 1977–1983”.
Quel est le tic qui t’énerve le plus chez les gens?
Se toucher une oreille avec la main opposée en la passant par dessus la tête.
Voici les questions de la deuxième carte:
A partir de quand devient-on adulte?
Dès qu’on est responsable de quelque chose.
Pour quelle activité préfères-tu être seul?
Dessiner et peindre.
Au fond, qu’est-ce qui rend la vie intéressante?
Réaliser ses projets, ses rêves, les aboutir et les concrétiser puis les transmettre et les partager.
Voici les questions de la dernière carte:
Que ferais tu pour exciter la foule si tu étais une rock-star?
La laisser chanter seule, à l’unisson, ou sinon lui annoncer que les billets seront remboursés.
Que fais tu bénévolement?
Pas grand chose à vrai dire…
Selon toi, quelle bonne action est aussi une vraie connerie?
Faire du bénévolat, exciter une foule, rendre la vie intéressante, réaliser quelque chose seul, devenir adulte… Mais à part ces quelques détails, je dirais vouloir toujours donner du sens à ce qu’on fait.
Question bonus: Qui souhaiterais tu que j’interviewe après toi et quelle question lui poserais-tu?
Sébastien Pauchon. Et ma question serait : “Mais où va ?”
Merci du fond du coeur, Vincent, pour cette interview du bout du monde! J’attends toujours tes illustrations avec avidité!
Chers lecteurs, si vous avez aimé les dernières questions de cette interview, vous pouvez les retrouver dans le jeu “Questions de Merde “ chez Le Droit de Perdre.