[Carnet d’Auteur] Pierre Buty #10 – Un printemps mouvementé

La dernière fois que j’ai écrit dans ce journal, c’était au retour d’un FIJ fructueux, et je flottais sur un nuage. Une avalanche de bonnes et de mauvaises nouvelles me sont arrivées depuis, et le temps d’y faire face, une saison entière avait passé. PEL n’est plus que dans une semaine. Il est grand temps de faire le point.

L’embarras du choix

Une des principales conséquences du FIJ, c’est que Sierra a trouvé un éditeur. Il en a même trouvé plusieurs, qui étaient prêts à le signer, ou du moins à prendre le temps de l’étudier en profondeur. C’était la première fois que j’avais à faire un choix entre plusieurs partenaires sur un même jeu. C’était très flatteur, et un bon présage pour l’avenir. Mais c’était aussi un peu embarrassant : à qui dire oui ? À qui dire non ?

C’est une question à ne pas prendre à la légère. Lorsque vous signez votre jeu, c’est pour des années, peut-être pour toujours. Il est important de considérer tous les aspects possible et de vous donner les moyens de prendre la bonne décision.

Il y a une dimension économique, bien sûr. Quelle maison est la plus capable de porter le jeu vers un succès commercial ? Quels sont les termes du contrat qu’elle est prête à accorder ? Quelle avance est-elle prête à verser à la signature du contrat (un point dont j’avais décrit l’importance dans un autre épisode) ?

Au-delà de ça, il y a une question de compatibilité artistique entre l’auteur et l’éditeur. Ont-ils la même vision de ce qui est important dans le jeu ? Sont-ils d’accord sur son thème, son public ou sur l’expérience à produire ? Certains éditeurs sont réputés pour impliquer fortement les auteurs tout au long du processus éditorial, d’autres au contraire préfèrent les écarter pour développer leur produit comme bon leur semble. Il faut le savoir, et être okay avec ça. Une bonne discussion en amont avec l’éditeur permet souvent de clarifier ces questions.

Et puis il y a les questions de personnes. Vous allez collaborer avec une équipe pendant les années à venir, retravailler vos idées selon leurs besoin, les côtoyer en festival pour assurer la promotion du jeu… Ça aide si ce sont des gens à qui l’ont fait confiance et avec qui la communication passe bien. Voir son jeu publié devrait être une cause de bonheur et de fierté. Ce serait trop bête de voir ça gâché par des personnalités toxiques, malhonnêtes, incompétentes, ou tout simplement avec qui le courant ne passe pas.

Au final, c’est à vous de savoir ce qui vous convient, ce qui est important pour vous. Si j’ai un conseil à donner, c’est de demander l’avis d’autres auteurs avant de vous engager avec untel ou untel. Les collectifs locaux fourmillent de potins, il suffit de demander.

Alors, avec tout ça en tête, avec qui ai-je signé ?

Moi, ce mois de mars

La dream team

Au final, c’est BLAM l’heureux élu ! Ca n’a pas été une décision facile, d’autres maisons me faisaient très envie aussi. Mais le thème et l’ambiance délicate de Sierra s’inscrivait parfaitement dans leur ligne éditoriale, et nous avons très vite été d’accord sur tout ce que je voulais mettre dans ce jeu. J’étais également rassuré par nos collaborations précédentes : je sais que nous fonctionnons bien ensemble et que la communication est facile et fluide. Une sécurité non négligeable pour un projet aussi personnel.

BLAM a également accepté d’engager Audrey, ma compagne, comme illustratrice du jeu. Ses premières images avaient largement contribué au succès du prototype auprès du public et des éditeurs. Il avait pourtant fallu que j’insiste. Ce n’est pas comme ça que ça se passe, d’habitude : un auteur ne choisit pas son illustrateur. En dépit de la bonne volonté de tout le monde, il a fallu bricoler une structure de contrat qui soit sécurisante pour toutes les parties, et les allers-retours ont duré un moment avant que le jeu ne soit finalement signé vers la fin avril. Audrey s’entend très bien avec Claude, le directeur artistique de BLAM, et nous sommes tous heureux de cette collaboration.

C’est ainsi que ça devait être. Sierra est inspiré du voyage qu’Audrey et moi avions vécu l’an dernier. Avec moi à la mécanique et elle aux pinceaux, le jeu est doublement notre bébé.

Et mes projets, dans tout ça ?

Sierra

Le développement du projet bat actuellement son plein. Une des premières préoccupations de l’éditeur a été de vérifier qu’il était possible de fabriquer les cartes découpées en formes de montagnes à un prix raisonnable. Déterminer un fournisseur nous permettait de fixer la taille et le nombre des cartes qui composent le jeu, et les lignes de découpe acceptables pour qu’Audrey puisse illustrer les montagnes en fonction de leur profil. Il a fallu clarifier certains points du système de jeu pour faciliter le déroulement des parties, et nous voilà parti dans l’équilibrage fin des différentes cartes objectifs. C’est un sujet passionnant, dont je reparlerais une prochaine fois.

Cartaventura : Galilée

Galilée fait des va-et-vient. Alors qu’au FIJ Simon le déclarait prêt à partir à l’illustration, des tests plus approfondis ont mis en lumières des points de blocage : une trop longue exposition avant le début du jeu, des fins trop difficiles à débloquer… Cela a entraîné une refonte salutaire de la structure du scénario. Il reste encore des points à améliorer. Rien d’insurmontable, mais je doute que le scénario soit prêt pour sortir cet automne.

« Bon, alors, c’est prêt cette fois ? » « Juste ça ! On change juste ça, et après ça tourne ! »

Cartaventura : XXX

L’énorme bonne surprise de la saison : BLAM m’a demandé de démarrer une nouvelle mini-série d’épisodes de Cartaventura basés sur une grosse licence. Je ne peux pas être plus explicite, parce que nos partenaires de l’audiovisuel sont plus à cheval que nous sur les questions de confidentialité. Mais c’est une licence qui claque, c’est rentable, c’est urgent. C’est hyper excitant.

Après trois mois à piaffer d’impatience, nous avons finalement obtenu tous les feux verts nécessaires. Il faut faire vite : il ne me reste que deux mois pour rendre les scénarios finis pour tenir le calendrier convenu. Ca va être juste, et je sais que tout mon été va y passer. Mais je commence à être rôdé sur les Cartaventura. J’avance vite. La première mouture est entre les mains de BLAM, et j’attends leurs retours.

Enquête Expresse : Dino-Park

BLAM (encore et toujours) m’a également proposé d’écrire un scénario pour sa nouvelle gamme de jeu d’ambiance : Enquête Expresse, de l’étincelant Antonin Boccara. Le jeu m’avait tapé dans l’œil l’été dernier, et j’avais tenu la jambe d’Antonin pour qu’il m’invite à travailler dessus. Au final, cela s’est concrétisé plus vite que je ne l’aurais cru.

Le développement s’est fait à la vitesse de l’éclair. Mi-mars, je soumettais une série de pitch à BLAM et Antonin, parmi lesquels ils ont retenu celui qui se passait dans un parc d’attraction à base de dinosaures (on va dire que c’est ma thématique du moment). L’enquête était jouable fin mars. Je la retouche de temps en temps au rythme des playtests menés par BLAM. Le scénario est fini (ou tout comme), et devrait bientôt partir à l’illustration.

T-Rex

T-Rex est la grosse déception de ce printemps. Au FIJ, la Boite de Jeu et Origames étaient emballés par la version du jeu que je leur montrais. Deux mois plus tard, ils se retiraient. L’avis du distributeur était que, puisque Cerbère continuait à se vendre, il était trop risqué de sortir un autre jeu qui pourrait lui faire de la concurrence.

Vu tout le temps et l’énergie que j’ai consacré au développement de T-Rex, c’est un coup dur. L’avenir du jeu est incertain. J’espère que le PEL apportera d’autres réponses.

« T-Rex can’t eat ice-cream ». J’ai cherché « Sad T-Rex » sur google. Visiblement, il y a toute une subculture sur le sujet.

L’Or des Sirènes

Une autre contrariété. Avec deux éditeurs qui se disaient intéressés par le jeu à Cannes, je croyais que c’était bon, il était casé. Mais l’un d’eux n’a toujours pas d’accord de distribution qui permette d’assurer une sortie dans de bonnes conditions. Quand à l’autre, il a changé d’avis pour des raisons… surprenantes. Bref. Je dois remettre ODS en lice au PEL afin de trouver de nouveaux partenaires.

Crocodile Bridge

Au milieu de tous ces coups de théâtre, Crocodile Bridge a bien descendu dans ma liste de priorités.  Dans les moments d’attente du mois d’avril, j’ai pu expérimenter avec quelques nouvelles pistes. Aucune ne donnait satisfaction, mais toutes débouchaient sur une nouvelle idée à essayer.  Puis les impératifs de T-Rex et de Cartaventura ont pris le dessus, et je n’y suis plus retourné depuis.

J’espérais faire de Crocodile Bridge ma nouveauté au PEL. Ce ne sera pas pour cette année.  

Pole Bound

Pauvre Pole Bound. Lui aussi, je m’étais promis d’y retourner ce printemps. Il devra attendre l’automne, au moins. Mais promis, je ne l’oublie pas.

L’Embrouilleur

Pas d’avancée non plus sur ce projet.

Yes We Khan

YWK est soudain parti très loin dans ma liste de priorité. Pour ne pas faire perdre son temps à Johan, il vaut mieux que je me retire du projet et qu’il cherche un autre co-auteur.

Un printemps mouvementé, donc. Et, en dépit de quelques déconvenues, un printemps fructueux. Ce n’est pas moins de quatre nouveaux contrats que j’ai signé ces derniers mois. Nous verrons si le PEL me réservera d’autres bonnes nouvelles.

BLAM, BLAM, BLAM, BLAM… il va falloir songer à me diversifier à un moment.

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