[Carnet d’auteur] Julien Griffon au sujet de Ratapolis
Certains jeux sont publiés rapidement. C’était le cas pour Yokai et Volterra, qui ont vu le jour moins d’un an après l’idée initiale. D’autres prennent plus de temps ; et c’est ce qui est arrivé avec Ratapolis.
Enfanter d’une souris
Ma toute première idée pour ce qui deviendrait Ratapolis est venue en août 2012. Je voulais alors créer un jeu qui associe des tuiles à un bête jeu de cartes. J’ai donc pris un vieux bout de carton, découpé quelques polyominos et écrit la dénomination d’une carte sur chacun. Un jeu de cartes, quelques pions et j’étais parti pour mes premiers tests en solo.
Forcément, avec le temps, j’ai un peu oublié ce qu’ont été mes premiers essais. Je pense que j’ai juste tenté de déplacer un pion à chaque tour, tiré une carte et éliminé la tuile correspondante avec tous les pions qui s’y trouvaient éventuellement. Rien de bien fou et une part d’aléa telle que le jeu manquait de tout intérêt. Le mécanisme m’a quand même plu et j’ai décidé de m’atteler à en faire quelque chose.
Quatre jours plus tard, j’emmenai un nouveau prototype à la journée jeux de Kobe (à l’époque, j’habitais au Japon). Entre temps, j’avais pu ajouter deux éléments cruciaux à mon jeu : la distribution d’une carte à chaque joueur désignant une tuile qui risquait de disparaître à la fin du tour et un système de programmation du déplacement. Je n’ai aucun souvenir de la partie jouée ce jour-là. En revanche, je revois clairement celle qui m’a opposé à Keith et Kohei, à Osaka, quelques semaines plus tard. C’est là que Keith m’a soumis l’idée d’une grille facilitant le scoring, que l’on retrouve au dos du plateau de Balthus dans Ratapolis.
Des rats dans la tête
Le jeu n’avait alors pas de nom, mais je lui avais déjà affecté un thème : nous contrôlions des rats qui tentaient d’échapper à la dératisation. Il s’est donc appelé « the rat game » (soit « le jeu des rats ») jusqu’à ce que je me décide à lui donner le nom qu’il a porté pendant les nombreuses années à suivre : « Vermin ».
Très rapidement, du nombre de rats restant sur le plateau, le scoring s’est étoffé avec l’ajout des fromages pour lesquels luttent les différentes factions. Les rats pouvaient d’ailleurs, non seulement se déplacer, mais aussi attaquer leurs adversaires ! Les pouvoirs offerts aux joueurs sont aussi apparus assez tôt dans le développement, avec des effets très variables et des modes de déclenchement qui l’étaient tout autant. Ils seraient simplifiés beaucoup plus tard.
À bon chat, bon rat
J’ai continué les tests tranquillement, au fil des mois, jusqu’en novembre 2015. J’ai alors mis Vermin au placard pendant plus d’un an et demi. J’étais rentré en France depuis janvier 2013 et je commençais à connaître quelques personnes dans le monde ludique français. J’ai ressorti Vermin pour une journée de présentation de mes protos à un éditeur. Si aucun contrat n’a été signé après cette journée, celle-ci ne s’est pour autant pas avérée complètement inutile. C’est en effet ce jour-là qu’est venue l’idée d’offrir aux joueurs deux actions par tour plutôt qu’une. Ça n’a l’air de rien, comme ça, mais ça apporte à mon avis beaucoup au jeu en termes de planification et de contradiction des plans des joueurs.
En février 2018, au Festival international des jeux de Cannes, Rémi Saunier (Twin It, Petits peuples…) me parle de Bragelonne, qui se lance dans l’édition de jeux et cherche des protos. Je vais donc les voir, et me retrouve face à Sébastien Célerin, chef de projet de Bragelonne Games. Après une rapide explication, il montre un certain intérêt pour Vermin. Il me prévient cependant que le thème ne passera probablement pas, vu les problèmes de prolifération des rats à Paris. J’étais un peu déçu, mais restais ouvert à d’autres propositions.
En janvier de la même année, j’avais inscrit Vermin au concours de Boulogne-Billancourt. C’était ma troisième participation et je ne m’attendais pas vraiment à une sélection, sans parler de remporter un prix… et pourtant ! Le jury semble avoir été touché par l’originalité de la situation et les mécanismes de mon jeu. Il n’était d’ailleurs pas le seul, puisqu’un second éditeur s’y est intéressé à cette occasion. Celui-ci voulait remplacer mes rats par des zombies. J’attache généralement assez peu d’importance au thème des jeux, mais s’il y en a bien un qui ne me parle pas, c’est celui-là. Oh ! Et Cthulhu, aussi.
Toujours incertain de ce que réservait Sébastien à mes rats, j’hésitais plusieurs semaines entre les deux propositions, jusqu’à ce qu’il me dise avoir trouvé l’illustrateur parfait pour mon jeu, qui saurait rendre les rats moins repoussants : Olivier Derouetteau. Le choix de l’éditeur ne faisait plus trop de doute et nous avons rapidement signé un contrat, un an après la présentation à Sébastien.
Comme un rat dans la paille
Le travail d’illustration du jeu a donc pu commencer peu de temps après. D’abord l’univers graphique, puis les bâtiments, la couleur, un peu de vie et, enfin, les rats malicieux. J’ai pu, à chaque étape, donner mon avis au même titre que le reste de l’équipe qui travaillait sur Ratapolis. Certains auteurs, dont je fais partie, aiment être consultés sur tous les aspects de leur jeu. Ma collaboration avec Bragelonne a, à ce titre, été un réel plaisir. D’ailleurs, bien que mon titre original me plût beaucoup, il était évident qu’il devait être changé. Cela a été l’occasion de quelques échanges avec Sébastien avant d’aboutir à Ratapolis.
L’un des apports majeurs de Bragelonne au jeu est le livret de « situations » : dix scénarios apportant un peu de variété dans la manière de jouer. Cela va de la variante rendant Ratapolis plus intéressant à deux joueurs aux règles permettant à un joueur de s’opposer à tous les autres en tant que dératiseur, en passant par des départs asymétriques et autres missions d’exploration. Ma force réside plus dans la création de jeux épurés que dans l’enrichissement d’une proposition ludique. L’aide de Bragelonne sur ce pan du jeu était donc la bienvenue.
Ces scénarios ont été développés au cours des deux années de présentation de Ratapolis au public, sous forme de prototype éditeur, sur tous les grands festivals de France et à Essen. Ces tests en public ont encore permis d’affiner le jeu final : des pions rat plus grands, de légères adaptations des couleurs, l’arrondissage des coins des tuiles… tant de petits détails qui permettront d’offrir aux joueuses et aux joueurs la meilleure expérience ludique possible.
Les souris dansent !
Le jeu est enfin sorti en juin 2023, près de 11 ans après les tous premiers tests. Ce fut long, mais le résultat est à la hauteur du temps d’attente. Maintenant, j’espère que son public trouvera Ratapolis au milieu des dizaines de sorties hebdomadaires et qu’il restera sur les étals au moins aussi longtemps qu’il n’en a pris à les rejoindre.
Bonjour, je viens d’offrir le jeu pour NoëL , nous souhaitions jouez à 5 , avec la disposition/scénario « didacticiel » . Seulement, comment organisez vous (le cour de) la distribution des cartes indiquant la destruction de la prochaine tuile.
À 4 ,la répartition se faisait sans problème. Comment faire une distribution équilibrée sachant que ces cartes sont limitées. Tout en se fiant à la grille centrale( celle où on pose la carte de la tuile qui est détruite ) ,nous ne voyons pas comment on organise cet aspect à 5…La règle ne précise pas. On a finalement du jouer à 4 avec les 3 ou 3 première manche où il y a avait 5 cartes d’indice dont une découverte puis avec les dernières manches seulement 4 cartes , une pour chaque joueur . Mais à 5, là sans doute était-on également restreint par le nombre de lettre sur le plateau. Avez vous simulez le jeu à 5? Je lis dans cet article qu’il y a des « départs asymétrique » est ce pour cette disposition là ? C’est dommage, car à 4 tout marchait plutôt bien.
Bien cordialement