Auteur, carnet de bord #09 – Cannus Mirabilis
carnet d’auteur
Il y a deux semaines, le FIJ déployait ses étals et Cannes se couvrait d’affiches bariolées et de jeux grandeurs natures. Après trois ans d’absence, j’ai retrouvé avec excitation le spectacle habituel : les files d’attentes interminables pour franchir les portiques de sécurité, les baraques à sandwich (« pas de frites sur la croisette ! »), les équipes d’animateurs en t-shirt assortis qui se partagent les tables…
À l’image du monde ludique dans son ensemble, le FIJ s’agrandit. Il se stratifie et, disons-le, il s’embourgeoise. Ça se voit aux entrées publiques désormais payantes, épuisées des jours à l’avance et revendues à la sauvette comme aux entrées des stades ; au type de nourriture proposés dans les camions-traiteurs dans l’enceinte sécurisé (ah, on a des crêpes, des smoothies et des mochis, maintenant ?) ; aux différents niveaux de professionnels, toujours plus nombreux à commencer le festival de plus en plus tôt dans la semaine. Alors que des tentes géantes poussent sur la croisette pour accueillir plus de visiteurs ou reloger le Off, à l’intérieur du palais les showroom à l’accès soigneusement restreint se multiplient, signe d’une distance croissante entre les visiteurs, les amateurs et les pros.
Je n’ai pas envie de me poser en juge. Moi-même je suis le mouvement. Je suis très content d’avoir mon badge violet, content de pouvoir faire mes rendez-vous dans un bureau calme plutôt qu’au milieu d’un stand, content d’être invité au restaurant plutôt que de m’offrir un ordinaire de pizzas et de sandwichs pendant quatre jours.
N’empêche… pour la première fois, j’ai eu de la peine. De la peine pour la mère et ses gamins qui tournent en vain devant les portails en cherchant un moyen d’entrer sans réservation. De la peine pour la détresse des auteurs débutants qui se font refouler au Off comme à l’entrée des showrooms parce que personne ne leur a dit comment réserver un créneau. On ne va plus au FIJ comme on part à l’aventure. Il faut planifier, s’enregistrer, montrer patte blanche… en bref, il faut être dans le système. C’est surement une évolution nécessaire pour gérer la croissance constante du milieu. Mais c’est un peu dommage.
Mon FIJ à moi
En dépit de ces quelques accès de nostalgie, j’ai passé un festival de rêve. Les rendez-vous se sont enchaînés comme sur des roulettes. J’ai eu le temps de me nourrir convenablement et presque de dormir. Tour de force, j’ai même pu concentrer l’essentiel de mes rendez-vous pro sur deux jours, ce que me laissait trois demi-journées de libre pour tester les différentes sorties du moment (et ça, c’est pas souvent).
C’est clairement le résultat d’une bonne préparation. Cette année, j’ai pu baliser tout mon mois de février pour la seule préparation du festival. Ca voulait dire interrompre le développement de tous les jeux que je risquais de ne pas pouvoir finir à temps. La sélection a été drastique : au final, j’ai résolu de ne montrer que Sierra comme nouveauté.
Je crois que c’était le bon choix. Ca fait des années qu’on entend qu’il y a trop d’auteurs, trop de jeux, trop de nouvelles sorties pour que chacune puisse trouver sa place sur le marché. Face à la compétition et aux appels à la décroissance, je pense qu’il vaut mieux se concentrer sur un projet-phare et faire le nécessaire pour lui donner toutes ses chances, plutôt que d’investir son énergie dans trois ou quatre jeux qu’on galère à boucler dans les temps. Chacun sa méthode, mais celle-là me convient bien.
Parce qu’un seul jeu, c’est quand même du travail : j’ai rédigé des règles de bonne qualité et tourné un trailer vidéo pour présenter le jeu. J’ai ensuite proposé des rendez-vous à tous les éditeurs de ma connaissances susceptibles d’être intéressés. Comme le jeu utilise un matériel particulier et que je ne voulais pas laisser les éditeurs bricoler des PnP qui pourraient leur donner une mauvaise première impression, j’ai ensuite fabriqué une demi-douzaine de prototypes à laisser aux personnes qui le demandaient (à raison d’une demi-journée de travail par copie, ça faisait vite du taf). Et bien sûr, il fallait aussi compter quelques playtests et changements de dernière minute. Au final, j’étais prêt à partir deux jours avant le festival. Moi qui avais plutôt l’habitude de terminer mes protos dans le train, ça me changeait agréablement.
Le début de la SAJesse
Autre événement digne d’être mentionné : cette année, je vais représenter la CAL (la Compagnie des Auteurs Lyonnais) au sein du conseil d’administration de la SAJ (la Société des Auteurs de Jeu). Je suis leur activité avec attention depuis leurs débuts, et ce n’était qu’une question de temps avant que je n’y prête la main. Après tout, si je compte faire de la création de jeux mon activité principale, j’ai tout intérêt à ce que la condition des auteurs s’améliore. Pour ça, le meilleur moyen reste de se doter d’un solide organe de négociation collective.
En soi, l’admission au CA n’a rien d’un exploit. Traditionnellement, la SAJ cherche à intégrer un représentant de chaque groupement local d’auteurs, et ce rôle de délégué tourne assez régulièrement. Les volontaires ne se bousculent pas, et il y a de la place pour tout le monde. La question est qu’est-ce que je serais capable d’y apporter, et combien de temps je pourrais assumer la charge de travail supplémentaire que cela représente.
Affaire à suivre…
Et mes projets dans tout ça ?
Cartaventura : Galilée
J’ai profité de croiser Simon de BLAM sur son stand pour faire le point sur Galilée. Le scénario lui convenait tel quel. Cela m’a un peu pris de court, parce normalement un texte rédigé n’est jamais fini à la première version. J’avais même déjà commencé à le réécrire suite à différents avis que j’avais pu récolter. J’ai donc averti Simon que lui ferais suivre une deuxième version début mars. C’est expédié, elle devrait atterrir prochainement sur le bureau de notre historien pour obtenir sa bénédiction.
Nous avons également discuté des suites de l’aventure Cartaventura. Il y a de belles choses qui se préparent, j’ai hâte de pouvoir vous en parler. La prochaine fois j’espère.
L’Or des Sirènes
On ne peut pas dire que j’ai beaucoup travaillé sur l’Or des Sirènes ces derniers temps, mais le FIJ était l’occasion de rencontrer les différents éditeurs intéressés et de faire le point sur leurs positions.
Les discussions sont toujours en cours. Plus d’informations à venir sous peu.
Sierra
C’était mon principal focus pendant ce festival, et j’ai mis le paquet dessus. Au final, j’ai obtenu une dizaine de rendez-vous pour présenter le jeu aux éditeurs. Ça a été un franc succès. Les six prototypes que j’avais dans mes bagages n’ont pas suffi, j’ai dû promettre à quelques maisons de leur envoyer un exemplaire pour leurs tests à mon retour.
Au final, je n’en ai même pas eu besoin. Plusieurs éditeurs m’ont signalé dans les jours qui ont suivi qu’ils voulaient signer le jeu. Les négociations sont en cours, vous en saurez plus au prochain épisode.
T-Rex
Le FIJ était aussi l’occasion de rencontrer autour d’une table Benoit de la Boîte de Jeu et Guillaume d’Origames. Co-éditeurs de Cerbère, ce sont eux qui devraient porter T-Rex vers sa sortie.
On a parlé matériel, stratégie, calendrier de publication. C’était surtout l’occasion pour moi d’entendre de vive voix ce qu’ils pensaient du jeu et de mesurer leur enthousiasme. Ça a l’air au beau fixe : T-Rex devrait être signé dans les semaines qui viennent !
Crocodile Bridge
Fin janvier, je n’étais pas satisfait de l’avancée du projet, et j’ai fait une croix sur l’idée de le présenter au FIJ. Je m’y suis un peu remis depuis mon retour.
La bonne nouvelle, c’est que le jeu possède un X-factor certain, qui ramène des testeurs à ma table à chaque soirée proto et suscite des retours excités. Chaque version est meilleure que la précédente, et je suis sûr que ça finira par donner quelque chose.
La mauvaise nouvelle, c’est que la formule n’est toujours pas au point et qu’il faudra un peu de temps avant qu’elle ne sonne juste. Ce n’est pas très grave, en soi. Je n’ai pas d’impératif de temps là-dessus.
L’Embrouilleur
Malgré de bons débuts, l’état du jeu à la fin janvier ne me permettait pas d’espérer l’amener à Cannes. Je l’ai donc laissé en suspens, et n’ai pas encore eu le temps d’y revenir.
Pole-Bound
Pas d’avancée sur ce projet.
Yes We Khan
Pas d’avancée sur ce projet.
Carton plein, donc ! Ce n’est pas moins de trois jeux qui devraient être signés à l’issue de ce FIJ (une première pour moi). Je devrais pouvoir revenir dessus plus en détail dans le prochain épisode. Je croise les doigts !