[Le point sur les J] Kickstarter – Arnaque ou opportunité ?
Station Millenium est une radio associative basée à Trégastel en Bretagne. Elle propose sous la houlette de Matthieu Dupuis, l’émission C’Ludik consacrée aux de jeux de société.
Ludovic Chatillon, chroniqueur sur UnDéCent, y fait une intervention dans « Le Point sur les J ».
Oscillant entre point de vue éclairé, billet d’humeur, édito, et mise au point, cette émission vous est proposée dans cet article. Bonne lecture ludique !
Pour écouter le podcast de l’émission de C’Ludik, c’est par ici => https://www.station-millenium.com/replays/rat-jack-le-point-sur-les-j/
Tout d’abord c’est quoi le financement participatif ?
Le financement participatif, ou crowdfunding, est un échange de fonds entre individus en dehors des circuits financiers institutionnels, afin de financer un projet via une plateforme en ligne.
En ce qui nous concerne, pour financer des jeux de société.
Il existe plusieurs plateformes de financement, et les plus connues des ludistes sont :
Kickstarter
En 2024, KS c’est plus de 87 000 projets jeux financés, pour 2.33 milliards de $ de fonds collectés et un % de réussite de 49.65% (la moyenne tout projet confondu est de 41%).
Gamefound
Ulule
Combien ça coûte ?
- Du côté du porteur de projet, il y a des frais :
Si un projet est financé dans son intégralité, Kickstarter perçoit des frais de 5 % sur les fonds collectés.
De plus, Stripe, le prestataire de traitement des règlements facture des frais de règlement par carte qui peuvent varier d’une situation à l’autre (3 à 5 %).
- Si le créateur n’atteint pas son objectif de financement, il n’y a pas de frais.
- Pour les « backers », ceux qui soutiennent, il y a souvent la proposition d’un jeu moins cher que le prix de vente en boutique, avec du matériel exclusif et la promesse d’une livraison avant la sortie dans le réseau de distribution classique.
- Les hics, c’est qu’avec les frais de port, de douane etc, le prix revient parfois plus cher qu’en boutique, qu’il n’y a pas toujours une version française du jeu (ou avec des règles mal traduites), qu’il y a beaucoup plus de retard dans la livraison et parfois des mauvaises surprises comme des frais supplémentaires.
Il apparait aussi que le jeu soit proposé en boutique avant que les souteneurs reçoivent leurs copies. Le hic.
Certains dossiers d’arnaques présumées ont aussi éclaboussé notre secteur comme le financement réussi du jeu Jurassic World Miniature Game en 2020 (plus de 600 000 € perçus) chez Exod Studio ou bien la faillite de l’éditeur Ninja Division pour le jeu Super Dungeon Explore : Forgotten King en 2014 (1,2 million de dollars !), et récemment la faillite de Mythic Games en France, qui a certes vendu beaucoup de ces licences, (comme Mythic Battles à Monolith) ou les difficultés de livraison du jeu Monumental chez Funforge (campagne de 2020) alors que la version boutique est disponible depuis des semaines….
Selon le magazine Fortune, la fraude sur KS serait d’environ 18% (03/2024).
Alors, ne fuyez pas pour autant, souvent cela se passe bien, il suffit de vérifier 2 ou 3 trucs :
- La notoriété et l’image de l’éditeur (Ses autres projets)
- Existe-t-il une VF de prévue ?
- De quels montant sont les frais (port/douane) ?
- La date prévisionnelle de la livraison ?
- Votre intérêt réel pour le jeu
Le financement participatif a changé
Le financement participatif a changé depuis une grosse décennie, et maintenant on assiste plus à de la pré-commande de jeux à des éditeurs (CMON / Zombicide), plutôt que d’un soutien social et économique à de petits porteurs de projets.
Côté français, les projets de l’éditeur MONOLITH sont aussi axés désormais vers des productions faites en amont, et des temps de livraison très court (6 mois en moyenne).
Maintenant le financement participatif correspond également à une attente chez certains joueurs qui accordent beaucoup d’importance à la qualité du matériel, ou qui sont frappés de « complétude aigüe ».
Kickstarter et consorts offrent effectivement la possibilité d’acquérir un matériel exclusif, souvent non disponible à la vente en boutique, qui magnifie, voir même parfois qui améliore l’expérience de jeu.
Une campagne de financement participatif c’est aussi une petite aventure en soi, suivre les jours qui passent, voir le montant augmenter, guetter les goodies apparaitre au fur et à mesure de la levée satisfaisante des « strechs goal » (NDLR : paliers de financement). Il y a une certaine addiction à suivre le financement d’un jeu par le biais du participatif.
Une tension même parfois s’installe, quand notre désir se heurte soudainement à la fin précoce d’un projet, faute d’un financement atteint, à la fin ou en cours de campagne.
Cette exclusivité de certains jeux ou certains formats de jeux, est aussi un manque à gagner au réseau de distribution classique : les ludicaires.
A l’heure où la durée de vie moyen d’un jeu en rayon se compte en semaine, quid des projets venant du financement participatif, localisés quelques semaines ou mois après la livraison des jeux ?
C’est de toute façon très clair, si la campagne est un succès, alors forcément la localisation par un éditeur francophone prendra le relais et le jeu atterrira en boutique. Alors oui souvent sous sa forme la plus simple et la moins deluxe, mais souvent le jeu est bon dans son habit le plus léger, le reste est souvent un apparat non obligatoire, qui n’apporte pas non plus le nécessaire pour transformer complètement votre expérience de jeu.
La conjoncture économique et les problèmes géopolitiques et à dimension écologique, nous font aussi repenser notre façon de consommer nos loisirs, et ne nous permettent plus pour la plupart d’entre nous d’engager de l’argent sur une livraison à 2 ou 3 ans.
Mais recentrons-nous sur les intérêts de participer à du « crowfounding ludique »
- Soutenir un acte de création
- Soutenir une entreprise d’édition de jeux
- Avoir la possibilité d’avoir un jeu en exclusivité ou en avance (parfois de seulement quelques jours)
- Avoir du matériel supplémentaire non vendu en boutique
Il est vrai que ces quelques avantages peuvent encore être des chants de sirène sur certaines oreilles, mais dans la société « ludivore » actuelle, cela, pour moi, rajoute une couche de plus en plus difficile à digérer sur le gâteau des sensations ludiques.
La majeure partie des clients du crowfounding sont des joueurs non débutants, et du fait, qui savent totalement ou partiellement, que le jeu sera récupéré par un éditeur, ou qu’il arrivera directement en retail (en boutique) à terme.
De plus, l’augmentation des taxes et autres frais annexes, doublent et même parfois triplent le prix d’un jeu et même si le coût ne devrait pas être un élément important de l’expérience ludique, force est de constater en ce moment qu’une partie, paraissant croissante, des ludistes achètent des prix au lieu d’acheter des jeux. Pour illustrer cela, on remarque le déploiement des journées braderies des éditeurs comme Iello, Gigamic ou Asmodee. Boutiques éphémères, ouvertures des entrepôts, où les gens s’amassent inlassablement après 4 à 5 h de file d’attente, pour acheter des jeux en surproduction, pour la plupart qui ne serons pas joués ou alors revendus.
Braderie Gigamic à en 2024, Iello en 2022 et Asmodée en 2018
La revente, parlons-en pour les jeux issus du financement participatif.
Il est courant de constater des annonces florissantes de «pledges» complets de jeux financés mis à la vente le lendemain de leur livraison, avec des + values plus ou moins fortes.
Plusieurs explications :
- L’envie de la « culbute » : Le produit est non distribué en boutique, il est rare, il apporte une plus-value forte, il est dans la « hype », on a envie de faire de l’argent.
- Le fait que l’envie d’y jouer soit passée. Qu’il ne corresponde plus à nos goûts, qui évoluent.
- Le jeu a déjà été joué entre la fin de la campagne et la livraison. Par exemple lors d’un salon, un festival. Et que factuellement, on se rende compte d’une erreur de casting.
Conclusion
A moins d’être un joueur qui a les moyens financiers, qui ne craint pas les risques liés à l’attente, et qui peut gérer des surcoûts et des retards, sinon priorisez plutôt les jeux en sortie boutique, cela fera aussi plaisir à votre ludicaire de proximité.
Retrouvez le podcast de cette émission en vous rendant sur le lien de C’Ludik – Station Millenium => https://www.station-millenium.com/replays/rat-jack-le-point-sur-les-j/
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