[Le point sur les J] L’extension – A quel moment s’y intéresser ?

Station Millenium est une radio associative basée à Trégastel en Bretagne. Elle propose sous la houlette de Matthieu Dupuis, l’émission C’Ludik consacrée aux de jeux de société.
Ludovic Chatillon, chroniqueur sur UnDéCent, y fait une intervention dans « Le Point sur les J ».
Oscillant entre point de vue éclairé, billet d’humeur, édito, et mise au point, cette émission vous est proposée dans cet article. Bonne lecture ludique !

Pour écouter le podcast cette émission de C’Ludik, c’est par ici =>
https://www.station-millenium.com/replays/pirate-de-maracaibo-le-point-sur-les-j/

Tout d’abord l’extension d’un jeu, c’est quoi ?

Une extension est un apport ludique à un jeu qui nécessite l’apport du jeu de base pour être joué.

En 2023, 2047 extensions de jeux sont sorties sur le marché du jeu de société, selon le site américain BGG (https://boardgamegeek.com). Bien sûr, il y a de la réédition, et il y a extension et extension.

Avant de s’interroger sur l’intérêt d’acheter une extension de jeu, on peut déjà se demander ce que cela rapporte ludiquement et de manière concrète.

L’apport de l’extension

Voici une liste non exhaustive qui représente la majeure partie des apports des extensions :

• Du matériel supplémentaire pour varier les parties (pions, cartes, plateaux, scénarios)
• L’ajout d’un ou plusieurs joueurs avec leur matériel et des modifications de règles si besoin
• De nouvelles mécaniques de jeu
• Une nouvelle façon de jouer (transformation d’un jeu compétitif en jeu coopératif)
• L’apport d’un mode solo, ou 2 joueurs spécifiques
• Du matériel supplémentaire pour le confort des joueurs (Meeple améliorés, tour à dés, piste à dés, tapis de jeu…)

Parfois une extension apporte plusieurs ajouts à la fois, et parfois juste quelques petites cartes ou un ou deux dés.

Mais alors pourquoi un éditeur choisit de sortir une extension de jeu ?

Il existe plusieurs raisons à la sortie d’extensions et parfois même dès la sortie du jeu de base dans le commerce. Par exemple pour le jeu Colt Express, sorti en 2014 chez l’éditeur Ludonaute, l’auteur Christophe Raimbault a rendu public le fait que le jeu de base avait été découpé car il était trop conséquent.

Ce qui a permis assez rapidement de sortir des extensions suivantes :

• 2015 Colt Express – Chevaux & Diligence
• 2016 Colt Express – Marshal & Prisonniers
• 2018 Colt Express : Bandits – Belle (et autres personnages).

Le succès planétaire du jeu et ses nombreux prix ont aussi facilité la sortie régulière des extensions.

(NDLR : Une extension 10ème anniversaire sort en ce moment pleine de petits goodies).

Souvent, les extensions sont économiquement moins rentables pour l’éditeur, car elles se vendent en moins d’exemplaires mais permettent de redonner un souffle nouveau quelques années après pour relancer le jeu.

Bon sauf pour nos amis de Days of Wonder qui sortent des extensions qui sont presque des jeux, mais on y reviendra plus tard.

L’exemple d’Abyss (chez Bombyx) va dans ce sens. Bien que l’extension Kraken arrive rapidement l’année suivant la sortie du jeu (2015), la seconde extension (Leviathan / 2018) a permis de remettre dans les têtes un jeu qui n’avait pas quitté les rayons mais qui devait s’essouffler un peu au niveau des ventes.

(NDLR : La mini-extension De Profundis qui sort en cette fin d’année va également en ce sens).

Il arrive aussi qu’un éditeur pense à sortir une extension pour sauver un jeu de base, sorti sous les radars et qui n’atteignait pas ses espérances économiques. J’ai beaucoup d’exemples de tentatives, mais n’ayant pas de chiffres réels de vente, je préfère garder ces exemples, souvent peu couronnés de succès pour moi !

Quoi qu’il en soit, on ne peut pas en vouloir aux éditeurs de continuer à nourrir la poule aux œufs d’or, tant qu’ils peuvent le faire. Mais il faut faire attention avec l’extension de trop ou bien le matériel de trop tout de même qui peut avoir un effet contre-productif sur les ventes et l’intérêt des joueurs. Moi personnellement, cela a été le cas avec Colt Express.

Certains jeux ont quand même réussi le pari fou de créer un effet de gamme fort, comme Formula D (Asmodee) avec 32 extensions de circuits entre 1991 et 2015 …

… ou les Aventuriers du Rail (Days of Wonder) avec 38 extensions, plateaux et matériel particulier en 20 ans, avec la 39ème sortie en été 2024, qui permet de jouer en Corée et en Ibérie !

Dernièrement on peut aussi se pencher sur le phénomène Villainous, chez Ravensburger, qui nous permet de faire s’affronter des vilains de l’univers étendu Disney.

Une nouvelle boite de base (Les Prémices du Mal), un peu simplifiée va bientôt sortir et il y a déjà beaucoup de personnages additifs sur le marché compatibles avec cette boite là.

D’ailleurs l’éditeur est allé plus loin en étendant les univers avec des marques appartenant aux proprios de la souris la plus connue du monde, avec Marvel et Star Wars. Et même s’il a été confirmé que la première franchise ne sera plus traduite en français, les sabres et autres rayons laser de la franchise venue des étoiles ont, je pense, encore pas mal de ressources à faire valoir ! Comme quoi quand c’est bien fait ET que le jeu s’y prête, les extensions ça marche !

Après avec les effets de gamme de jeux, le terme extension est un peu modifié, il peut y avoir comme on l’a vu des petits modules, une nouvelle règle, un pion en plus, voire un mode solo ou coopératif, mais il y a aussi l’extension qui ressemble à un jeu de base, une extension qui ne vient pas rajouter quelque chose réellement mais qui vient rallonger réellement l’expérience de jeu.

Un exemple la futur extension du jeu Alice is Missing : Silent Fall, de Spenser Starke chez Origames, qui nous permet de mener l’enquête sur la disparition d’Alice avec des suspects différents, des lieux inexplorés, des relations inédites entre les joueurs et joueuses.

L’effet « complétistes »

Il y a donc x raisons pour qu’un éditeur sorte une extension à son jeu, que cela soit pour faire plaisir à sa fan base, à redonner un coup de jeunisme au jeu de base, à réduire les frais de communication en reparlant du jeu original, quoiqu’il en soit, ce n’est jamais pour faire fortune. Sauf pour nos amis de Days Of Wonder, d’ailleurs je fais parti des joueurs « complétistes » pour les Aventuriers du Rail, enfin les grosses boites.

L’effet entonnoir

Car même si la marge sur une extension et le prix en rapport au contenu sont souvent plus favorable, il y a le phénomène de l’entonnoir qui apparaît : il n’y aura qu’un % des acheteurs du jeu de base qui seront intéressés, et ainsi de suite, extension après extension. Après il est difficile pour nous, simples joueurs de pouvoir quantifier l’apport financier ou même parfois ludique d’une extension de jeu.

L’avis avisé

Donc mes conseils, intéressez-vous aux extensions, si et seulement si :

• Vous avez adoré un titre au point d’en avoir fait le tour
• Vous êtes intéressé sur l’impact de l’extension dans le jeu de base
• Vous avez l’intention de collectionner une gamme de jeux

Attention, rarement une extension vous fera aimer un jeu que vous n’appréciez pas, sauf peut-être si la mécanique change radicalement, mais du coup à quoi bon appeler ça une extension !

Retrouvez le podcast de cette émission en vous rendant sur le lien de C’Ludik – Station Millenium => https://www.station-millenium.com/replays/pirate-de-maracaibo-le-point-sur-les-j/