[Festival] Spiel Essen 2023 – Plongée dans le fourmillement ludique. Jour 1

Je ne vous l’apprends pas, Le SPIEL Essen est l’un des plus grands et des plus prestigieux festivals de jeux de société au monde. A proximité de la grande ville de Düsseldorf, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie en pleine région de la  Ruhr, le Spiel existe depuis 1983 au parc des expositions de Messe Essen, qui offre un espace considérable pour accueillir des milliers de visiteurs, d’exposants et de jeux.

Il a lieu cette année du 5 au 8 octobre.

Qu’il s’agisse de joueurs passionnés, de créateurs de jeux, d’éditeurs, de distributeurs, de journalistes spécialisés, de fabricants, d’auteurs ou de curieux à la recherche des dernières nouveautés en matière de jeux de société, SPIEL Essen est toujours aussi cosmopolite.En 2022, on a comptabilisé 147.000 visiteurs de près de 100 nations. L’édition 2023 semble au moins autant fréquentée. 980 exposants étaient présents l’an dernier représentant 56 pays.

Près de 1800 jeux de tous types. Jeux de plateau, jeux de cartes en passant par les jeux de rôle, les visiteurs ont la possibilité de découvrir et d’essayer de nouveaux jeux – souvent en version anglaise ou allemande, mais aussi en version coréenne par exemple -, et d’acheter des éditions spéciales.

Cette année, les éditeurs étaient regroupés dans les différents halls par types de jeux. Par exemple le Hall 3 était plus consacré aux jeux initiés et experts.

Malgré une foule conséquente, le SPIEL Essen est bien plus qu’une simple foire aux jeux. C’est une expérience immersive pour les amateurs de jeux de société, qu’ils soient joueurs occasionnels ou passionnés, un terrain de jeu géant pour tous ceux qui aiment jouer.

Retour sur une première journée, oscillant entre petites parties de jeux, contact avec certains auteurs, éditeurs et découverte de quelques nouveautés, mais pas uniquement.

En vrac, sans aucune hiérarchie, une petite sélection. 9 titres.

« Willkommen in der Spielhölle ». #spielessen2023.

Evil Corp (La Boîte de Jeu)

Je n’ai pas résisté d’aller voir – avant l’ouverture au public et le grand rush- , Evil Corp, le jeu 1vs1, 2vs2, 1vs1vs1, de Jérémy Ducret – même si Arnaud vous en avait déjà parlé en coup de cœur sur le festival de Vichy

J’adore l’approche contextuelle du jeu :

À la Evil Corp, nous travaillons depuis 666 générations à effrayer les villages humains. Et quand il s’agit de faire peur, nous sommes imbattables ! Chaque année, nous organisons un séminaire d’équipe où chacun des managers doit recruter une équipe de monstres pour affronter ses collègues et démontrer qu’il est le meilleur pour terroriser les humains.

Evil Corp est un jeu de confrontation et de bagbuilding (constitution de deck de tuiles tirées d’un sac) que j’ai trouvé original et ultra plaisant à jouer. A partir de 12 ans, pour des parties d’environ 45 minutes.

Du matériel de qualité, des illustrations signées Djib et Olivier Deroutteau pour les plateaux – sans surprise – très réussies.

Le jeu se déroule en plusieurs cycles jour-nuit. Pendant chaque cycle, durant la phase de jour, vous puisez 5 tuiles monstres dans votre sac pour les placez derrière votre paravent. Puis vous alternez vos actions avec votre adversaire sur un plateau double – réversible – jusqu’à ce que vous ayez tous les deux passé.

Pour prendre le contrôle de la ville, vous placez un monstre rouge, bleu ou jaune) de votre main sur un des 3 types d’emplacement du village. Utilisez les pouvoirs des monstres avec discernement, car, en fonction de leur emplacement, vous faites pencher la jauge de terreur en votre faveur (avec un principe de tierà la corde), vous récoltez de l’or, le jeton de tie-break, vous allez acquérir de nouvelles tuiles, ou en activez d’autres. Riche en stratégie !

Il faudra avoir de l’or, mais dépensez-le car tout revient à 0 à la fin du tour de jeu ! (Sauf si vous arrivez à acquérir des ors spéciaux)

Une fois que tout le monde a passé, passez à la phase de nuit. En fonction du monstre qui domine la jauge de terreur, vous gagnerez diverses récompenses telles que de l’or permanent ou des points de victoire. Vous pouvez ensuite dépenser des pièces d’or pour conserver certains monstres sur votre plateau, puis vous piochez de nouveaux monstres dans votre sac pour la prochaine phase de jour.

Demain, j’en refais une partie !

J’ai trouvé Evil Corp attrayant avec son univers diaboliquement divertissant. Je n’en sais pas plus à 3 ou 4, mais le jeu offre une expérience différente en fonction du nombre de joueurs : à deux, c’est un duel tactique où chaque action que vous entreprenez d’un côté risque de manquer de l’autre. À trois, c’est un jeu qui est présenté où chacun pour soi règne en maître, opportuniste et politique, où vous luttez contre deux adversaires et pouvez envisager des alliances éphémères. À quatre, vous formez des équipes et devez collaborer avec votre allié pour adapter vos stratégies à celles de vos adversaires.

Rien que pour cela, Evil Corp vaut le détour.

Nautilus Island (Funny Fox)

Nautilus Island est un jeu familial de collection de cartes dans lequel les joueurs incarnent des naufragés qui cherchent chacun à tirer le meilleur parti d’un sous-marin échoué sur leur île. Il se joue de 2 à 4 joueurs, dès 8 ans, pour des parties de 20 minutes environ.

Théo Rivière et Johannes Goupy ont encore frappé fort.

Je vous le dis de suite, la direction artistique et la mécanique de jeu sont aux petits oignons.

À chaque manche, on place son pion sur la section du Nautilus que vous souhaitez occuper, et verrouiller

Les premiers emplacements ont moins de piles mais ils vous permettent de choisir en premier au tour suivant, tandis que les dernières offrent plus de possibilités, mais au risque de choisir en dernier (un peu à la manière d’un Kingdomino).

Une fois votre pion positionné, vous devez choisir entre récolter et stocker. Lorsque vous récoltez, vous prenez une carte du dessus de chaque pile et vous l’ajoutez à votre réserve. Certaines piles ont des cartes faces visibles, d’autres faces cachées.

Il existe six types de ressources différents. Lorsque vous choisissez de stocker, vous placez autant de ressources de la même couleur que vous avez en main que le nombre de piles présentes dans votre emplacement.

Si le jeton bonus associé à cette couleur est disponible lors de ce tour, vous le récupérez, il vous attribue des objectifs précieux pour la fin de la partie.

Ensuite, si le nombre de cartes dans votre collection correspond à une des tuiles Hublot disponible, vous pouvez récupérer ce hublot pour un bonus de points (dégressif). Gardez à l’esprit qu’un hublot ne peut être pris que si vous avez exactement le bon nombre de cartes dans l’une de vos piles de couleur, et vous ne pourrez plus stocker de cartes de ce type par la suite !

Nautilus Island est un jeu familial au charme classique. Il propose un jeu aux règles faciles à comprendre et à l’univers graphique réussi. Ses mécanismes en font un jeu adapté à tous les publics.

Les parties sont rapides, pleines d’intensité. De nombreuses parties amusantes en perspective.

Donuts (Funforge)

Insert est devenu Donuts. Funforge a voulu rendre ce jeu abstrait de Bruno Cathala plus … gourmand qu’un jeu sans saveur visuelle. Au grand désarroi de certains, pour le plaisir des autres.

Et Donuts c’est simple mais pas simpliste.

Posez vos Donuts dans une orientation imposée par l’adversaire, un peu à la manière d’un Sobek, pour faire des alignements de 5 et insérez-les entre ceux de vos adversaires pour les transformer. J’ai joué, j’ai perdu, mais maintenant j’ai compris.

À tour de rôle, placez un donut de votre couleur (nappage chocolat blanc ou noir) sur une case du plateau modulable. Et vous ne pouvez donc le poser que dans les emplacements rose et blanc indiqués par le donut précédemment joué par votre adversaire.

Votre adversaire devra, à son tour, jouer dans l’alignement indiqué par la case que vous avez choisie. Cependant, si aucune case n’est disponible, vous pouvez poser votre donut où bon vous semble.

Si vous réussissez à encercler (insérer si l’on garde le nom du jeu qui a marqué la genèse de Donuts) un donut ou un groupe de donuts de votre adversaire avec vos propres donuts, ceux-ci sont retournés à votre couleur. Mais attention, c’est n’est pas en l’entourant qu’on les transforment, c’est l’inverse d’un othello (c’est ce qui m’a délicieusement perturbé !).

L’objectif ultime est d’aligner en continu 5 donuts soit à la verticale, à l’horizontale, ou en diagonale pour remporter la partie.

Ce jeu abstrait offre une expérience stratégique simple à comprendre, mais où les stratégies se développent au fur et à mesure des parties, qui peuvent être très courtes. Je valide !

Zhanguo, First Empire (Sorry We Are French)

L’éditeur Sorry We Are French, notamment connu pour son jeu Iki, avait annoncé la réédition de Zhanguo, un jeu conçu par Stefania Niccollini et Marco Canetta, initialement paru en 2014 chez What Your Games. Plus qu’une simple réédition, c’est nouvelle version qui introduit de nouveaux éléments de gameplay et une production de très grande qualité.

L’intrigue du jeu se déroule en 221 avant J.C, à l’époque où le roi de Qin, après ses succès militaires, s’autoproclame premier empereur de la dynastie Qin et aspire à unifier la Chine. Il impose des lois pour tout le territoire, une langue et une écriture uniques, ainsi qu’une monnaie commune. De plus, il entreprend la construction de la grande muraille de Chine, un projet colossal s’étendant sur plus de 6000 kilomètres avec des dimensions impressionnantes de 6 à 7 mètres de hauteur et 4 à 5 mètres de largeur.

Dans Zhanguo, First Empire, les joueurs ont cinq manches pour répondre aux demandes de l’empereur, notamment en recrutant des ouvriers, en les affectant à la construction de la muraille, en plaçant des gouverneurs dans les régions, et en construisant des palais, parmi d’autres tâches.

Le jeu se base sur l’utilisation de cartes. Au début de chaque manche, les joueurs piochent six cartes dans les paquets de lois, d’écriture et de monnaie (deux de chaque).

Lors de leur tour, les joueurs peuvent jouer une carte à la cour de l’empereur pour effectuer l’une des six actions disponibles, ou bien ils peuvent placer la carte sur leur plateau personnel, dans l’une des cinq régions. Cette dernière option permet de construire un moteur de jeu car lorsque l’on effectue une action liée à une carte placée sur son plateau, on peut également réaliser toutes les autres actions liées à cette carte, dans l’ordre de son choix. Cela permet des combinaisons stratégiques complexes au fur et à mesure de la partie.

Le jeu comprend également des objectifs à atteindre, qui rapportent plus de points aux premiers joueurs à les réaliser, ce qui crée un rythme important et des dilemmes stratégiques cruciaux. De plus, il y a des éléments de majorité et un marqueur de révolte qui peut entraver les joueurs.

Un bel effet waouh avec du matériel de fou pour un jeu expert pour des parties de prêt de 3 heures tout de même.

Mytikas (Funny Fox)

Mytikas est un jeu de placement d’ouvrier opportuniste dans lequel joueurs et joueuses construisent des temples et cités sur les flancs du mont Olympe, jusqu’au Mytikas, le sommet culminant à plus de 2900 m. Il se joue de 2 à 4, dès 10 ans, pour des parties d’1 heure environ.

Ce jeu de l’auteur brésilien Augusto Rocha a tapé dans l’œil de Funny Fox et j’ai vraiment eu envie d’en savoir davantage.

Dans Mytikas, pour honorer les dieux, vous construisez sur les flancs de la montagne sacrée. Plus vous parviendrez à construire haut, plus grand sera votre prestige, alors ne tardez pas en chemin et attirez-vous les faveurs des dieux pour l’emporter !

À chaque tour, vous déplacez votre pion bâtisseur sur une case disponible du plateau Action. Les cases sont réparties entre 4 divinités, avec 2 actions chacune. Elles permettent d’obtenir des ressources de Pierre, Marbre ou Or, gagner des jetons Offrande, faire monter vos ressources d’étage en étage, construire des temples et cités sur le plateau principal à 3 étages en dépensant les ressources correspondantes, obtenir des jetons faveur et dépenser des offrandes pour obtenir des cartes Divinités qui confèrent des objectifs de points de victoire supplémentaires et des pouvoirs.

Chacune de ces actions peut être améliorée si vous possédez le jeton faveur correspondant à la divinité liée à l’action. Et les autres joueurs peuvent copier l’action de base du joueur actif en dépensant un jeton faveur correspondant. On joue pour soi, mais parfois aussi pour les autres !

Mytikas est un jeu qui me semble accessible mais assez profond stratégiquement, entre course aux espaces disponibles, blocage délibéré d’actions, vol de jetons Faveur quand il n’y en a plus de disponible et possibilité de racheter les cartes de ses adversaires, Mytikas est bourré d’interaction entre les joueurs, et prévoir les actions de vos adversaires devient vite une tactique essentielle !

Jeu familial + qui plaira aux joueurs initiés avec du beau matériel, Mytikas propose une expérience où la chance semble tourner rapidement !

Bonsaï (Gigamic)

Bonsaï est un jeu de société malin, poétique et satisfaisant où les joueurs sont invités à créer des bonsaïs dans le but de les exposer au jardin impérial et de répondre à des objectifs précis.

Il convient de 1 à 4 joueurs, à partir de 10 ans, pour des parties d’environ 40 minutes. J’ai eu droit à un petite présentation qui m’a bien plue.

À tour de rôle, les joueurs ont le choix entre méditer et cultiver.

Lorsque vous méditez, vous choisissez une carte du plateau et vous récupérez les petites tuiles hexagonales correspondantes (exemple : une tuile feuille, une tuile tronc).

Il existe plusieurs types de cartes : Les Outils qui vous permettent de stocker davantage de tuiles sur le pot de votre bonsaï, les Croissances qui vous permettent d’en poser plus lors de vos phases de culture, les Maîtres qui vous permettent de récupérer une tuile de votre choix et les Aides qui vous autorisent à placer des tuiles depuis votre réserve. Enfin, les cartes Parchemin qui ajoutent des façons de gagner des points en fin de partie.

Lorsque vous cultivez, disposez les tuiles de votre réserve conformément aux indications. Les tuiles Bois doivent être placées à côté d’au moins une autre tuile en bois, tout comme les tuiles Feuille. Les tuiles Fleur doivent toucher au moins une tuile Feuille et rapportent un point par côté qui ne touche aucune autre tuile. Les tuiles Fruit doivent être adjacentes à au moins deux tuiles Feuille sans aucun Fruit, et elles rapportent 7 points !

Dès que vous remplissez l’un des objectifs non encore revendiqués, vous avez le choix entre le prendre ou viser plus haut. Cependant, gardez à l’esprit que vous ne pourrez plus réclamer l’objectif précédent.

Bonsaï offre une expérience qui séduira les joueurs cherchant un jeu sobre, classieux et simple d’accès. Toute la stratégie dépendra des objectifs présents.

Petite fleur sur le bonsaï, le livret de règles fournit de précieuses informations sur la culture des bonsaïs. La direction artistique est soignée et le matériel de qualité. Un jeu sans grande prétention et qui pourra bien faire mouche.

Et deux petits jeux Blue Orange qui sortiront en 2024 :

Whoforwat (Blue Orange)

Whoforwat est un jeu coopératif de vote que l’on doit à Edoul. J’ai été séduit par la mécanique simple et la direction artistique.

6 cartes aux magnifique illustrations filiformes, originales et parfois farfelues sont disposées sur la table. On retourne une carte question et on y répond en choisissant chacun une tuile numéro qui à la carte que chacun pense répondre à la question. Ce n’est guère plus compliqué.

Simple, séduisant, plutôt onirique.

Costu Monster (Blue Orange)

Une fois n’est pas coutume, un petit jeu pour enfants dès 4 ans.

Un jeu par équipe et de rapidité avec des monstres imprimés sur un disque plastique, pratique, car il faudra rapidement prendre des pièces épaisses (chaussures, chapeaux, accessoires …) qui devront répondre à des modèles, mais tous différents.

Et jeu qui pourrait faire mouche pour les plus petits.

Path of Civilization (Captain Games)

Rendez-vous avec Captain Games, sur un stand qui n’a pas désempli et où le jeu Path of Civilization de Fabien Gridel, en anglais et allemand a vite été sold out. Un jeu qui a fait partie du top des jeux les plus joué / apprécié / vendu du samedi sur Essen.

Un jeu sur lequel je reviendrai dans un article complet, très prochainement. J’attends mes nouvelles parties avec impatience tellement il m’a fait un bel effet.

Un jeu à mis chemin entre Through the Ages et Seven Wonders. Plus léger qu’un TTA pour celui qui ne veut pas s’enfermer dans une partie tellement longue, qu’il n’aura pas forcément l’envie d’y revenir. Plus riche en combinaison qu’un 7W.

Un jeu de CiviliZation initié hors norme par sa durée inversement proportionnelle à sa profondeur de jeu.

Dans Path of Civilization, tout s’emboîte parfaitement, mais il est difficile d’atteindre une maîtrise totale en raison de la grande variété de bénéfices que l’on peut obtenir grâce à nos actions.

La clé du succès réside dans la gestion efficace de nos objectifs à la fin de chaque tour et dans l’optimisation des avantages offerts par les différentes cartes que l’on acquiert. Le jeu se déroule en quasi simultané, rappelant un peu 7 Wonders, mais en étant plus complexe et plus riche. Il est impossible de se concentrer sur quelques aspects uniquement, car il faudra maximiser tous les aspects du jeu pour avoir une chance de l’emporter.

Monsieur Fabien Gridel, vous pouvez vous retirer en moine stylite #cartespeciale, votre carrière de game designer est aboutie 🙂