[Test] Motu, l’harmonie de votre île est entre vos mains

1-4 joueursScott Almes
8 ans et +Olivier Danchin
30 minutesSuperlude
pose de cartes, superposition, placementTerritoires ultramarins, Tahiti, nature, océan
3€ en Print & Play sur et dans votre boutique de jeux favorite !
Motu

Selon la légende, la déesse Pau Motu utilisa ses filets pour remonter à la surface de l’océan les îles qui avaient été englouties par le dieu Yno Tahu. Vous allez l’aider à redonner vie à ces iles en prenant garde à préserver le fragile équilibre de la nature et des peuples qui y habitent.

Peut-être saurez-vous créer la plus harmonieuse des îles de l’archipel ?

Motu est un jeu de la gamme Print&Play Time de chez Superlude, pour 1 à 4 joueurs à partir de 8 ans pour des parties de 20 mn environ. Un jeu de constitution de territoire par pose et superposition de cartes de Scott Almes à qui l’on doit déjà la série des Tiny Epic et l’excellent Boomerang que je ne peux que vous conseiller. Le jeu est magnifiquement illustré par Olivier Danchin avec Antoine Davrou à la direction artistique. Un style graphique qui volontairement ou non n’est pas sans rappeler certaines œuvres naïves propres aux peuples de Polynésie.

Affûtez vos pointes de lances, aiguisez vos haches, harnachez vos hameçons, comptez vos noix de cocos car nous allons devoir créer une île volcanique où tout se paiera avec le fruit du cocotier et dont les activités humaines, comme la pêche, la chasse ou la construction de pirogues devront être en symbiose avec la nature. En effet certains objectifs de scoring viseront à ce qu’il y ait plus de ressources que de prédateurs. La quête d’une harmonie dont on ne pourrait que s’inspirer.

Comme dans toute civilisation tribale, les symboles ont un sens qu’il ne faudra pas négliger c’est pourquoi les totems différents (salamandre, masques tribaux, lune …) devront être les plus nombreux possibles et les volcans, qui sont des dangers potentiels devront être les plus espacés de notre village mais pas trop loin tout de même car leur présence aura sûrement une fonction cultuelle voire sacrificielle non négligeable pour les autochtones.

Une partie de Motu se joue en 9 tours. A chaque tour, dans le sens des aiguilles d’une montre, en commençant par le joueur qui a posé les pieds sur une île le plus récemment, les joueurs vont prendre une carte de la Ligne et l’ajouter à leur île en la superposant à une ou plusieurs autres cartes déjà en place. Trois fois par partie, ils feront un décompte intermédiaire de leurs points de victoire (appelés ici Points d’harmonie) avant de les cumuler lors du décompte final. Le joueur avec le plus de Points d’harmonie constitue la plus merveilleuse des îles de l’archipel et gagne la partie. Voilà c’est simple non ? Petite visite guidée pour un peu plus de détails.

Qu’est ce qu’on trouve dans la boîte ?

  • 40 cartes Île (à imprimer)
  • 4 cartes Village (à imprimer)
  • 1 carte Solo (à imprimer)
  • 28 jetons Noix de coco (à imprimer)
  • 1 Réglette volcanique (à imprimer)
  • 1 feuille de score (à imprimer)
  • 1 livret de règle (à imprimer)

Comment on joue à ?

Mise en place :

1. Faites un peu de place sur la table, vous ne savez pas par avance quelle forme va prendre votre île. Donnez aléatoirement à chaque joueur 1 carte Village (parmi les 4 disponibles) qu’il placera devant lui, face visible. Cette carte sera la première de son île. Mélangez les cartes Île. Placez 4 cartes Île en ligne, face visible. Cela formera la rivière de carte ou un tapis roulant, c’est comme vous voulez.

Constituez 3 piles de cartes Ile à droite de cette Ligne : Les piles A, B et C. Chacune est composée d’un nombre de cartes dépendant du nombre de joueur (exemple pour 3 joueurs : Pile A : 12 cartes, pile B : 9 cartes, pile C : 6 cartes). La pile A sera la plus proche de la rivière de cartes, la pile C la plus éloignée (les piles B et C seront en fait en attente).

Les autres cartes ne seront pas utilisées. Chacun reçoit 7 noix de coco (ou ce que vous voulez qui fera bien l’affaire d’ailleurs). On prend la feuille de score (qui fera aussi aide de jeu pour anticiper le comptage) et la réglette volcan qu’on laisse à portée de main.

Tour de jeu :

A chaque tour un joueur va réaliser dans l’ordre 3 actions obligatoires + le décompte intermédiaire et final :

1 – Prendre une carte

Vous pouvez choisir n’importe laquelle des 4 cartes Ile de la ligne. Pour prendre cette carte vous devez placer un de vos jetons Noix de coco sur chacune des cartes situées à gauche de cette carte. Pour ceux qui connaissent, cela reprend le système que l’on trouve dans Century – la route des épices ou Golem. J’apprécie ce système qui génère un dilemme puisqu’il place sur des cartes peut-être moins attractives de quoi les rendre plus attractives … par exemple, pour prendre la 4ème carte de la ligne vous devez déposer un jeton Noix de coco sur les 3 autres cartes de la ligne. Ce devra être une carte qui devra valoir le coût ! La première carte de la ligne est toujours gratuite. Aux tours suivants, s’il y a un ou des jetons Noix de coco sur la carte prise ce tour-ci, on prend aussi les jetons posés.

2. Ajouter une carte sur son Ile

Vous devez poser la carte Ile sur une ou plusieurs autres cartes Ile déjà présente(s) devant vous. Au premier tour vous n’aurez devant vous que votre carte Village. Vous devez respecter 3 règles :

  • Couvrir au moins 1 Symbole. Plusieurs Symboles peuvent être couverts par une seule carte. Attention, le centre du Village ne peut pas être couvert.
  • Les Plages doivent être continues. Chaque extrémité de cette Plage doit sortir de l’ile, c’est à dire qu’une plage prolonge une autre plage. Elle ne peut pas allez directement dans les Terres ou directement dans la Mer.
  • La Mer ne peut pas entrer dans les Terres.

3 – Compléter la Ligne de cartes Ile

Vous devez piocher une carte de la Pile la plus proche de la Ligne (Pile A, B ou C selon le moment de la partie) et la placer à gauche de la Ligne (pas à droite comme dans la plupart des jeux où une rivière de cartes doit être alimentée) en décalant les cartes présentes pour lui faire de la place à la manière d’un tapis roulant.

Si vous piochez la dernière carte d’une Pile cela déclenche le Décompte intermédiaire. Et vous verrez ça vient vite, très vite surtout pour la dernière pile.

4 – Décompte intermédiaire

Dès qu’une Pile est vide, tous les joueurs calculent les points octroyés par une ou plusieurs des 6 Sources d’harmonie. Chaque joueur choisit la ou les Sources qu’il comptabilise selon les règles suivantes :

  • Pile A vidée = Prendre en compte 1 Source parmi les 6.
  • Pile B vidée = Prendre en compte 2 autres Sources (donc parmi 5).
  • Pile C vidée = Prendre en compte les 3 dernières Sources.

Une fois que tous les joueurs ont noté leurs Points d’harmonie sur la feuille de score, on rapproche la Pile suivante de la rivière de cartes et on continue à jouer.

Chaque joueur aura posé 4 cartes au premier Décompte, 3 cartes de plus au deuxième et 2 cartes de plus au dernier Décompte. Donc un total de 9 cartes, pas plus, pas moins. Comme je vous le disait ça va vite, très vite surtout vers la fin.

Le principe de scoring est le suivant et il est très malin. C’est là que la notion d’harmonie entre en jeu (même si visuellement votre île ne sera pas forcement harmonieuse). Si vous avez plus de chasseurs, pêcheurs ou pirogues que les Sources respectives (oiseaux, poissons et bois) vous marquez 0 (donc évitez de choisir dans ce cas de figure cette ressource pour scorer !). Sinon compter le nombre de ‘prédateurs’ et marquez des points selon le tableau de score (exemple : 3 points par pêcheur). Si vous choisissez les totems, vous comptez en fonction des totems différents et attention si vous avez des totems identiques ils vous rapportent … 0. Vous pouvez choisir de compter vos noix de cocos (et là c’est donc intéressant de ne pas toutes les dépenser ou d’en récupérer sur la rivière de cartes). Enfin les volcans que vous avez posés vous rapporteront des points en fonction de leur niveau d’éloignement. Prenez la Réglette volcanique pour évaluer la distance séparant le centre de chaque Volcan de votre île du centre de votre Village. Chaque Volcan peut ainsi vous rapporter de 0 à 5 points. C’est très malin.

Fin de partie :

Lorsque tous les joueurs ont ajouté leur 9ème carte à leur île et que la Pile est donc vide, ils font le Décompte intermédiaire de leurs 3 dernières Sources d’harmonie puis la partie est terminée et on procède au calcul des scores.

Chaque joueur additionne ses Points d’harmonie octroyés par les 6 Sources décomptées durant la partie et ajoute l’éventuel Bonus de plage : le joueur qui a la plus longue Plage (celle qui est constituée du plus grand nombre de cartes Île) gagne 5 Points d’harmonie supplémentaires. S’il y a une égalité, les joueurs impliqués gagnent chacun 5 points. Enfin celui qui a le plus de points l’emporte.

Une variante solo modifie les règles de base du jeu. Le joueur jouera contre un automate nommé l’Adversaire. Voici quelques éléments de cette variante : on fait plus ou moins la même mise en place sauf qu’il y a une carte cabane à placer et pas de rivière de 4 cartes. On attribue un score de départ à l’Adversaire (facile à mythique), on piochera deux cartes des piles et on en choisira une. Si on choisit la carte de gauche on paye 1 noix de coco que l’on placera sur la carte cabane, si on choisit la carte de droite on prend la noix de coco sur la carte cabane s’il y en a une. La carte non prise est ajoutée à la pile de l’adversaire (sauf si on paye 3 noix de coco pour l’en empêcher). On fait les décomptes intermédiaires et la partie est terminée lorsque la Pile C est vide. On compte les points d’harmonie de l’Adversaire selon un système que je ne détaillerai pas que l’on ajoute à son score de départ et on compare avec le nôtre.

Est-ce que c’est bien ?

Ce que j’ai ❤️

  • Le système de pose par superposition rappelant un peu le jeu Honshu mais en plus libre … en respectant 3 contraintes.
  • le scoring par étape. L’idée de compter 1, puis 2 puis 3 Sources différentes amène des dilemmes.
  • Les différentes manières de scorer (les prédateurs, les totems, la distance Village-volcan, la plus longue plage, les noix de coco)
  • Le choix des cartes à la manière d’un Century – Route des épices mais avec un réassort de cartes différent.
  • La quête de l’harmonie qui transcende le thème
  • Les illustrations colorées, les pictogrammes bien choisis.
  • La feuille de score qui fait aussi un peu aide de jeu.

Ce que j’ai 💔

  • Trop court ! Mais rien n’empêche de jouer en deux parties gagnantes !

Design

Les illustrations sont très bien réussies. Olivier Danchin nous régale avec sa touche personnelle faite d’éléments structurés, empreints d’un soupçon de naïveté, saupoudré d’éléments colorés rappelant la vaporisation de la peinture à la bombe. C’est la signature graphique de l’illustrateur. Les pictogrammes sont très clairs. On aurait peut-être juste aimé plus de détails sur les portions d’îles même s’il y en a déjà mais c’est sûrement un choix allant vers la simplification visuelle.

Qualité du matériel

La qualité du matériel dépendra de vous ! Il y a assez peu de cartes à imprimer, le recto verso est bien ajusté. Un peu de découpe, de pliage et de collage. La feuille de score est bien pensée, bien pratique.

Thème

Le thème d’une île qu’il faut créer de toute pièce réclame d’être en harmonie avec la nature et il colle très bien à la mécanique de jeu, surtout ses règles de scoring.

Paumotu, représentée dans le jeu Motu par la déesse éponyme Pau Motu, est plus connue de nos jours comme étant une langue polynésienne – certes de moins en moins parlée – de la famille des langues austronésiennes. Cette langue de Polynésie française est parlée dans l’archipel des Tuamotu. Et les mythes tahitiens sont très riches et il en existe de nombreuses versions qui évoquent Paumotu. Ils sont transmis oralement de générations en générations, d’où leurs grandes diversités :  La séparation du ciel et de la terre, l’organisation du monde, l’origine de l’Homme, la mort, les héros et ce qui nous intéresse l’origine des îles. Justement que nous dit la légende : Ta´aroa (en tahitien : l’unique) est le dieu créateur, l’origine du monde, le père des dieux, de la terre et de l´homme. Ta’aroa existe depuis toujours. A l’origine, il vivait dans une coquille. Il finit par la briser et se rendant compte qu’il était seul, il créa le monde, les dieux et les hommes. C’est lui qui a ordonné aux îles de surgir de la mer. Havai’i et Pora Pora furent les deux premières à naître, puis vinrent toutes les autres : ‘uporu, Maupiti, … et les îles Paumotu. Et Motu se retrouve dans la plupart des langues polynésiennes, et a pour sens : coupé, séparé ; mais le sens le plus courant désigne une île, un îlot ou une péninsule. Thème et mécanique de jeu font donc bien corps et donnent encore plus de sens à l’accomplissement de nos harmonies.

Mécanique

La mécanique est sur 9 tours (donc 9 cartes à poser seulement), avec l’achat de portions d’île ou de rivage depuis une rivière de cartes à la manière d’un Century – route des épices et une pose de cartes avec de la superposition non sans rappeler Honshu mais en beaucoup moins structuré, plus libre en apparence quoi que … puisque votre île prendra la forme que vous désirez … ou pourrez lui donner. C’est fluide, combinatoire, avec comme interrogation : je m’oriente vers quel choix de ressource pour les décomptes intermédiaires ?

Le scoring par manche nous fera penser un peu à Boomerang car on devra choisir nos sources les plus avantageuses, 1 au 1er décompte, 2 autres différentes au second et les trois dernières au dernier décompte, et ça, croyez moi, c’est extrêmement malin !

Et l’idée d’harmonie est vraiment bien rendue avec cette tension et les dilemmes permanents : ne pas trop mettre de prédateurs tant que je n’ai pas les ressources, me mettre les volcans loin du village mais pas trop sinon ils ne comptent pas, payer des cartes pour avoir des cartes qui m’intéressent mais je donne potentiellement des noix de coco aux adversaires, poser des totems mais attention pas de totems identiques sinon ils ne comptent pas. Tout parait bien équilibré.

Les choix seront toujours pointus et votre île se construit devant vos yeux avec seulement 3 contraintes de pose (recouvrement et contrainte liée aux plages et à la mer) et tout s’accélère de manche en manche jusqu’à retenir notre souffle lors des 2 dernières poses. Et là, on compte, et on se fait déjà le débrif en se disant mais pourquoi je n’ai pas pris ça, posé de cette manière là.

Simplicité des règles

La règle est simple et très bien écrite. Aucun retour à la règles est nécessaire grâce notamment à la grille de score qui fait en même temps aide de jeu pour orienter nos choix de scoring.

Mise en place / Rangement

La mise en place est très rapide : mélanger les cartes, faire 3 piles, constituer une rivière de 4 cartes, choisir une carte village, donner 7 noix de coco ; et le rangement également.

Conclusion

C’est encore du tout bon dans la gamme des Print and Play chez Superlude. Après un jeu d’affrontement et de majorité (Kenjin), les roll n’ Write (Doodle Islands, Inkalam), le flip and draw (Tiny Reef), un jeu de cartes de rapidité (Licornizer) et le bluff stratégique à deux en mode Tic Tac Toe avec Tribunal 1920, la série s’étoffe avec Motu qui est un jeu de pose fluide, joli, stratégique et malin au niveau du scoring. Un jeu qui tout de suite plait avec son thème qui met en avant la quête de l’harmonie entre la nature tahitienne et l’Homme. Tout est bien optimisé. On en vient même à regretter des parties qui, tellement fluides, stratégiquement très accessibles,et qui peuvent amener pas mal de réflexion, paraissent se finir trop vite. L’optimisation est de mise et on en redemande surtout à ce prix là ! 3€ ! Un jeu qui mériterait pour les plus conventionnels et les non adeptes du print n’ play une version boîte traditionnelle !

Testeurs : Laurent, Sandrine

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