[Independence Day] Débâcle Jeux

Dans la série Independence Day, nous nous entretenons aujourd’hui avec Marianne Michel, chargée de communication chez Débâcle Jeux. Nous en saurons plus sur la genèse, la démarche éditoriale et les projets de cette petite maison d’édition héraultaise à qui l’on doit pour le moment les jeux Boss Quest et Deadlines.

Petite présentation de Débâcle Jeux :

Débâcle Jeux est né lors de la création de Boss Quest, notre premier jeu, il y a maintenant deux ans. Emmanuel Soulié et Julien Teilhet sont les fondateurs de Débâcle Jeux ; ils se sont lancés dans la distribution d’accessoires de jeux vidéo en 2008, c’est toujours leur métier principal d’ailleurs. Un jour, par le biais de Benjamin Planas qui travaille avec moi chez le distributeur de jeux Ludistri , ils ont fait la connaissance de Christophe Lauras, à l’époque déjà auteur de Trôl et Zombie Bus (une petite review sur Undecent.fr ici). Etant passionnés de jeux de société, mais n’ayant jamais auparavant imaginé qu’ils pourraient en faire, ils se sont lancés dans l’aventure !

Marianne, par rapport à ton parcours personnel, pourquoi avoir choisi de travailler dans l’édition de jeux de société ?

Au moment de m’orienter dans mes études, je me suis demandée ce qui me plaisait vraiment dans la vie, quel métier me rendrait vraiment contente d’aller travailler. J’adore les jeux de société, et je me suis dit que ça serait chouette de faire n’importe quel emploi dans ce monde-là ! J’ai eu l’opportunité de rencontrer Débâcle Jeux et Ludistri, et au vu de mon parcours pédagogique, ça a matché !

Qui compose l’équipe Débâcle Jeux ?

Nous sommes plusieurs à participer aux créations de Débâcle Jeux, mais ce n’est pas notre activité principale ! Emmanuel Soulié prend les décisions et trouve des solutions pour rendre les rêves des auteurs réalisables. Il participe activement au développement des jeux et dirige et organise toute l’équipe. Lucie s’occupe des missions de graphisme et d’ergonomie sur la plupart des jeux, c’est elle qui les embellit et fait la direction artistique. Benjamin donne son avis, et essaye de trouver des solutions pour améliorer les mécaniques. Sa connaissance de la culture ludique permet aussi de se rendre compte de l’originalité de nos productions. Enfin, pour ma part (NDLR : Marianne), j’ajoute ma pierre à l’édifice principalement en terme de communication. J’administre entre autres les réseaux sociaux et tente de donner de la visibilité à nos jeux. Je suis aussi heureuse de participer à petite échelle à tous les niveaux !

Nous avons aussi quelques sous-traitants, comme notre ami Benjamin Treilhou qui a fait la direction artistique de Deadlines.

Benjamin Treilhou
Où travaille l’équipe de Débâcle Jeux ?

Nous sommes basés à Saint-Thibéry, dans le département de l’Hérault. Débâcle Jeux utilise les bureaux de Ludistri lorsque c’est nécessaire, mais nous ne travaillons pas à temps plein sur Débâcle Jeux.

Le village
Saint-Thibéry dans l’Hérault, siège de Débâcle Jeux
Car tout a un début, peux-tu me parler de la genèse de Débâcle Jeux ?

Tout commence avec Boss Quest, Débâcle Jeux s’est créée à sa naissance. Nous avons eu cette occasion grâce à l’auteur, Christophe Lauras, qui est un ami. Nous avions envie de faire un jeu et il a conçu Boss Quest juste pour nous ; il s’appelait à l’époque « 16 Bits » (un clin d’œil à l’architecture 16 bits des ordinateurs de la fin du siècle dernier). C’est alors que des auteurs sont venus nous contacter, et après quelques tests, tant de jeux supers méritent de voir le jour. Nous sommes animés par l’envie de les y aider !

Comment a été choisi le nom Débâcle Jeux ?

Nous voulions un nom décalé, qui ne se prend pas au sérieux, voire qui revendique une certaine conception de la loose !

Quelles sont ou ont été les principales difficultés rencontrées pour Débâcle Jeux ?

Être un petit éditeur qui débute n’est pas évident pour plusieurs raisons. Déjà, il y a déjà beaucoup de monde sur le marché. Et même si les relations se passent bien, il faut avouer qu’il est compliqué de démarquer nos jeux des autres. Ensuite, il est difficile de s’organiser lorsqu’on démarre ! Il y a tant de projets que nous aimerions voir naître, que nous n’avons pas su refuser à cause de coups de cœurs… Etant donné que ça n’est pas notre activité principale, il est difficile de concilier coups de cœur et pragmatisme éditorial.

Quelle est la démarche d’édition choisie par Débâcle Jeux ?

Nous voulons faire des jeux qui soient disponibles en magasin avant tout, donc je c’est plutôt l’édition classique qui a été choisie. Le financement participatif, on aime beaucoup ça, mais il ne faut pas que ça soit au détriment des joueurs qui vont dans les magasins spécialisés. Avec Boss Quest on a je pense réussi à concilier les deux. Il y a aussi la coédition… on aura peut-être une nouvelle dans ce sens en fin d’année mais je ne peux pas en dire plus. Disons que nous sommes ouverts !

Quels sont les choix de fabrication, les impératifs, les impondérables, les contraintes de fabrication à respecter ?

La principale contrainte, c’est le minimum de quantités à commander pour avoir un prix d’achat viable. Pour l’atteindre il faut un distributeur qui vous suive, ou alors un crowdfunding qui cartonne. Le reste finalement n’est pas vraiment un problème. Boss Quest et Deadlines ont été fabriqués en Chine, mais nous adorerions produire en France. S’il y avait en engouement massif pour le made in France ce serait une possibilité que nous étudierions très sérieusement. Actuellement la demande ne contrebalance pas la différence énorme de coûts.

Comment Débâcle Jeux s’intègre-t-il à la démarche d’écoresponsabilité ?

Globalement on essaie de privilégier le carton au plastique. C’est facile à dire aujourd’hui car la figurine plastique, et tout autre type d’objet en plastique ne sont pas encore vitaux à nos jeux, mais nous avons réellement fait des choix dans ce sens. Nous envisageons des productions en Europe pour certains jeux à venir. Ça améliorerait considérablement les choses à ce niveau.

Comment Débâcle Jeux se fait-il le mieux connaître ?

Nous souhaitons de plus en plus passer par des articles comme sur Undecent.fr qui affichent du contenu de qualité et pas juste quelques mots clés en vrac sur une page pour faire plaisir aux moteurs de recherche.

Le financement participatif est une piste que nous aurons surement tendance à abandonner, nous avons fait les frais sur le Kickstarter d’Hades Trap de ce que ça représente de payer de la pub sur des sites américains qui ne font pas grand-chose pour vous aider à vous démarquer. C’est aussi de notre faute bien entendu ! Mais c’était de l’argent jeté par les fenêtres. Globalement toute la pub payante en langue anglaise n’a servi à rien. Il est probable que notre prochaine campagne soit centrée sur l’Europe.

Au niveau distribution, quel lien Débâcle Jeux a-t-il avec Ludistri ?

Ce sont les mêmes personnes qui ont créé Débâcle Jeux et Ludistri. Mais si Ludistri aujourd’hui est capable de financièrement supporter une équipe, Débâcle Jeux dépend du temps que chacun arrive à se dégager. Heureusement ça va de mieux en mieux à ce niveau.

Mais en fait quelle est la ligne éditoriale choisie par Débâcle Jeux ? Comment se font les choix des jeux, des auteurs et illustrateurs ?

Le choix des jeux se fait principalement au coup de cœur. Des tas d’auteurs nous envoient leurs jeux ou des présentations par email, et nous essayons de faire le bon choix ! Actuellement nous avons toujours pris les jeux avec leurs auteurs, nous n’avons jamais lancé un projet de jeu et puis après cherché un auteur.

Pour les illustrateurs, actuellement nous cherchons sur les habituels sites sur lesquels nous pouvons admirer leurs portfolio (Deviantart, Behance etc.) et sur les réseaux sociaux. Nous les contactons tout simplement en demandant s’ils sont disponibles et intéressés par le projet. On ne trouve pas toujours du premier coup, mais jusqu’à présent on est très contents de cette façon de procéder.

Quelle relation Débâcle Jeux a-t-il avec les auteurs et illustrateurs ?

Il est difficile de choisir les jeux parmi ceux que nous présentent les auteurs. Nous choisissons ceux qui nous plaisent le plus en termes de sensation de jeu et tentons de le rendre réalisable. Une fois le thème choisi (inspiré des jeux vidéo, on ne se refait pas), il faut trouver l’illustrateur(rice) qui saura le mettre en valeur. Nous avons de très bons rapports avec les auteurs et les illustrateurs qui travaillent avec nous, car nous essayons de travailler avec des auteurs du coin (pour rappel : Débâcle Jeux est dans l’Hérault). Certains sont des amis ! 

Comment l’éditeur s’intègre-t-il dans la conception des jeux qu’il édite ? A quelle étape joue—t-il un rôle essentiel ?

Souvent les jeux présentés sont des prototypes très artisanaux. Pour un jeu comme Boss Quest par exemple, nous avons trouvé le concept global, le nom, et géré toute la direction artistique. A la base le prototype était bien plus simple et son thème était un peu froid et abstrait. C’est souvent là qu’est la valeur ajoutée de l’éditeur, essayer de trouver un thème intéressant et le lier à la mécanique du jeu. Justement, la mécanique du jeu n’a quasiment pas bougé, elle était déjà excellente dès notre première partie, Christophe nous avait vraiment fait un jeu sur mesure. Ça nous arrive d’aider à l’équilibrage bien entendu.

Marianne, quel ton rôle personnellement dans ce processus ?

J’aide à toutes les étapes, que ce soit lors du choix des protos, lors des tests, lors du travail sur la règle du jeu etc. Je m’essaie même à la direction artistique actuellement sur un projet de jeu lié à une association.

Et combien de temps prend en moyenne l’édition d’un jeu ?

Pour Boss Quest on a pris presque un an. Pour Deadlines aussi. J’aimerais dire que ça va beaucoup plus vite, mais c’est actuellement notre rythme.

Parlons des jeux édités par Débâcle Jeux. Comment ont réussi à aboutir ces projets ? Comment ont-ils vu le jour ? Quelles évolutions dans la conception ont-ils connus ?

Boss Quest

Notre premier jeu, sorti grâce à une campagne Ulule en décembre dernier. Nous sommes très heureux de constater son succès, et on en parle beaucoup encore aujourd’hui ! (Boss Quest sera d’ailleurs surement en test prochainement sur Undecent)

C’est un jeu de blackjack en multijoueur avec des pouvoirs permettant d’aller taquiner les autres joueurs, le tout dans un univers pastichant les jeux vidéo. Les joueurs devront sauver soit le prince soit la princesse des vilains boss ! Il faudra, à l’aide de ses cartes et d’une bonne dose de bluff, réussir à se rapprocher le plus possible de la valeur du boss sans la dépasser, pour obtenir une clé. Mais attention, les autres joueurs vont tenter de vous mettre des ventouses dans les roues !

Une anecdote sur la conception de Boss Quest, le jeu est plusieurs fois passé d’une direction artistique en pixel art évoquant les jeux vidéo des années 90, à une direction artistique plus grand public. C’est un des rares cas où nous n’avons pas suivi nos envies, car le pixel art aurait mis le jeu dans une niche, alors qu’au final c’est un jeu très simple à prendre en main.  L’autre anecdote concerne la carte « 0 » qui était dans certains cas un camouflet fait aux autres joueurs, et qui a longtemps été une représentation d’un chevalier qui montrait ses fesses ! L’idée n’est pas totalement abandonnée d’ailleurs…

Deadlines

Sorti pour Halloween 2020 (voir le test sur undecent.fr), Deadlines, un jeu de Julien Teilhet, est notre deuxième jeu.

L’auteur de Deadlines lors des premières réceptions du jeu chez Débâcle Jeux

Nous le sortons sans financement participatif et sommes confiants, car il offre de nombreuses possibilités avec un humour décalé. Il a été très bien reçu à Cannes et à Vichy ! Pour compenser le manque de communauté sur Deadlines car nous n’avons pas fait de financement participatif, nous mettons le paquet sur la communication et ça fonctionne bien.

Le proto avec le fichier brut de préparation des cartes de jeu
Peux-tu nous présenter les futures sorties prévues ?

Hades Trap et Monkey Klash sont deux jeux de Michel Gonzalvez, un auteur de jeux local. Le premier a déjà eu son Kickstarter financé à 300% ! Ils sortiront tous les deux en 2021.

Hades Trap

C’est un jeu de plateau en pixel-art, familial et fun, encore très attaché à la thématique des jeux vidéo. Vous incarnerez des héros de la mythologie grecque et devrez passer l’épreuve du Minotaure en récupérant des médaillons de plusieurs façons différentes pour sortir vivant du labyrinthe (plateau modulaire).

Monkey Klash

Un jeu beaucoup plus léger puisque c’est un jeu d’ambiance dans lequel vous devrez jouer des cartes « singe » de votre main pour récupérer un maximum de fruits ! Chaque singe a son propre pouvoir et récupérera ses fruits selon un ordre précis. Mais si deux personnes jouent le même singe, il faudra être le premier à taper au centre de la table, pour klasher ou coopérer avec l’autre ! Attention à ne pas vous retrouver avec des guêpes dans votre panier…

Y a -t-il des projets à plus long termes ? Florian Siriex et Benoît Turpin n’auraient pas signé chez Débâcle Jeux ?

Florian Sirieix (Save the Meeples, Zoo Run, Cowboy Beebop : Space Serenade …) et Benoît Turpin (Welcome To, Préhistories …) ont effectivement signé pour un futur jeu chez nous il y a peu… Nous avons choisi de ne pas encore trop communiquer dessus car nous ne sommes pas totalement prêts et que nous voulons leur faire honneur lorsque nous commencerons à le dévoiler. Je peux tout de même dire que c’est un Roll & Write à la sauce rétro, avec un thème léger inspiré d’un fameux jeu des années 80…

Quel impact a (ou a eu) la crise liée au Covid sur un éditeur comme Débâcle Jeux ?

La crise du Covid n’a, je pense, pas vraiment été très négative pour le jeu de société. D’un côté elle nous a permis de nous focaliser un peu plus sur l’édition par rapport à d’habitude, mais d’un autre côté, comme nous étions moins nombreux et pas sur le lieu de travail… Ça n’a pas avancé très vite. Ça a freiné nos projets, surtout que l’annonce du confinement a été faite lors des dernières 48h de notre Kickstarter d’Hades Trap, ce qui a totalement anéanti notre sprint final… mais nous sommes quand même très contents de cette campagne financée. 

Comment vois-tu l’évolution du marché de l’édition du jeu ?

L’édition de jeu est, je pense, vouée à se développer considérablement. En effet, de plus en plus de gens se mettent au jeu de société, et c’est génial. Même si l’offre proposée est déjà énorme, il ne faut pas perdre de vue que la demande augmente aussi énormément. Et il faut bien reconnaître qu’en terme de design et de qualité du matériel, les progrès effectués ces dernières années sont impressionnants !

Pour conclure, qu’est-ce qui selon toi fait l’originalité d’un éditeur comme Débâcle Jeux ?

Pour moi, l’originalité de notre activité est liée à plusieurs choses. Déjà, nous sommes de sacrés geeks et ça se ressent ! Ensuite, on essaye de casser un peu les codes avec des boîtes et des contenus originaux. Nous prenons le temps pour que nos jeux soient totalement aboutis, et nous travaillons dans la bonne ambiance !

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