[Independence Day] Synapses Games

Dans la série Independence Day qui se veut être une présentation non exhaustive des éditeurs francophones, nous avons le plaisir de recevoir Carl Brière, fondateur de Synapses Games. Il vient nous parler de la genèse, de l’évolution et de l’actualité ludique de cette maison d’édition québécoise : avec actuellement notamment la sortie du jeu Coatl et prochainement Match 5.

Carl Brière, fondateur de Synapses Games
Mais qui « est » Synapses Games ? De quand date les débuts de cette maison d’édition très récente ?

Oh, bonne question … qui a plusieurs réponses. D’un point de vu conceptuel, Synapses Games a vu le jour en 2016. J’imaginais le type de jeux que je voulais éditer, la philosophie d’entreprise que je voulais lui donner. Bref, l’idée de bâtir Synapses débutait graduellement dans ma tête. La compagnie a vu le jour en 2017 d’un point de vu l’égal. C’est à ce moment que le tout est devenu concret. Maintenant, il fallait un premier jeu. C’est à l’automne 2019 que le premier jeu de Synapses games à vue le jour.

Carl, peux-tu te présenter en tant que fondateur de Synapses Games ?

J’habite près de Montréal, au Québec. D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours aimé jouer. Surtout les jeux de cartes ! J’ai étudié dans le domaine de la santé pour ensuite travailler dans le pharmaceutique. J’y ai travaillé une dizaine d’années, mais lorsque j’ai eu mon premier enfant, j’ai fait par la même occasion un changement de carrière et je suis retourné aux études. Je travaillais à mi-temps dans un entrepôt près de chez mois. C’est à ce moment-là que j’ai été en contact pour la première fois avec le domaine du jeu d’un point de vue professionnel, car il s’agissait d’un éditeur de jeux de société. Dès la fin de mes études, je me suis consacré à temps plein au monde du jeux de société.

Par rapport à ton parcours personnel, pourquoi avoir choisi de travailler dans l’édition de jeux de société ?

En fait, je n’ai pas choisi d’y travailler. C’est un parcours de vie qui m’a amené dans ce domaine, que je ne connaissais pas. Je suis réellement content de ce changement de carrière complètement non planifié. Depuis 2009, j’ai appris beaucoup dans diverses sphères de l’industrie du jeu. La distribution, l’édition et même dans la fabrication des jeux. Avec le recul, je me suis rendu compte que ce que j’aimais le plus, c’était d’être près des jeux, du développement, des tests, du plan de lancement. Bref, l’origine d’un jeu. Le prendre, le modifier, le façonner, l’améliorer pour enfin le présenter fièrement.

Qui compose son équipe ? Quel est le rôle de chacun d’eux et peux-tu nous dire en quoi ces rôles consistent ?

Voici l’équipe permanente de Synapses.

La dream Team : de la gauche vers la droite, Josée, Carl, Marie-Elaine

Il faut savoir que l’équipe est beaucoup plus grande ; il y a des collaborateurs d’un peu partout qui travaillent sur des projets particuliers.

Où travaille l’équipe de Synapses Games ?

Nous venons tout juste de déménager nos bureaux. Nous avions besoin de plus grand. Nous sommes plus, nous serons potentiellement plus, mais nous avions besoin de plus d’espace pour tester… ou plutôt pour jouer. Hé oui, chaque midi nous jouons, parce que nous aimons ça ! Voici notre magnifique espace de jeu… heu de travail !

Car tout a un début, peux-tu me parler de la genèse de Synapses Games ? Quelles sont les raisons, motivations ou opportunités de création d’un éditeur comme Synapses Games ?

C’était un désir d’accomplissement. Je voilais créer quelque chose et aimer ce que je faisais. Depuis la jeune vingtaine, j’avais ce désir de bâtir quelque chose, une équipe. D’avoir un projet de vie. Synapses est devenu mon projet de vie !

Comment a été choisi le nom Synapses Games ?

Ça vient de mon côté scientifique. Les synapses dans le cerveau, créent des connexions. J’ai fait le parallèle avec les jeux. Lorsque nous jouons à des jeux, nous créons des connections avec les autres joueurs. D’ailleurs, les deux personnages bleus représentent des synapses. Une petite et une grande, vu que nous faisons principalement des jeux familiaux.

Quelles sont ou ont été les principales difficultés rencontrées pour Synapses Games ?

Les difficultés. Il y en a constamment ! Sur le plan financier, c’est un défi de taille. Tant pour les illustrations et la production, mais tout ce qui entoure la promotion du jeu. Ensuite, il faut agrandir l’équipe. Puis le COVID ! En plus, il faut que nos jeux trouvent leur place, parmi une offre très grande. Il faut donc être créatif, penser différemment et s’adapter.

Quelle est la démarche d’édition choisie par Synapses Games ?

J’ai décidé pour opter pour un mode d’édition classique. Je ne pense pas, pour l’instant du moins, que nous avons le type de jeux qui requiert d’aller avec le financement participatif. Les jeux de Synapses sont tous des jeux originaux, mais nous n’excluons pas dans l’avenir d’avoir un projet en coédition si l’occasion se présente. Pour ce qui est du PNP, nous en avons fait un avec MATCH 5 qui sortira au premier trimestre 2021. Le jeu version physique était déjà presque terminé. Avec le confinement, avec l’équipe, nous avons travailler rapidement pour adapter le jeu à une version PNP. En avril et mai, uniquement pour le français, nous avons eu plus de 40 000 téléchargements de cette version. Les commentaires étaient excellents.

Cependant, beaucoup de gens n’avaient pas d’imprimante. Nous avons donc développé des SNP (share and play). L’idée est de partager son écran avec ses amis et sa famille et de pouvoir jouer à distance. Nous restons donc très flexibles et être une petite équipe dynamique aide grandement !

Quels sont les choix de fabrication, les impératifs, les impondérables, les contraintes de fabrication à respecter ?

Comme nous proposons des jeux accessibles et familiaux en termes de complexité des règles, il faut aussi que les jeux soient accessibles également. En même temps, nous voulons offrir des jeux avec des matériaux de qualité.

Crazy Tower avec ses gros blocs de bois.

Coatl avec ses 150 pièces de plastique en sont la preuve.

Il me faut souvent plusieurs mois afin de trouver le bon équilibre entre tout ce que l’on veut mettre dans une boîte et tout ce que nous pouvons réellement mettre dans une boîte. Il faut garder un équilibre entre l’expérience que le jeu apporte, le joueur cible et le prix.

Comment Synapses Games s’intègre-t-il à la démarche d’écoresponsabilité ?

Nous ne faisons pas de suremballage. Si vous avez déjà ouvert une boîte de Synapses games, vous savez déjà que nous offrons des boîtes bien remplies. Nous limitons les pertes d’espace, donc les boîtes surdimensionnées. Il y a donc une économie écologique en ce qui concerne le matériel et surtout une économie sur le transport, vu que nos boîtes ne sont pas remplies d’air.

Comment Synapses Games se fait-il le mieux connaître ? Par exemple, on peut voir qu’il y a des sessions de jeu possible sur TableTopia, un concours sur Boardgamegeek …

Effectivement, depuis le 1 septembre, Coatl est disponible sur Tabletopia : https://tabletopia.com/games/coatl . Évidemment, avec un jeu dont l’expérience tactile est très importante, cette plateforme aide à ce faire une idée du jeu, mais c’est bien loin de la réalité.

Y a -t-il des pistes de plus en plus abandonnées pour un éditeur comme Synapses Games ? et d’autres qui sont de plus en plus envisagées ? Quels circuits de distribution ont été choisis ou privilégiés ?

En fait, nous voulons essayer d’être différent à notre façon. Nous ne sommes pas encore fermés à un type de jeu. L’important, c’est que l’équipe aime le projet. Il faut que ce soit un jeu que nous aimons jouer. Souvent. Nous sommes un studio trop jeune pour commencer à ce mettre des barrières.

Nous avons choisi la distribution exclusive, c’est-à-dire un distributeur unique par pays. Nous croyons que la chimie est meilleure quand le focus y ait.

Mais en fait quelle est la ligne éditoriale choisie par Synapses Games ? Comment se font les choix des jeux, des auteurs et illustrateurs ?

Je reçois directement toutes les demandes de jeux. Pour être honnête, il faut qu’il y ait un déclic. Une étincelle. Quelque chose qui va me stimuler. Une raison pourquoi j’aimerais faire ce jeu. Ensuite, je le présente aux autres membres de l’équipe et à mon entourage. J’essaie de rester le plus neutre possible. Je les observe pour voir leurs réactions, voir s’ils aiment ça, s’il se passe quelque chose. Ensuite, nous discutons en équipe ou individuellement pour comprendre leur expérience de jeu. La décision se prend en équipe, après plusieurs tests et discussions. Nous éditons peu de jeux par année. Très peu en fait. La raison est que nous nous investissons énormément dans chacun de nos projets, parce que nous y croyons. Nous ne voulons pas simplement passer à un autre jeu. Pour les illustrateurs, c’est différent à chaque jeu. Nous faisons beaucoup de réflexions par rapport au type de jeu et au message que nous voulons donner. Ensuite nous trouvons un illustrateur. Sauf dans le cas de MATCH 5. Nous savions que nous voulions travailler avec la SellyJellie, la même illustratrice que Coatl. Elle a tellement de talent et l’expérience avait été vraiment agréable que nous voulions faire un autre projet avec elle.

Quelle relation Synapses Games a-t-il avec les auteurs et illustrateurs ?

Je crois beaucoup au plaisir en travaillant. J’essaie donc de créer un lien rapproché avec les auteurs et les illustrateurs. Pour nous, ça nous facilite tellement la tâche de pouvoir échanger facilement avec eux. Les auteurs de Coatl (Etienne Dubois-Roy et Pascale Brassard) en sont un bon exemple. Nous nous appelons et écrivons fréquemment et pas uniquement pour le développement du jeu, mais également pour fêter les petits exploits comme la première copie de production reçu ou une bonne critique du jeu. C’est normal, nous avons tous travailler tellement fort ensemble dans ce projet.

Comment l’éditeur s’intègre-t-il dans la conception des jeux qu’il édite ? A quelle étape joue—t-il un rôle essentiel ?

En fait, ça dépend des jeux. Parfois les prototypes sont très avancés et d’autres nous prenons l’idée de base. Dans le cas de Synapses, nous jouons un rôle clé très tôt dans le processus, car lorsque nous signons un jeu, nous savons exactement ce que nous voulons en faire et quand nous voulons le faire. Il faut donc que nous nous investissons tôt pour bien communiquer nos attentes et comprendre à quel point les auteurs veulent s’impliquer.

Quel est ton rôle personnellement dans ce processus ?

Je m’occupe de développement des jeux et je détermine l’objectif final. Je donne ma vision. Tant pour le rythme du jeu, que les composantes ou la thématique. Ensuite, c’est un travail d’équipe et j’ai toute une équipe que je peux compter.

Combien de temps prend en moyenne l’édition d’un jeu ?

Cela varie d’un éditeur à l’autre. Pour nous, nous consacrons environ 18 mois à l’édition d’un jeu. Souvent en 6 mois, nous avons quelque chose de très avancé. Les 12 autres mois, sont pour les détails. Il faut souvent mettre un projet sur la glace pour mieux voir comment l’améliorer.

Parlons des jeux édités par Synapses Games.

  • Peux-tu nous présentez Incubation qui est déjà sorti depuis 2019 ?

Incubation est le tout premier jeu de Synapses Games. Lorsque j’ai créé Synapses, je voulais développer un catalogue de jeux familiaux, avec différents niveaux de stratégies. Pour Incubation je voulais que tant les enfants et les gens moins habitués aux jeux de plateau, soient en mesure de comprendre les règles et de maîtriser différentes mécaniques de bases, comme la gestion de ressources, compléter des objectifs communs, le sens du timing. Je voulais surtout que l’expérience soit positive. Le fait de faire éclore des œufs fréquemment, de faire des points, de gagner des trésors, c’est très gratifiant pour le joueur d’être sans cesse récompensé.

Crazy Tower est disponible depuis le FIJ de Cannes en 2020. Nous avons même créé des versions géantes. Il s’agit d’un jeu de dextérité de 1 à 4 joueurs. Chacun son tour, les joueurs doivent ajouter un de leur bloc de bois à la construction sans la faire tomber. Facile ? Pas vraiment ! Le jeu est très anarchique. Les blocs peuvent dépasser de la structure, les cartes peuvent être placées en porte-à-faux, des blocs peuvent se faire enlever de la tour. De plus, le jeu inclus 3 modes de jeux complètement différents. Tous les joueurs les uns contre les autres (compétitif), tous contre us (saboteur) ou solitaire qui inclus une vingtaine de défis. C’est un concept de base très simple qui crée des émotions extrêmement fortes très tôt pendant la partie.

  • Et Coatl est la nouveauté de chez Synapses Games. Parle-nous de lui. Comment a-t-il vu le jour ? Quelles évolutions dans la conception a-il connu ?

Coatl a vu le jour il y a bien longtemps ! Lorsque j’ai vu le jeu pour la première fois, les auteurs le faisaient tester depuis au moins 2 ans déjà. Peut-être même 3. J’ai rencontré les auteurs lors d’une journée de tests entre auteurs et éditeurs. J’ai tout de suite eu ce fameux coup de cœur pour le jeu. J’ai même proposé la journée même de signer le jeu pour Synapses.

Le jeu était déjà bien avancé. Nous avons surtout travaillé sur le rythme du jeu et la fluidité. Au paravent le jeu pouvait prendre 90 minutes. Mon objectif était d’en faire un je de maximum 60 minutes. Nous avons donc intégré des mécanismes pour favoriser des parties plus courtes, réduire les manipulations et le rendre plus instinctif.

C’est un Jeu de pattern building : Vous êtes plongé dans un univers Aztèque. Vous devez construire des Coatls (serpent en aztèque) avec des pièces de plastique. « Il y en a 150 ! Il faut respecter les cartes prophétie qui vous indiquent dans quel ordre vous devez placer vos pièces afin de maximiser votre pointage. »

As-tu une ou deux anecdotes liées à l’édition de ces jeux à nous livrer ?

Le jeu a remporté le plateau d’or pour meilleur proto de l’année, puis en 2019, il a fait la croisière Captain’ Meeple en Europe. Une anecdote… ou un élan de passion ?! Les auteurs ont fait un emporte-pièce à biscuit en forme de Coatl. En voici la preuve ! Voici quelques photos du prototype de Coatl quand je l’ai signé.

Peux-tu nous présenter les futures sorties prévues ? Notamment Match 5 pour le printemps.

MATCH 5 sortira en février 2021 au FIJ de Cannes. À noter que la version physique, nous avons inclus des dés spéciaux et offrira plus de 3000 combinaisons différentes.

Match 5 est un jeu d’association. Tous les joueurs jouent en même temps. Vous avez chacun un papier et un crayon. Au centre de la table, vous aurez 5 mots et vous devrez les combiner pour trouver des liens. Exemple : Temps et Film, votre réponse pourrait être Retour vers le Futur. Vous avez 3 minutes pour trouver 10 combinaisons possible et ensuite vous comparez vos réponses. 1 point par bonne réponse et 1 point supplémentaire si un autre joueur à la même réponse. Il faut donc penser vite et idéalement comme les autres joueurs.

Quels sont les projets à plus long termes ?

Notre sortie à l’automne 2021 est Fous à lier. Je ne vous en dis pas trop, mais je crois qu’avec le visuel de la boîte vous saurez si le jeu vous plaira. Encore une fois, la boîte sera bien remplie de matériel de qualité !

En fait Fous à Lier est un jeu d’ambiance. C’est un jeu d’icônes à relier. Comme le jeu des points à relier quand nous étions petits. Il suffit de connecter les points numérotés pour recréer un dessin. Et bien, remplacez les points par des icônes pour recréer un mot mystère. Ensuite, vous devez mimez et faire des sons à votre coéquipier pour qu’ils puissent reconnaître les icônes, afin de retracer le mot mystère sur son plateau de jeu et trouver la solution. En plus, il faut être la première équipe à trouver la solution, donc vous devrez vous dépêcher.

Ensuite pour le printemps 2022 nous sommes très bien avancé pour notre première sortie de l’année, mais il est encore tôt pour en parler. Nous avons également un jeu plus stratégique pour l’automne 2022.

Comment un auteur ou illustrateur de jeu fait-il pour taper dans l’œil de Synapses Games ?

Il faut simplement que nous ayons la même vision sur leur jeu et que le jeu se marie bien avec notre philosophie. Pour le reste, c’est de la magie !

Quel impact a (ou a eu) la crise liée au Covid sur un éditeur comme Synapses Games ?

Nous avons adapté MATCH 5 pour que les gens puissent le découvrir. Nous avons devancé sa sortie. Il devait être notre sortie automne 2021, soit tout de suite après Fous à lier. Vu les réactions du pnp et la nature de Fous à lier, nous avons ajusté notre calendrier de sortie. Ensuite, pour Coatl, nous n’avions pas envisager de faire une version digitale sur Tabletopia. Nous trouvions dommage que les gens l’attende avec impatience, sans pouvoir y jouer pendant les événements.

Comment vois-tu l’évolution du marché de l’édition du jeu ?

Je crois que la qualité des jeux en général va continuer à s’améliorer. Il va probablement avoir moins de nouveautés, ce qui n’est pas une mauvaise chose si la qualité est bonne. Probablement que de plus en plus les jeux vont utiliser diverses technologies pour créer des expériences plus enrichissantes. Si le confinement perdure, le type de jeu en demande changera probablement. D’un point de vue d’un éditeur, il faut rester ouvert à essayer de nouvelles avenues, car l’industrie n’a pas fini d’évoluer.

Enfin pour conclure, qu’est-ce qui selon toi fait l’originalité d’un éditeur comme Synapses Games?

Je crois que les gens de l’équipe. La passion et l’énergie que nous investissons dans chacun de nos jeux est contagieuse. Je crois que ça se voit dans les détails. Nous sommes une compagnie et une équipe jeune, mais déjà des joueurs nous écrivent pour nous dire qu’ils ont hâte de voir notre prochain jeu. C’est très satisfaisant et ceci nous pousse à continuer à se dépasser. Je le dis souvent avec Coatl. Nous venons de nous placer la barre très haute… et tant mieux !

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